Tous les psychanalystes se sont intéressés et s’intéressent toujours au mécanisme de la passion. La passion se joue à deux, sujet ou objet, à l’inverse de la jalousie qui enferme dans une triade. Mais, paradoxalement, pour vivre passionnément, il faut non seulement des individus forts en caractère mais également des individus rivalisant et ce, quel que soit le mode passionnel, affectif ou social... Le passionné a toujours la même préoccupation : être plus heureux que l’autre. Cette quête en fait un individu compris de tous car la passion est un comportement que tout le monde brigue fondamentalement, donc inconsciemment, voire consciemment. Mais la passion, échappant à la raison dans ses formes excessives, pathologiques, représente de façon instinctive une menace permanente car le doute subsiste : existe-t-il des passionnés heureux ?
Il est remarquable, cependant, que la passion soit peu angoissante puisqu’elle demeure non délirante dans la mesure où elle est justifiable. Ainsi, la question de la passion conduit-elle à l’analyse de sa latence qui manifeste l’état de la plainte. En fait, si passionné heureux il y a, sa particularité réside dans le miroir qui permet à l’autre de s’identifier sans effort. D’ailleurs, Helvétius de prétendre qu’il n’y a réellement que les grandes passions qui puissent enfanter les grands Hommes. Quant à la passion coupable, s’apparente-t-elle à l’erreur dans ce qu’elle a d’inacceptable, dans le sens où elle consiste à imaginer ou à croire, illusion suprême, qu’elle doit rendre l’autre heureux ? Sorte d’injonction qui supprime, et c’est le comble, la moindre parcelle de liberté. Mais, plus simplement encore, la vie ne serait-elle donc uniquement qu’une traversée en solitaire ?
Chantal Calatayud