L’imagination active est un procédé jungien qui consiste à dialoguer avec les images ou les personnages de l’inconscient, issus du rêve nocturne ou du rêve éveillé, en activant la capacité imaginative.
Dans l’imagination active, les images qui se présentent sont aussi vivantes que dans un rêve nocturne mais notre niveau de conscience se situe généralement à un degré de rêve éveillé (c’est-à-dire soit un état de relaxation, soit d’attention flottante).
Carl Gustav Jung et l’imagination active
Jung, disciple de Sigmund Freud, avait l’habitude de noter ses rêves, bien sûr, mais aussi les représentations imaginaires à l’état de veille. C’est en 1916, au cours d’un travail sur lui-même, qu’il aborde ce qu’il appellera plus tard l’imagination active. Ainsi, il découvrit qu’il pouvait dialoguer avec les personnages de son inconscient qui émergeaient à la surface de la conscience et prendre une part active à ce processus. Barbara Hannah, une de ses fidèles collaboratrices, nous renseigne :
Il (Jung) me raconta qu’à cette période, il s’était donné pour règle de ne jamais laisser s’estomper un personnage rencontré avant d’avoir appris de lui pourquoi il était apparu. Cela demande un effort considérable car les personnages de l’imaginaire sont comme les figures autonomes des rêves : ils peuvent disparaître ou se transformer avec une facilité déconcertante. Toutefois, si la conscience se concentre sur eux avec suffisamment de force, elle parvient à les retenir…
L’imagination active au service du processus d’individuation
Jung a pratiqué l’imagination active dans un objectif thérapeutique. D’abord à titre expérimental pour lui-même, puis avec ses patients dans le processus d’individuation. La méthode, en analyse, consiste à prendre contact avec les personnages (ou autres représentations de l’inconscient), à dialoguer avec eux et à dynamiser leur impact au moyen d’associations d’idées (concentrées sur les thèmes surgis de l’imagination active, sans se laisser disperser ou happer par une divagation et perdre le fil). Puis amplifier les images. Ainsi s’exprime Jung à propos de l’amplification :
Il s’agit d’étendre et approfondir l’image d’un rêve au moyen de thèmes parallèles tirés des sciences humaines et de l’histoire des symboles, c’est-à-dire de la mythologie, des religions, du folklore, etc. […] On en donnera alors une interprétation symbolique universelle, ce qui élargira une conscience souffrant dans ses limites étroites en la réinsérant dans la grande aventure humaine. En thérapie, c’est le rôle de l’analyste.
Imaginer, peindre, écrire…
Hors cadre thérapeutique, il est possible également de pratiquer l’imagination active. Pour Élie Humbert, cette méthode de confrontation avec l’inconscient consiste à amener un affect (une émotion) à prendre figure afin que le conscient puisse entrer directement en rapport avec lui. Elle emploie tous les moyens spontanés d’expression : imaginer, peindre, écrire, modeler, jouer, danser, parler… Elle ne se contente pas de provoquer l’émergence et ne cherche pas à les interpréter. Elle vise à permettre une «explication active» avec les facteurs inconscients et, pour cela, met l’accent sur la nécessité pour le sujet de traiter alors les partenaires imaginaires selon toutes les conditions de la réalité et de se comporter comme dans une situation réelle. L’imagination active peut se pratiquer seul, sans règles ni artifices qui interviennent dans le rapport du sujet et de son inconscient. Elle est particulièrement indiquée, après une analyse, pour garder la relation avec l’inconscient et à titre d’équilibre pour les psychothérapeutes.
Jung voyait dans l’imagination, fonction primordiale de la psyché, la mère de tous les possibles. Analyste jungien, Anthony Steven nous renseigne sur le rôle de l’imagination qu’il considère comme essentielle à notre croissance car elle relie le conscient et l’inconscient, ainsi que les mondes extérieur et intérieur. Elle produit une résonance entre les archétypes de l’inconscient collectif et la situation individuelle. Pour les jungiens, dit Stevens, la fantaisie n’est pas le moyen régressif d’éviter la réalité… mais le « modus operandi » de la croissance psychique : c’est par elle que la vie conduit vers
l’avenir…
Christine-Sarah Carstensen*
*Pour en savoir plus, lire :
" Devenir magicien de sa vie ",
Éditions Dervy.