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La psycho
dans Signes & sens
Aimer sa famille recomposée
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Deux enfants sur 10 vivent dans une famille recomposée. Ainsi, ils sont nombreux à aller d’un domicile à l’autre. Et, souvent, à des degrés divers, des sentiments d’abandon et d’exclusion fragilisent enfants comme adultes.
Mais comment, pour l’enfant, s’adapter au choix fait par le parent qui a refait sa vie ? Et comment, à l’inverse, s’adapter aux enfants, en pareille situation ? Cette dynamique, qui se construit, implique d’y travailler avec constance afin que chacun soit respecté.
Les enfants du nouveau couple
Du nouveau couple formé vont découler des adaptations à mettre en place pour concilier amour entre adultes et amour des enfants que chacun a eus avec un autre conjoint. Edwige Antier, pédopsychiatre, explique dans son livre « L’enfant de l’autre » chez Robert Laffont, que l’enfant a déjà son histoire... Comme l’adulte d’ailleurs. Chacun a existé avant, a déjà eu sa place d’enfant, de parent, de conjoint, dans une famille. Si cette dernière n’existe plus, il n’en va pas de même de la relation parent-enfant. Cela ne peut être gommé ; ce serait nier une réalité. Pour autant, le nouveau couple existe lui aussi. Le choix amoureux du parent est à respecter. Aucune de ces deux relations ne doit en pâtir, en tenant compte cependant que l’enfant, qui n’a pas choisi cet état de fait, peut développer une opposition. Il faut donc, en communiquant, donner le temps à la relation entre nouveau conjoint et enfant de s’élaborer. Il en va de même entre parent et enfant car, désormais, le parent a une nouvelle place dans une autre constellation. Bien sûr, enfant et parent biologique doivent pouvoir avoir un temps pour eux. Mais prendre en compte son enfant, comme celui de l’autre, ne veut pas dire lui permettre d’interférer sur l’intimité parentale ; l’enfant n’a pas à émettre d’avis, là. Il n’a pas non plus, par fidélité à un de ses deux parents, obligation à prendre partie, aimer ou détester, le nouveau venu. Le deuil du couple parental doit se faire entre adultes mais aussi au niveau des enfants car ils peuvent percevoir le beau-parent comme un rival à évincer. Or, ils ne sont pas concernés. Communiquer avec l’enfant ne veut pas dire lui demander son aval.
Á chacun sa place
Évidemment, un enfant a droit à la parole mais il n’a pas droit à la parole de l’adulte. S’il prenait cette place alors qu’il n’en a pas la maturité, il développerait immanquablement un sentiment d’insécurité, masqué parfois par une apparente autonomie, pour mieux tromper l’entourage sur sa fragilité. La personnalité de l’enfant est en devenir. Ne pas lui donner les références et limites nécessaires pour baliser et jalonner ce processus revient à l’alourdir considérablement, voire le lui rendre douloureux et difficile. Un enfant a droit à se sentir protégé par des adultes à leur place d’adultes. Dans sa vie, il y a désormais quatre adultes où chacun a un rôle. Parfois, il faut le re-préciser. Pour le quotidien, les règles consenties mutuellement peuvent être rappelées. Par contre, en vertu de l’autorité parentale, lorsqu’il s’agit de domaines qui concernent le long terme (orientation, scolarité…), l’avis des deux parents biologiques est premier. Là encore les choses doivent être dites. Bien évidemment, ordres, menaces, conseils, tentatives de persuasion, curiosité déplacée, questionnements envahissants, jugements, critiques et tout ce qui peut faire penser à l’enfant que son autre parent – celui qui n’est pas présent à ce moment-là – est mis en danger ou dévalorisé, sont à proscrire. La relation s’inscrirait d’emblée dans le rejet. Á l’inverse, tenter de se faire accepter de l’enfant en disant oui à tout, pour se faire aimer, c’est à coup sûr aller à l’échec. Comme toute famille, la famille recomposée a à s’organiser au quotidien. Si des divergences éducatives apparaissent, elles ne doivent pas être abordées en présence des enfants. Aux adultes de parler entre eux de ce qui motive leurs comportements afin de comprendre et faire en sorte de proposer aux enfants un même régime relationnel. Ne pas tendre vers cette unité entraîne tensions, rancœurs et jalousies. Évidemment, avoir établi les nouvelles règles de vie ne signifie pas qu’il n’y aura plus de conflits. Ils font partie du quotidien. La vie n’est pas un long fleuve tranquille mais tout dépend comment le problème est pris en compte. Nier les tensions les fait grossir et enfler jusqu’à les rendre dévastatrices. Si cette situation entraîne rejet et silence, du négatif en découlera. Si elle débouche sur un réajustement, même si cela ne va pas sans cris, du positif en émergera. Tant qu’il y a communication juste, il y a lien.
Brigitte Fabian
Quelques conseils
pour une cohabitation réussie
- Accueillir l’enfant de l’autre consiste à lui permettre de savoir que son espace est garanti, qu’il le retrouvera à chacun de ses retours et qu’il sera respecté en son absence. Parfois, il faudra réaménager la maison. Pourquoi alors ne pas parler tous ensemble de ce projet commun, ce qui permettra à chacun de s’exprimer ? Quoi qu’il en soit, en discuter permet de définir les limites : il s’agit que les uns et les autres existent ; nul ne doit être évincé.
- S’adapter c’est aussi définir, ensemble, des règles de vie commune afin que personne ne se sente en position d’invité (ou même de bafoué) qui n’aurait pas son mot à dire, qui serait simple spectateur qui n’appartiendrait pas à la famille. C’est ainsi harmoniser des points de vue, parfois à l’opposé : musique - pas musique, télé - pas télé, ordre - désordre, fast-food - légumes, tâches partagées ou pas… Bref, tout ce qui fait le socle de vie au quotidien, des droits, devoirs et goûts de chacun. Ces règles, qui ne sont pas immuables, sont toutefois à réajuster régulièrement.
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