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Le verbe du conteur et romancier Henri Bosco se veut à la fois magique et symbolique. Ses récits initiatiques, comme celui de « L’enfant et la rivière », racontent la découverte de l’inconnu, l’itinéraire mystérieux du héros vers les secrets de son existence. Apparemment très simples, ils comportent pourtant plusieurs niveaux de lecture. Il faut dire que l’intérêt que Bosco porte aux ouvrages ésotériques de René Guénon n’est pas étranger à cette singulière transmission.
Henri Bosco est originaire de la cité papale d’Avignon dans le Sud de la France. Il naît dans une maison de la rue Carreterie le 16 novembre 1888. Si sa mère est d’origine provençale, sa lignée paternelle prend racine en Italie. Parmi ses ancêtres figure Saint Jean Bosco, le fondateur de l’Ordre des Salésiens et patron des éducateurs. Henri est le seul survivant d’une fratrie de cinq enfants, dont quatre décèdent précocement. Il vit une enfance rêveuse et solitaire dans une demeure du quartier rural de Monclar près de la Durance où la famille déménage. Ses parents s’absentent souvent et le confient à un parent ou un voisin lorsque son père, chanteur d’opéra, se produit hors d’Avignon.
La mystique du « Sanglier »
D’abord professeur de Lettres classiques, Henri Bosco ne commence réellement sa carrière d’écrivain qu’à l’âge de 43 ans. « Le sanglier » (1932) est son premier roman. Il l’écrit alors qu’il se trouve au Maroc, en poste au lycée de Rabat. Le narrateur, René (prénom chargé de symbolisme) est en quête de lui-même. L’animal évoqué dans le titre, le sanglier, se révèle dans toute son ambivalence : sa bestialité sensuelle et maléfique et son animalité positive, vivifiante. Lorsque l’on sait que dans la mystique indienne, le sanglier est un des avatars du Dieu Vishnu qui prend cette forme pour ramener la Terre à la surface des eaux, on comprend mieux l’aspect ésotérique du récit et la présence de cet étrange animal humant la terre dans ce lieu isolé du Luberon entre le fleuve et la montagne.
La fascination du symbolisme
Durant son long séjour en Orient (1931-1955), Henri Bosco s’intéresse, tout en restant fidèle au christianisme, à la richesse de la tradition spirituelle arabe grâce, notamment, au docteur Mardrus, traducteur des « Milles et Une Nuits ». Le symbolisme de la mystique soufi attire également son attention, ainsi que les ouvrages ésotériques de René Guénon. La quête ontologique d’Henri Bosco ne cesse de se manifester au travers de ses contes. En 1937 paraît « L’âne culotte », personnage animalesque central, à l’origine du voyage initiatique du jeune héros Constantin. En 1942, en pleine tourmente, Bosco traduit du grec le livre biblique « L’apocalypse de Saint Jean ». À la libération, « Le mas Théotime » évoque une habitation en tant qu’entité surnaturelle et protectrice. Quant à « Malicroix » (1948), la façon dont il décrit la symbolique du feu dans l’âtre rappelle la verve de Gaston Bachelard traitant cet élément dans sa « Psychanalyse du feu ».
Le Verbe Créateur
Ainsi, devant une source modeste dont l’eau limpide me réjouissait, je ne pouvais pas m’empêcher de penser à ses origines profondes, à la veine close sous terre qui l’alimentait, et à ses dépôts inconnus qui, au fond de quelque caverne, lui préparaient dans l’ombre une vie accordée plus tard au jaillissement et à la lumière… Cette phrase extraite de son livre de souvenirs « Le Chemin de Monclar » (1962) illustre magnifiquement le processus alchimique du Verbe Créateur tel que le conçoit Bosco. La nature attend d’être transfigurée par la magie du langage. L’écrivain en est convaincu, lui qui affirme que les mots sont magiques. Il suffit d’ailleurs d’ouvrir au hasard l’un de ses quarante ouvrages et d’en lire quelques lignes pour réaliser, au-delà du récit, qu’un mystère est en train de se dévoiler… Ce grand romancier français s’éteint à Nice le 4 mai 1976. Il repose, selon sa volonté, au cimetière de Lourmarin. Cette terre qu’il aimait tant et qu’il a si bien dépeinte restitue ainsi, et à sa manière, un peu de l’humanisme indéfectible d’Henri Bosco.
Nathalie Benoît
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