Il est impossible d’oublier la personnalité picturale de ce peintre américain. Sûr de son attirance pour l’art, Kline fréquente successivement le Girard College de Philadelphie puis l’Université de Boston. Il gagne l’Europe pour parfaire ses connaissances et s’installe à Londres en 1937. Curieusement, le peintre donne encore à voir, à cette période, une certaine timidité face à l’art moderne. Ses toiles semi-figuratives le démontrent. Revirement de situation brutal quelque temps plus tard avec une attirance toute nouvelle pour l’abstraction, notamment à partir de 1946 où il ressent le modernisme comme une révolution soudaine et opportune adressée au monde. Il projette sur la toile l’éclatement d’une technologie qui s’impose tous azimuts dans le paysage urbain. Il y a de la démesure maintenant chez Franz Kline. Ses œuvres traduisent une force exceptionnelle dans ce qu’elles opposent : le binôme destruction-construction retranscrit mystérieusement les lendemains de guerre dans ce qu’ils ont de plus paradoxal : l’émergence de la vie coûte que coûte (Collage – 1947) ! Ce monde complexe appelle maintenant la simplicité. Sa traduction du paysage humain qui réapprend à vivre et à se tenir debout pousse davantage encore le peintre à surdimensionner ses dessins alors que l’encre noire apparaît sur les poils de ses pinceaux (Abstraction, 1950 – Black and White n°1 – 1952). Ce n’est qu’en 1957 que Kline réutilise progressivement la couleur (Harley Red – 1962). Le gigantisme de son travail happe littéralement le chaland. Les marchands et autres galeristes sont subjugués. Mais Franz Kline tire sa révérence prématurément, à l’âge de 52 ans, au sommet de sa gloire, ne prenant ainsi pas le risque de redescendre de l’échelle de l’élévation.
Ivan Calatayud