Ernst Ludwig Kirchner
(1880-1938)
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Né en Allemagne, à Aschaffenburg très précisément, Ernst Ludwig Kirchner se passionne dès l’âge de 18 ans pour les gravures anciennes. C’est ainsi qu’il a accès à l’art de Dürer. Sa décision est prise : il sera artiste, même peintre certainement ! Il fréquente l’École technique supérieure de Dresde pendant deux ans. Puis il s’inscrit à Munich à l’École d’art de Hermann Obrist. Il y travaille de 1903 à 1904 et éprouve le besoin de retrouver Dresde. Son inconscient le guide alors jusqu’aux sculptures africaines et océaniennes par la fréquentation assidue du musée ethnographique de cette ville. Ernst Kirchner comprend surtout qu’il ne faut rien laisser au hasard : il y a des maîtres en la matière et il ne se prive pas de les étudier laborieusement. Gravure sur bois, japonisme – à l’instar de Valloton – ou encore la réappropriation de l’art de Van Gogh et de Munch explosent littéralement dans une condensation maîtrisée de ses capacités artistiques personnelles. La palette se veut agressive mais le recours aux aplats donnent un résultat parfaitement contenu comme pour Jeune fille assise : Fränzi (1910). Le travail de Kirchner est une savante intégration non seulement des moyens techniques à sa disposition mais de la foison des talents de l’époque, tels les Nabis. Gauguin influence également le peintre. C’est à lui – entre autres – qu’il doit cette façon unique de laisser apparaître sur le support la dimension psycho-sexuelle de l’individu, sans qu’aucune vulgarité n’émerge. L’art de la maîtrise ici encore : Nu au chapeau (1911), tableau qui laisse deviner la subtilité de Matisse où la sensualité prédomine. Puis il embrasse le Cubisme sans exaltation, le dessin s’en trouve moins incisif et les tonalités moins violentes, alors qu’une certaine phallicité, paradoxalement, s’empare maintenant de l’œuvre. Il y a toujours autant de mouvement dans le maniement du pinceau qui épouse la mémoire de la fréquentation intense des cabarets ou encore les activités hétéroclites de l’univers du cirque. (Écuyère – 1912). 1915 est une année horrible pour Ernst Ludwig Kirchner : obligé de se plier à la vie militaire de par sa mobilisation, il sombre dans une dépression sévère qui entraîne sa réformation. Cet état psychologique, qu’il arrive à sublimer quelque peu, donne à voir sur le support ses états d’âme difficiles du moment : Autoportrait en soldat (1915). Après cet épisode perturbant, Kirchner utilise la toile au gré de ses émotions nouvelles. La Suisse l’attire, il s’y installe en 1917. La nature alpine l’apaise (Davos sous la neige – 1921). Cependant, l’artiste n’est pas véritablement à l’aise avec l’évolution de l’art moderne en général qui est aux antipodes de ses fondements expressionnistes. Il cherche un compromis (Bergers le soir – 1937) et parvient à un certain équilibre. Malgré de belles rencontres – dont Klee –, une nouvelle épreuve attend Kirchner : 639 de ses œuvres sont confisquées par le gouvernement nazi en 1937… Il ne s’en remet pas et se suicide à Frauenkirch en 1938.
Ivan Calatayud