Ce personnage, riche en créativité, reste un homme énigmatique. Dessinateur italien, il est passé par l’architecture avant de devenir peintre. Mais ce n’est pas ce parcours réussi qui définit le mieux cet italien. En fait, doué pour la décoration d’arcs de triomphe qui l’ont fait connaître favorablement, son nom reste associé et entaché par l’assassinat du comte Bojardi pour lequel il se retrouve accusé de complicité… Il fuit Reggio Emilia où il vivait pour Novellara. Il continue son évolution artistique comme en témoignent encore aujourd’hui des restes de fresques (Deucalion et Pyrrhée et Rapt de Ganymède). Est-ce la qualité de son travail qui lui donne un regain d’assurance ou le soutien d’Alfonso et Camillo Gonzaga, toujours est-il qu’en 1567, Lelio Orsi regagne Reggio Emilia ? La situation est d’autant plus surprenante qu’à une époque où on ne badinait pas avec la loi, l’artiste se voit confier la fabrication des cartons destinés aux fresques de la coupole de Prospero ! En ce qui concerne plus précisément le parcours d’Orsi d’un point de vue artistique, des éléments flous permettent de retracer approximativement sa trajectoire : on retrouve la présence d’un de ses cousins –en la personne de Bernardino Orsi–, peintre qui a laissé sa trace dans la cathédrale de Reggio Emilia (1501). Il est fort probable, en outre, qu’il ait suivi l’enseignement de Corrège. Ceci dit, Lelio Orsi introjecte les travaux et leurs spécificités de surdoués tels Mazzola Bedoli et bien entendu Michel Ange. Orsi restitue avec grâce l’essentiel de ces deux grands artistes comme permet de le constater son dessin de 1569 Madonna della Ghiara. Quoi qu’il en soit, ce peintre abrite quelque chose de mystérieux et d’excessivement rare au XVIème siècle : un geste sûr qui laisse apparaître des déformations caractéristiques, fantasmatiques mais qui dégagent un maniérisme cependant affirmé (Pélerins d’Emmaüs – Apparition d’un ange à Sainte Cécile et Saint Valérien). Des endroits prodigieux comme le Louvre ne s’y sont pas trompés qui gardent des frises de Lelio Orsi où le monde humain et le règne végétal se côtoient selon un don exceptionnel…
Ivan Calatayud