Marguerite Duras ou le « gai désespoir »

Marguerite Duras ou le « gai désespoir »
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Personnage artistique incontournable du XXème siècle, Marguerite Duras interroge, à travers la fonction de l’écrit, l’étrangeté de l’être. Adulée par les uns, controversée par d’autres, l’écrivain propose une œuvre singulière dont l’authenticité ne laisse personne indifférent.

C’est en Indochine, le 4 avril 1914, qu’un couple d’enseignants donne naissance à Marguerite Donnadieu. Marie, la mère de la future romancière, est issue d’un milieu paysan et s’est élevée dans la société, comme beaucoup d’autres à l’époque, grâce à la possibilité qu’offre aux meilleures élèves, quel que soit leur milieu d’origine, la réussite au concours d’entrée à l’École Normale d’institutrices. Son mari, Émile, est professeur de mathématiques à Saïgon.

Une relation mère/fille ambivalente


Marguerite est l’unique fille d’une fratrie qui comporte également deux garçons, Pierre, l’aîné, et Paul. Lorsqu’elle a 4 ans, Émile Donnadieu tombe gravement malade et doit être rapatrié en métropole. Il meurt peu de temps après et sa veuve se retrouve seule en charge de ses trois enfants. Après avoir séjourné quelque temps en France près du village de Duras, en Lot-et-Garonne, elle décide de retourner enseigner à l’étranger, à Phnom-Penh d’abord, puis à Sadec et enfin à Saïgon. Marguerite est partagée quant aux perceptions qu’elle a de sa mère qu’elle admire mais dont elle ne se sent pas aimée. Interviewée à propos de cette période, Marguerite Duras témoigne que lorsque cette même mère présentait ses enfants, elle s’exprimait ainsi : Voilà mon aîné, voilà mon second fils, voilà ma petite misère… Selon la romancière, sa génitrice était à la fois une femme courageuse et dépressive. Sa non disponibilité faisait que, livrés plus ou moins à eux-mêmes, les enfants Donnadieu jouaient plus avec les indigènes qu’avec les petits ressortissants de la communauté française. Marguerite parle couramment le vietnamien, alors que sa mère prend beaucoup de distance avec les Chinois. Ce conflit est mis en exergue dans le roman autobiographique « L’amant», qui conte la relation passionnée d’une adolescente française avec un homme riche originaire des rives du Mékong.

L’écriture, un acte vital !


Marguerite a 18 ans lorsqu’elle quitte Saïgon pour Paris, sa mère tenant à ce qu’elle fasse des études. Elle s’intéresse alors aux mathématiques, sans doute par fidélité à son père qu’elle a peu connu mais dont elle a appris qu’il avait été l’auteur d’un ouvrage concernant cette discipline. Elle obtient parallèlement une licence en droit et décroche un emploi de secrétaire au ministère des colonies de 1935 à 1941. L’année 1939 correspond à sa rencontre avec son premier mari, Robert Antelme. Mariée en 1941, elle accouche, un an plus tard, d’un enfant mort-né. La vie n’épargne décidément pas cette jeune femme de 28 ans qui décide de se lancer à corps perdu dans la littérature en publiant son premier roman sous le pseudonyme de Marguerite Duras : « Les impudents ». L’année suivante, elle récidive avec « La vie tranquille ». L’écriture devient un acte vital.

Une personnalité rebelle


Très tôt, Marguerite est habitée par un sentiment d’injustice. Outre le manque de son père, elle assiste, impuissante, à la déchéance de sa mère lorsque celle-ci est ruinée, après avoir économisé pendant vingt ans pour s’offrir un petit lopin de terre. Elle en rend responsable la corruption de l’administration coloniale. Le terrain était inondable et tout le monde le savait, confie-t-elle à un journaliste. Marguerite Duras relate cet épisode dans « Un barrage contre le Pacifique ». En 1944, son mari, Robert Antelme, est arrêté par la Gestapo, pour ses actes de résistance, et déporté au camp de concentration de Dachau. Marguerite s’inscrit illico au Parti Communiste Français et entre elle-même en résistance. Cet engagement politique au PC – dont elle sera d’ailleurs exclue en 1950 – manifeste plus l’affirmation d’un caractère d’insoumise, tant au niveau de sa vie affective que de sa vie professionnelle, plutôt que l’adhésion à une idéologie. Lorsque Robert revient des camps, elle le soignera tendrement mais ne l’aime plus. Elle divorce en 1947 pour se marier avec Dionysos Mascolo avec qui elle connaît enfin le bonheur d’avoir un fils : Jean.

