144 films diffusés dans le monde entier témoignant, selon les propos du commandant Cousteau, de « l’indissociable lien entre la vie et l’eau », objectivent une vie entièrement consacrée à une œuvre que l’infatigable explorateur considérait comme sa mission sur terre.
Jacques-Yves Cousteau voit le jour à Saint-Andréde-Cubzac en Gironde le 11 juin 1910. Sa mère Élisabeth est issue d’une famille de notables et son père Daniel exerce le métier de conseiller légal international auprès de riches personnalités, ce qui l’oblige souvent à voyager, notamment aux États-Unis. Mais la famille finit par s’installer près de Marseille où Jacques-Yves découvre les calanques…
L’officier de marine
En 1930, Jacques-Yves Cousteau, que les voyages attirent depuis l’enfance, est reçu au concours d’entrée à l’École navale de Brest. De cette époque, il acquiert son titre de Commandant puisqu’il devient lieutenant. Sa promotion est la première à effectuer une croisière autour du monde sur le navire-école la Jeanne d’Arc. Outre la mer, l’officier nourrit une autre passion qui ne le quittera jamais : la caméra. Selon le biographe Richard Munson, en 1933, alors qu’il est assigné à la base de Shanghaï, il prit sa caméra avec lui et, tout en prenant part à des reconnaissances cartographiques officielles, il enregistra sur la pellicule des documents exceptionnels sur la vie quotidienne en Chine et en Sibérie… Puis Cousteau est affecté sur le « Condorcet », à Toulon, où il est chargé d’enseigner les techniques d’artillerie à des appelés. Nous sommes en 1936 et ce sont ses premières expériences sous-marines grâce à un ami, Philippe Taillez, qui l’initie à la plongée dont la technique est très sommaire à l’époque. Le 12 juillet 1937, il épouse Simone Melchior avec qui il aura deux garçons, Jean-Michel et Philippe.
Le chemin de Jules Verne
En 1940, la famille Cousteau se voit contrainte, pour des raisons de sécurité, de se réfugier à Megève. Tout en poursuivant des activités « sous-marines » ayant trait à des missions secrètes d’espionnage, notamment grâce à ses talents de cinéaste, Jacques-Yves Cousteau se lie d’amitié avec Marcel Ichac et travaille déjà sur le projet de faire découvrir au grand public le monde inconnu des fonds marins. Pour cela, il met au point – avec l’aide de l’ingénieur Léon Vèche – un boîtier étanche pour sa caméra. Le film « Par dix-huit mètres de fond », tourné en apnée avec son ami Philippe Taillez, décroche un prix au Congrès du film documentaire de 1943. Parallèlement, Cousteau et Émile Cagnan inventent le scaphandre autonome moderne, co-déposant un brevet qui rapportera des subsides conséquents et bienvenus pour le reste de l’apport de l’explorateur. Nourri des œuvres de Jules Verne, Cousteau réalise peu à peu le rêve de l’écrivain. Verne, selon lui, comme la plupart des grands poètes, montra le chemin à la science…
Un pionnier de l’écologie
En 1949, Jacques-Yves Cousteau quitte la Marine pour se consacrer entièrement à sa passion. Un an plus tard, grâce au mécénat du brasseur Loël Guiness, il acquiert la Calypso, un bateau qu’il adaptera pour parcourir les mers et fleuves de la planète. Fouilles archéologiques, études de la biologie sous-marine, administration du Musée océanographique de Monaco…, l’activité du Commandant Cousteau est exceptionnelle ! Mais cela ne l’empêche pas de produire de nombreux films dont « Le monde du silence », coréalisé avec Louis Malle, qui obtient la Palme d’Or à Cannes en 1956. La popularité de celui qu’on commence à appeler « le Pacha » est sans précédent. En octobre 1960, Cousteau est le premier à se lancer dans un combat pour la protection de la planète. Il organise une campagne de presse qui réussit à empêcher le déversement de déchets radioactifs en mer Méditerranée. Charles de Gaulle lui-même est sensibilisé par le pouvoir de ce personnage singulier et lui rend une visite officielle. Alors que le Président lui aurait demandé d’être gentil avec ses savants atomistes, Cousteau répond : C’est à vos atomistes d’être gentils avec nous !
Un héritage humaniste
Les émissions télévisées du Commandant Cousteau, selon les spécialistes, dépassaient dans les années 80 le taux d’écoute de la série américaine « Dallas ». Ce phénomène ne s’est jamais vu auparavant pour un documentaire. C’est dire le travail à la fois scientifique, esthétique et populaire accompli par un homme dont l’inimitable sourire a séduit la planète. L’art de la vulgarisation de qualité n’est pas chose facile. Pourtant, contre vents et marées – les tenants du formalisme académique n’ont pas toujours soutenu son œuvre –, le Commandant Cousteau reste une figure incontournable qui a su faire découvrir à plusieurs générations des mondes inexplorés avant lui. L’image du vieux monsieur au bonnet rouge reste, quoi qu’il en soit, gravée dans l’inconscient collectif. Sa devise et son option médiatique se justifient fort logiquement dans ses propos : Les gens protègent et respectent ce qu’ils aiment et, pour leur faire aimer la mer, il faut les émerveiller autant que les informer… Jacques-Yves Cousteau tire sa révérence le 25 juin 1997, à l’âge de 87 ans, laissant en héritage une filmographie et une bibliographie impressionnantes, de quoi donner à ses successeurs envie de suivre ses traces… De la trempe des aventuriers comme Théodore Monod et autres Paul-Émile Victor, nul doute que Jacques-Yves Cousteau, que l’Académie Française a fini par immortaliser, suscite émules et fils spirituels de par le monde, prêts à faire fructifier l’héritage profondément humaniste et humanisant de ce seigneur de la mer !
Jean Moullard
