Amédée Ozenfant
(1886-1966)
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Né à Saint-Quentin, cet écrivain français crée la revue l’« Élan » durant la Première Guerre mondiale ! C’est dire le caractère de ce futur grand peintre… Toutefois, cette marche singulièrement gravie, Ozenfant (mais quel patronyme !) développe le goût pour les amitiés artistiques. Il fréquente dès 1917 l’atelier d’Auguste Perret où il fait la connaissance déterminante d’un architecte de renom : Charles Edouard Jeanneret qui deviendra… Le Corbusier ! La peinture passionne les deux hommes qui se lient d’amitié. Ils exposent. Leurs toiles sont étonnantes : si le fond reste classique avec notamment des paysages, les ajouts d’objets représentés dans leur essence la plus primaire jouent avec les ombres. Ces amis refont beaucoup le monde pictural lors de longues conversations. Ils s’attaquent au Cubisme en imposant le Purisme ! Ils s’imprègnent de la révolution industrielle du XXème siècle et ne peuvent supporter les peintres qui s’évertuent à appliquer sur la toile des scènes que ces deux avant-gardistes jugent complètement dépassées, donc inutiles ! Amédée Ozenfant persiste dans cette idée, Charles Edouard Jeanneret lui emboîte le pas ! Les deux compères complètent leurs savoirs personnels par un apport scientifique dont ils considèrent que l’art ne peut se passer. Ils l’intellectualisent, imposant sur le support la géométrie accessible à tous selon eux. Ils parlent ainsi d’une « grammaire générale de la sensibilité » d’où une sorte de constructivisme esthétique émerge. Les lignes sont droites, les carrés affichent leurs angles à la perfection. Le chaland ne peut s’égarer… Les tons les accompagnent dans une fluidité et une évidence époustouflantes. Ozenfant et Jeanneret véhiculent ainsi ce qu’ils nomment les « tracés régulateurs ». Les ustensiles basiques et élémentaires du quotidien abondent sur la toile, comme des séries annonçant les fabrications en grand nombre d’objets dont le genre humain pourra dorénavant bénéficier quel que soit son statut social. Point de lutte de classe. Les usines et leurs chaînes ont droit de cité. D’ailleurs, l’influence du dessin industriel est évidente dans ce que cherchent à transmettre ces artistes. Il y a ainsi, à tous les sens du terme, de la perspective dans cette œuvre d’une grande modernité intuitive. Pourtant, les deux hommes vont prendre des routes différentes en 1925. Amédée Ozenfant a besoin de revenir au genre humain de façon moins détournée. Il donne alors l’impression de se chercher mais il exploite sempiternellement les nouvelles influences comme le surréalisme. Ozenfant continue à avancer avec son époque et les États-Unis – aux immeubles plus que géométriques – l’ouvrent à la continuité d’un geste qu’il n’a jamais totalement abandonné (Gratte-ciel éclairé). Il est inutile de préciser qu’Amédée Ozenfant a marqué de grands noms du milieu artistique qui l’ont étudié sans relâche, dont Fernand Léger… Il a du reste transmis son art par devoir mais avec bonheur dans des établissements prestigieux comme l’Académie Moderne de Paris et aussi à Londres, aux États-Unis. Écrivain talentueux, concis, ses ouvrages tels Art, Mémoires s’imposent encore aujourd’hui comme des écrits didactiques de grande importance.
Ivan Calatayud