Fille d’ingénieur, Madeleine naît à la fin du XIXème siècle, en 1894 et quitte ce monde près de 100 plus tard, en 1992. Entre temps, elle épouse, à l’âge de 16 ans, le critique d’art Marcellin Castaing auquel elle voue une véritable adoration durant les cinquante années que dure leur union. Considérée comme excentrique et fantasque, elle débute une carrière d’actrice de cinéma muet, puis y renonce pour se lancer dans la décoration une fois installée dans la gentilhommière que son mari lui offre pour qu’elle puisse, comme il dit, se défouler. Mais c’est dans le mécénat et au contact des créateurs que Madeleine Castaing fait ses premières armes. Un couple de mécènes avisésLes Castaing se lient d’amitié avec Amadeo Modigliani. Lorsqu’il meurt, en 1920, ils décident de rencontrer Chaïm Soutine, une peintre hors norme vivant dans la misère et que Modigliani aimait beaucoup. La rencontre a lieu dans un café de Montparnasse. Soutine refuse l’argent de Marcellin en échange d’un de ses tableaux. Il faudra attendre quelques années pour que le couple finisse par acquérir une de ses toiles. Madeleine affirme à propos de l’artiste : Par-dessus les autres, il donne la main à Greco et à Rembrandt. Touché par cette profession de foi inébranlable, Soutine accepte de résider pendant cinq étés consécutifs chez elle, dans le domaine de Lèves. Les Castaing deviennent ses principaux acheteurs (plus de 40 toiles) et Madeleine fait même figure de muse. Le couple va jusqu’à l’aider à organiser sa première exposition à Chicago en 1935. Outre le monde pictural, Madeleine s’intéresse à toutes les formes d’expression artistique. Elle côtoie des gens considérés à l’époque comme infréquentables : le musicien Erik Satie, l’écrivain Blaise Cendrars, le poète Jean Cocteau (dont elle décore la maison), le romancier Henry Miller, Louise de Vilmorin et bien d’autres encore. Toutes ces personnalités ont témoigné de la fascination qu’exerce cette femme, certes très narcissique et pas facile à vivre, mais douée de la faculté innée de saisir l’authenticité de leur art respectif, malgré le rejet ambiant. Une diva de la décorationSi Madeleine inspire beaucoup de ces créateurs, c’est sans aucun doute parce qu’à leur contact elle crée une griffe de décoration bien à elle. On parle encore aujourd’hui du style Castaing avec beaucoup de respect. Parallèlement à cette activité, elle ouvre une galerie d’antiquaire à Paris, chine dans les brocantes et accumule des trésors qu’elle ne vend qu’aux personnes dont la conversation l’intéresse. Les collectionneurs du monde entier ont un écho de la boutique de la rue Jacob. Quant à son métier de décoratrice, elle le fait connaître par son « bleu Castaing », utilisé dans les gammes de tissu et de papier peint qu’elle produit. Dans ses deux professions, Madeleine n’a de cesse de sortir des sentiers battus et notamment du sempiternel style napoléon III. Tout comme les artistes qu’elle admire, elle s’écarte des conventions, interprétant à sa façon l’esthétique néoclassique. Elle inaugure une nouvelle ère de la décoration d’intérieur qui fait toujours école chez les designers actuels. Son art unique d’harmoniser des objets datant de la fin du XVIIIème siècle avec des écrans lithophanes et des silhouettes noires sur fond blanc a d’ailleurs fait dire à son biographe Jean-Noël Liaut qu’un appartement revisité par cette fée tarifiée semblait du coup toujours avoir existé… On reconnaît là le côté intemporel de toute œuvre artistique. Ce n’est donc pas anodin si Madeleine Castaing s’inscrit pour la postérité telle une diva de la décoration…
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