Jean Fautrier
(1898-1964)
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Né à Paris, le décès prématuré de son père conduit le jeune Jean à Londres selon le désir de sa mère. C’est d’ailleurs à la Royal Academy qu’il fait ses premiers pas picturaux âgé d’à peine 14 ans ! Il bénéficie des cours talentueux de Sickert. Aquarelles et pastels l’intéressent mais le graphisme plus encore. 1917 : Jean Fautrier est mobilisé en France, ce qui lui vaut d’être gazé et réformé… Il est certain que ce retour aux sources lui donne l’énergie de s’installer à nouveau dans la capitale française une fois la première Guerre Mondiale terminée. C’est en 1921 que Fautrier envisage réellement une carrière professionnelle artistique, encouragé par Jeanne Castel. Il expose ainsi au salon d’Automne, au salon des Tuileries mais les galeristes l’accueillent volontiers aussi. D’ailleurs, il obtient un contrat avec Paul Guillaume. Dès le départ, Fautrier n’adhère pas au cubisme. Il préfère le travail de Diguimont. Beaucoup de voyages (Tyrol, Bretagne, Alpes françaises en particulier) réveillent en lui une impulsion expressionniste. Les natures mortes n’échappent pas à la force du trait : il n’est qu’à regarder le Sanglier pour vérifier une assurance puissante qu’une palette sombre renforce davantage encore. Son graphisme est une sorte d’effraction dans la matière qui n’est autre que la restitution du style Fautrier, identifiable à plus d’un titre. Cette pratique est d’ailleurs reconnue comme informelle. Après 1930, l’artiste revient à ses premières amours, les teintes s’éclaircissent, l’aquarelle et le pastel sont de retour : Otages (1943). C’est d’ailleurs ce travail, exposé en 1945 à la galerie Drouin à Paris, qui donne toutes ses lettres de noblesse à cet immense peintre. Fautrier fait preuve, in fine, d’une grande fidélité à lui-même. C’est ainsi que ses œuvres, dorénavant, sont un savant mélange entre ses débuts et les périodes actuelles qu’il traverse progressivement. Il y a, de fait, de la sociologie implicite et déguisée chez Fautrier. Mais il y a également du réalisme explicite qui s’entrecroise avec des touches plus fines. En quelque sorte, Jean Fautrier manifeste à sa façon les contradictions du genre humain : la force et la faiblesse, l’amour et la haine, le dominant et le dominé, l’activité et la passivité, le masculin et le féminin… Fautrier sculpte également à ses heures mais n’est-il pas fondamentalement un sculpteur de l’âme…
Ivan Calatayud