Mais à quoi donc s’intéressent nos ados d’aujourd’hui ? Aux copains ? C’est une évidence et très tôt, entre eux, ils deviennent « la » référence de ce qui se dit ou se fait. À la musique ? De plus en plus, car non seulement elle s’écoute mais elle se voit : de nombreuses chaînes câblées en ont fait leur spécialité où luxe et facilité s’affichent au travers de clips très suggestifs…
Il semble, à l’heure actuelle, que l’argent soit devenu l’intérêt et la préoccupation essentiels de nos adolescents. Mais peut-on le leur reprocher ? La société de consommation les sollicite sans discontinuité. Ils sont une cible facile. Tout pousse le parent, l’enfant puis l’adolescent, à des besoins qui n’ont de cesse de croître. Le monde est agité par une frénésie commerciale dans laquelle se jette la plupart des adolescents à la recherche d’une identité ; cette pseudo identité leur permettra d’intégrer un groupe qu’ils auront élu parce que correspondant à leurs attentes et besoins du moment. C’est vouloir ressembler aux autres, être à la mode, être branché et ce, bien souvent, au détriment du portefeuille des parents. Mais, encore une fois, la faute à qui ? Un adulte peut-il prétendre responsabiliser un adolescent sans avoir, au préalable, analysé ses comportements quant à sa propre consommation au plaisir, son train de vie et sa vraie relation à l’argent ?
Quand, combien et comment donner ?
L’argent de poche de l’enfant correspond, en règle générale, au niveau social des parents. Mais s’il est certain qu’une famille plus aisée sera plus
généreuse qu’une famille modeste ayant de faibles revenus, malgré tout, donner de l’argent de poche à son enfant est devenu un acte courant. Cependant, de nombreuses questions tourmentent le parent lorsque l’enfant se voit en âge d’obtenir une quelconque somme : quand faut-il donner, combien, à quel moment, dans quelle condition ?… Ce sont les interrogations les plus soulevées et ce, de manière légitime, puisque l’argent est d’abord et avant tout lié directement au registre social et non à la vie affective. Malheureusement, les parents ont tendance à investir l’argent, qu’ils remettent à l’enfant, d’un caractère trop affecté et finissent par oublier que l’argent n’est pas vraiment de l’amour ou une preuve d’amour ! Souvent, un parent culpabilisé par son manque de présence auprès de l’ado qui lui échappe va réparer en
budgétisant la relation ; un autre, par
abandonnisme, voyant son enfant fuir le milieu familial et s’engager dans des relations amoureuses, fera à l’identique ; cette sorte de
deal inconscient créera, de fait, un lien de dépendance spécifique et déjà pathologique à la famille, piège qui se retournera inévitablement contre ce type de parent. Ne voit-on pas aujourd’hui de plus en plus de jeunes gens toujours et encore domiciliés chez leur(s) géniteur(s), leur adolescence s’étirant et se prolongeant anormalement ?
Alors comment agir ou réagir ? Tout d’abord, face à un enfant ou un adolescent qui ne demande rien, il n’est pas utile de le pousser à réclamer quoi que ce soit. Il est préférable d’attendre que la demande vienne directement de celui-ci. Si c’est le cas, parler et communiquer avec lui de ce qui motive cette demande permet de mieux comprendre sa démarche. Est-ce parce qu’il veut ressembler aux autres ou a-t-il un désir précis ? Les parents connaissent bien leur progéniture et peuvent ainsi distinguer une demande justifiée ou pas. D’autres interrogations peuvent venir préoccuper les adultes : ainsi existe-t-il des situations où l’enfant a droit à
rémunération ? Oui, mais pas n’importe lesquelles. Exemple, il ne faut pas rétribuer l’adolescent pour des tâches qui le concernent ou qui concernent le bien-être de tous les membres de la famille, comme ranger sa chambre, aider aux travaux ménagers lorsque les deux parents travaillent… car elles sont inhérentes à la bonne marche du groupe dans le cadre familial. De plus, ces
corvées ne sont pas du ressort d’un processus social puisqu’elles restent internes à la vie de famille. Rémunérer ainsi le chérubin serait le laisser dans une confusion entre social et affectif. Par ailleurs, il n’est pas question d’exiger de l’enfant, après lui avoir donné de l’argent de poche, qu’il fasse des efforts au sein de sa famille; ce serait le culpabiliser de ce qu’il croirait alors avoir mal fait et surtout pas fait. On peut toutefois le récompenser de manière raisonnable, lorsque celui-ci, autre exemple, s’étant trouvé en difficulté à un moment de sa scolarité, obtient de bonnes notes. Cette attitude parentale n’a rien de négatif car l’effort produit et la satisfaction du travail accompli, reconnus de surcroît par l’entourage, contribuent à encourager l’élève, futur
actant social. Cependant, si la société invite à une forte consommation, elle donne aussi aux jeunes de multiples possibilités de gagner leur propre argent de poche. On peut les encourager à faire du
baby sitting ou à s’inscrire dans une agence d’intérim le temps d’une saison, lorsque leur âge l’autorise aux yeux de la loi, c’est-à-dire à leur majorité. Ces engagements simples les ancreront dans une réalité à laquelle ils ne pourront pas échapper, quoi qu’il en soit, plus tard. Ces expériences concrètes leur donneront les bases nécessaires pour s’adapter déjà au monde du travail.
Brigitte Arnaud