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Il est conseillé d’en avoir, tout au moins de ne pas en manquer. L’intuition séduit tout un chacun. D’autant que le XXIème siècle, et quelques-unes de ses dérives, appelle à la prudence en matière d’innocence…
Si Françoise Dolto renvoyait l’image d’une personnalité finement intuitive, n’imaginez pas que cette qualité soit l’apanage de quelques élus. L’intuition, ça se booste ! Son étymologie le confirme : du latin intuitio, de intueri qui signifie regarder. Ce que l’être humain, y compris les malvoyants, sait faire lorsqu’il s’agit de voir de l’intérieur. À l’inverse, le peu d’intuition révèle un caractère trop enclin à la modélisation.
Un trouble de l’inhibition
Manquer de « flair » consiste à réaliser, dans un premier temps, que la problématique repose sur une tendance à l’inhibition. La perspicacité, a contrario, se retrouve chez des sujets qui estiment – à juste titre – que leur avis vaut bien celui des autres. Effectivement, toute discussion, tout dialogue, déclenche des réactions affectives, voire affectées, qui permettent de plus en plus d’anticiper la réactivité de l’interlocuteur. Ainsi, en affinant les échanges, on apprend à tester et à se tester. De son côté, Bertrand Méheust, auteur de « 100 mots pour comprendre la voyance », aux Éditions « Les empêcheurs de tourner en rond », rappelle que Bergson (le philosophe) a comparé l’intuition à un regard qui s’abolirait jusqu’à coïncider avec l’objet regardé.
Vladimir, 42 ans, cadre supérieur dans une entreprise d’eau minérale, s’étonne de ses progrès : Il m’a suffi de comprendre que la sagesse n’avait rien à voir avec la soumission pour sortir de cette espèce de brouillard dans lequel je me mettais s’il fallait que j’anticipe. La PNL (Programmation Neuro-Linguistique) m’y a aidé. Je confondais auparavant introversion et introspection. On peut se recentrer sur soi pour aller identifier nos pensées les plus intimes, sans quitter le mouvement de la vie. En fait, j’ai appris à réfléchir. En quelque sorte à me retirer dans mes appartements ! J’y trouve chaque jour des trésors. J’élabore maintenant tous mes projets professionnels et personnels de la sorte. Mon calcul est le suivant : 50 % de temps d’élaboration, c’est une phase de véritable retrait en moi, puis 50 % de temps de construction, c’est une phase de solide ancrage. Au total, 100 % de réussite pour la réalisation ! Et je n’exagère pas…
Un échange subtil
Une personne intuitive raisonne avec des certitudes. Mais on constate, avec l’exemple de Vladimir, que si l’intuition connaît des développements spectaculaires, il s’avère indispensable de ne pas s’appuyer systématiquement sur des modèles de pensée préétablis. Être intuitif oblige à se mettre en perspective. Xavière Santoni, pédopsychanalyste, rapporte l’exemple d’un enfant de 8 ans, en échec d’apprentissage de la lecture après la séparation de ses parents et un déménagement qui le coupait de Enzo, son meilleur camarade de classe : La situation s’est débloquée, dit Xavière Santoni, à partir du moment où j’ai inscrit Kévin dans le futur. Un exemple : ce petit garçon se plaignait de ne pas arriver à repérer la lettre M dans les mots, ce qui lui jouait de mauvais tours. Je suis partie de Aime, donc du verbe aimer. Kévin avait vu l’Abbé Pierre à la télévision, interviewé par Marc-Olivier Fogiel. L’enfant avait retenu des propos du prêtre une possible histoire d’amour lorsqu’il était jeune. Intrigué, Kévin avait posé des tas de questions. Très vite, sa maman lui a parlé d’Emmaüs. Je tenais mon fil conducteur. Je demandai alors à mon jeune patient s’il aimerait s’occuper des démunis plus tard. Il m’assura que oui. D’autant, ajouta-t-il, que « faire Emmaüs », ça lui plairait bien… Après lui avoir fait préciser les raisons de son désir inattendu, Kévin me dit que ce nom lui rappelait sa marraine Emma, décédée lorsqu’il avait 6 ans. Ce que je ne savais pas…
Voici livré un exemple parmi tant d’autres, qu’il s’agisse du bureau d’un psychanalyste ou d’un registre plus individuel. Développer notre intuition revient à penser intelligent. Il convient constamment de se situer dans l’avenir pour se réconcilier avec son passé. Le sacrifice de soi n’a jamais permis de se réaliser. Et si le manque de sagacité empêche a priori de prendre des risques, cette absence plonge sans exception dans la confusion. À l’ère de nos sociétés qui ont de plus en plus de mal à ne pas se déshumaniser, faire croître notre sensibilité est plus qu’une nécessité : c’est un devoir.
Chantal Leroy
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