Engagée sur tous les fronts


À partir de 1950, l’activité de l’écrivain s’intensifie mais se diversifie également. Elle publie « Le Marin de Gibraltar », puis « Le Square ». René Clément adapte au cinéma « Barrage contre le Pacifique ». Son roman « Moderato Cantabile » est aussi porté à l’écran avec comme acteur Jean-Paul Belmondo. L’écrivain devient alors scénariste et signe les dialogues d’« Hiroshima mon amour », film réalisé par Alain Resnais. La célébrité et la reconnaissance sont au rendez-vous, au point qu’entre 1960 et 1967, Marguerite Duras est membre du jury Médicis. Toujours engagée dans les faits de société, elle met sa célébrité au service de ses convictions, ancrée à gauche mais indépendante de tout parti politique. C’est ainsi qu’elle milite contre la guerre d’Algérie en signant une pétition pour le droit à l’insoumission.

Une littérature introspective


Le moins que l’on puisse dire, c’est que Marguerite Duras cultive l’ambiguïté aussi bien que l’intuition. Ses œuvres peuvent effectivement déranger le lecteur tout en le fascinant. Elle n’écrit pas pour séduire mais parce que, pour elle, l’acte même d’écrire s’impose comme une évidence, indépendamment des critiques extérieures. Le livre existe déjà quelque part, avant que je l’écrive, confie-t-elle. L’amour, le désir, les souvenirs d’enfance, mais aussi la folie, sont les thèmes abordés dans son œuvre. Ainsi, avant d’écrire « Le ravissement de Lol V. Stein », elle tient compagnie, dans un hôpital psychiatrique, à une femme de 30 ans qui semble avoir perdu la raison à la suite d’une déception sentimentale. Son intuition artistique est saluée par le célèbre psychanalyste Jacques Lacan qui lui consacre un article, en 1965, démontrant, tout comme Sigmund Freud en son temps, que l’art et la psychanalyse ont quelque chose en commun. Lacan dit d’ailleurs à propos de Duras qu’elle s’avère savoir sans moi ce que j’enseigne… Quant à l’écrivain elle-même, c’est bien de la relation de l’artiste à l’inconscient dont elle parle lorsqu’elle affirme que si on savait quelque chose de ce qu’on va écrire, avant de le faire, on n’écrirait pas. Ce ne serait pas la peine… L’écrit, ça arrive comme le vent, c’est nu, c’est de l’encre, c’est l’écrit, et « ça passe » comme rien d’autre ne passe dans la vie, rien de plus, sauf elle, la vie…

Jusqu’au bout du bout !


Marguerite Duras devient réalisatrice de cinéma à l’âge de 55 ans, comme si une seconde vie s’ouvrait à elle pour aller au bout du bout de son désir d’expression artistique. « Détruire dit-elle » en 1969, « Nathalie Granger », en 1972, puis « India Song », « La femme du Gange » avec Gérard Depardieu, et « Le Camion » où elle fait une apparition en tant qu’actrice, inaugurent un cinéma qui n’est pas, selon ses propos, le « cinéma du samedi soir ». Il n’est pas fait pour divertir, insiste-t-elle, un brin provocatriceQue l’on aime ou que l’on déteste n’a pas vraiment d’importance pour cette cinéaste qui veut avant tout rester fidèle à son désir. Jusqu’à la fin, celle qui a conquis la planète avec les millions d’exemplaires vendus de « L’amant », traduit en plusieurs langues et étudié dans les universités, publie en 1995 un dernier roman dont le titre ressemble à un clin d’œil plein d’humour : « C’est tout ». Puis elle s’éteint à l’âge de 82 ans, dans son domicile de Saint-Germain-des-Prés, laissant derrière elle une existence particulièrement remplie, ainsi qu’une œuvre colossale, mais aussi une belle leçon de vie dont son fils Jean témoigne : Elle m’a appris l’amour de la liberté et peut-être de ne jamais, jamais désespérer, d’être dans le « gai désespoir »…

 

Juliette Rugiéri

 

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