Né à Rudolfsheim, proche banlieue de Vienne, le 7 février 1870, Alfred Adler est issu, tout comme Sigmund Freud, d’une famille juive de commerçants n’ayant pas vraiment réussi d’un point de vue financier. Il est le deuxième d’une fratrie de sept enfants dont l’aîné se nomme… Sigmund ! De santé fragile, il faillit mourir d’une pneumonie à l’âge de 4 ans. Sa mère, née Pauline Beer, est perçue par le petit Alfred comme distante, voire rejetante. C’est plutôt chez son père, Leopold Adler, qu’il trouve un allié protecteur. Une sensibilité d’opposantAyant fréquenté le même Gymnasium (lycée) que Freud, il décide également de suivre des études médicales à peu près semblables. Pendant celles-ci, il fréquente un groupe d’étudiants socialistes et s’intéresse à l’analyse marxiste de la société. En 1895, il obtient son doctorat et deux ans plus tard épouse Raïssa Epstein, une jeune étudiante acquise aux idées de gauche en faveur de l’émancipation féminine. Raïssa lui fait rencontrer Léon Trotsky, futur fondateur de La IVème Internationale Communiste. Dès 1898, il publie « Le Manuel d’hygiène pour la corporation des tailleurs ». Cet ouvrage se veut le reflet des pathologies dues aux difficiles conditions sociales de ses patients. La clientèle de son cabinet de médecine générale est composée des habitants d’un quartier défavorisé de Vienne, le Prater. En 1902, il étudie les théories freudiennes et devient un des premiers médecins à intégrer les réunions de la Société psychologique du mercredi qu’il fréquente neuf années durant et dont il devient président de 1910 à 1911. En 1904, il s’oppose à la religion paternelle en se convertissant au protestantisme, signe avant-coureur de sa théorie du « principe de protestation virile, ou masculine » qui va l’opposer plus tard à l’orthodoxie freudienne. Mais pour l’heure, sa contribution au mouvement psychanalytique n’est pas des moindres, étant le premier des disciples freudiens à insister sur la nécessité de traiter l’esprit en même temps que le corps. Adler, à l’inverse de Freud, veut rester médecin avant tout. Son objectif se révèle très pragmatique. En 1906, il fait une intervention qu’il titre « Les bases organiques de la névrose », appuyant sur l’intérêt d’une médecine psychosomatique. En 1909, l’opposition d’Alfred Adler se dessine avec une contribution sur « L’unité des névroses », alors que Freud parle de diversité… Une psychologie du « Moi »Peu à peu, Alfred Adler s’éloigne des conceptions freudiennes liées à un appareil psychique inconscient compliqué. Il va même jusqu’à revenir, dans une de ses publications, à l’appellation « subconscient » employée par le psychologue Pierre Janet, comme pour se démarquer. Cependant, il garde de Freud la notion de complexe d’infériorité et de supériorité qu’il développe à sa manière et dont il fait la base de ce que l’on peut appeler désormais une psychologie du « Moi ». Tout individu est confronté, selon lui, de par ce sentiment originel d’infériorité, à une adaptation différente à la réalité selon son histoire. Ainsi, le complexe ou sentiment d’infériorité peut se transformer, de façon pathologique, en un sentiment de supériorité, qu’il nomme également volonté de puissance ou encore protestation virile. Pour cette forme de psychothérapie – ou « Psychologie individuelle » –, l’objectif consiste à remplacer l’agressivité pathologique par une compensation psychique adaptée (affirmation de soi et de ses talents). Il s’agit en quelque sorte, théorisée autrement, d’aboutir au processus de sublimation postulée par Sigmund Freud. Cependant, Alfred Adler attache une grande importance au cadre social et à l’adaptabilité harmonieuse du sujet dans la communauté humaine. Sa théorie psychologique positiviste est, de fait, favorablement accueillie aux États-Unis. L’apport adlérienMu par un idéal sociétal, Alfred Adler s’intéresse, à partir de 1911, aux problèmes de l’éducation. Agrégé à l’Institut de pédagogie de Vienne en 1924, il met en pratique une idée qui lui est chère depuis ses débuts : un médecin ne doit pas se contenter de soigner, il doit avoir un rôle préventif et être aussi éducateur, le corps étant indissociable de l’esprit. On lui doit, en outre, les premières consultations médico-pédagogiques. Ses élèves créent des jardins d’enfant, ainsi qu’une école expérimentale (1931-1934) dans l’un des quartiers les plus pauvres de Vienne. Il ouvre des consultations aussi bien pour les enseignants que pour les parents et les élèves. Désireux de gommer la relation de dominant/dominé, il abandonne le divan freudien et prône non seulement une consultation en face-à-face mais sur des sièges de même hauteur, de même forme et de même dimension… Élève rebelle de Sigmund Freud, Alfred Adler a, comme un autre illustre dissident, Carl Gustav Jung, développé sa propre pratique en s’opposant au Maître. Quoi qu’il en soit, c’est tout de même à partir de la découverte de Sigmund Freud qu’il a élaboré sa « Psychologie personnelle », annonçant le mouvement dit de Développement personnel qui s’est imposé dans le paysage psychothérapique actuel. Si Alfred Adler se dit psychanalyste jusqu’en 1913, deux ans après sa rupture avec Freud, il n’usurpe en aucune manière ce titre mais prend simplement une voie différente. Une voie singulière mais porteuse de sens pour autrui. N’écrit-il pas justement dans « Le sens de la vie », en 1933 : Nous sommes convaincus que nous pouvons nous tromper et qu’une décision définitive ne peut sortir que d’une analyse soigneuse et objective… Nous avons peut-être fait un grand pas en avant si nous pouvons éviter ce qui ne contribue pas au bien de la collectivité. Et encore : Il est évident qu’il ne s’agit pas là de la possession de la vérité, mais uniquement d’une tentative pour l’atteindre… Alfred Adler a amené incontestablement, avec ce qu’il était, sa pierre à l’édifice d’un mieux-être psychologique qu’il est juste de reconnaître, quelle que soit sa sensibilité. Il quitte ce monde le 28 mai 1937, laissant à la postérité une contribution intéressante quant à la résolution des affections psychocorporelles.
Alain Moullon |
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