On dit de ce peintre français, né en Rhénanie, qu’il est un des pionniers de la Nouvelle Réalité. Il est vrai que son imaginaire débordant s’inscrit à merveille dans une époque où les courants picturaux quittent un classicisme qui s’essouffle. L’art moderne passionne Ernst car les techniques du siècle qui redémarre sont au service des caractères artistiques qui désirent repousser toujours plus loin les limites. Max Ernst bénéficie pour cela de l’empreinte des auteurs romantiques qui ont accompagné son adolescence. Mais c’est dans la ville de Bonn qu’il franchit un cap décisif. Effectivement, il se lie d’amitié avec Macke. C’est ainsi qu’il s’enthousiasme pour l’Expressionnisme. Très vite, ses toiles s’inspirent de ce mouvement novateur. Dès 1913, il expose à Berlin, puis ce sera quelques mois plus tard Bonn et Cologne qui l’accueilleront à bras ouverts. La guerre éclate et bien qu’il se refuse alors à ranger ses pinceaux, il développe une tendance mélancolique. S’ensuit une espèce de réaction que certains psychanalystes pourraient taxer de maniaque tant l’artiste se révèle fécond. En 1914, il fonde la « Centrale W/3 », aidé de Arp et de Baargeld. Le Dadaïsme l’enthousiasme, les collages aussi. En 1920, Ernst est invité à Paris par Breton. Il expose rapidement dans un style surréaliste, comme son œuvre célèbre le dévoile, Ubu imperator, datée de 1923. Le Dadaïsme s’amenuise, laissant Ernst dans une interrogation encore plus mélancolique : Sigmund Freud (et ses travaux) commence à faire parler de lui, l’inconscient fascine l’artiste, jusqu’à se pencher sur la matière cosmique ; il peint la Grande Forêt en 1927 où le minéral s’expose. Mais le paradoxe s’impose car les fossiles peuvent côtoyer chez Ernst des symboles de liberté, que l’on retrouve dans son tableau Aux 100 000 colombes (1925). Ernst est inventif et ne conçoit l’art que comme ne pouvant se passer de techniques sans cesse améliorées. C’est ainsi qu’il frotasse ses toiles, comme le Fleuve Amour le restitue. Il affine de plus en plus cette technique de frottage, allant jusqu’à réaliser des romans-collages : la Femme 100 têtes, Une semaine de bonté. Max Ernst ne connaît plus de limites, alliant les matériaux les moins complémentaires qui soient… Du côté de ses toiles, une sorte d’art onirique se dessine : Vieillard, femme et fleur est un véritable chef d’œuvre du genre. Le contexte politique de la fin des années 30 aggrave les angoisses du peintre. La mort semble rôder au bout du pinceau, ce qui finit par pousser inconsciemment Ernst jusque vers les États-Unis en 1941. Les jeunes artistes peintres américains sont fascinés par la créativité perpétuelle de Ernst ; il leur fait découvrir le « dripping », jusqu’au moment où l’amour paisible frappe à sa porte en la délicieuse personne de Dorothea Tanning. Le couple vit désormais en Arizona, heureux, ce qui permet à Ernst d’avoir une productivité époustouflante. En 1953, c’est le retour en France. La sculpture devient une sorte d’exutoire pour l’homme qui peine à trouver la sérénité. Mais la peinture ne le quitte pas non plus… Quoi qu’il en soit, Max Ernst s’est imposé tout au long de sa carrière comme un vecteur sublime de l’art du XXème siècle.
Ivan Calatayud