Né à Vitebsk, de parents russes pauvres, le petit Marc sent dès sa plus jeune enfance une attirance pour le dessin. C’est d’ailleurs un peintre de sa ville qui l’accueille, Jehouda Penn. À l’âge de 20 ans, Chagall décide de gagner Saint-Pétersbourg dans l’esprit de fortifier son don pictural : l’école impériale des Beaux-Arts le lui permet, puis le cours d’art moderne créé par Bakst. Il découvre ainsi les peintres français et, de fait, se rend à Paris. C’est dans cette admirable capitale qu’il s’autorise réellement à laisser jaillir ce que certains n’ont pas hésité à appeler l’irréalisme spontané. Très vite, Chagall s’intègre dans le milieu de la peinture. C’est la rencontre importante avec Delaunay. Il développe une amitié solide avec Apollinaire et Cendrars. Humble et conscient de sa palette un peu terne, le Russe s’adresse aux Fauves pour qu’ils le conseillent dans ses couleurs. Van Gogh l’influence de son côté. En fait, Chagall a l’intelligence de cristalliser sur ses toiles la force picturale des génies qu’il vénère, comme en atteste son œuvre de 1911 Moi et le village. Ceci dit, ce peintre étonnant, au tout début du XXème siècle, se soucie peu des mentalités prudes : À ma fiancée bouscule la bourgeoisie parisienne de par un érotisme affiché… En 1913, Chagall est accepté au premier Salon d’automne allemand. Quand la Première Guerre Mondiale gronde, Marc Chagall se trouve dans sa ville natale : Le juif en rose n’est pas le fruit du hasard… Le fait de continuer à faire passer des messages aboutit, certainement par voie de conséquences, à sa nomination de commissaire des Beaux-Arts en 1918. Les deux années qui suivent cette nomination sont plutôt houleuses dans la mesure où il ne partage pas les courants artistiques qu’on lui demande de soutenir. C’est la rupture avec son statut et l’installation à Moscou en 1920. Malgré des travaux au service du théâtre juif auquel il fournit décors et costumes, il abandonne la Russie en 1922. Chagall se pose alors un temps à Berlin où il se lie notamment avec Archipenko. Il découvre la gravure mais son retour à Paris se fait à la fin de l’année 1923. Son talent de graveur séduit Vollard qui lui passe des commandes phénoménales. Les surréalistes lui font les yeux doux mais le peintre reste sur son sillon, avec une tendance de plus en plus soutenue à restituer un possible bonheur humain, comme le confirme ses Mariés de la Tour Eiffel. C’est en 1937 qu’il obtient la nationalité française. La France commence à subir quelques aléas politiques qui ébranlent cet immigré : ses toiles laissent émerger les persécutions que subissent les juifs. Il part aux Etats-Unis en 1941 où il réside durant 9 ans. Il n’y connaîtra pas vraiment la paix car Bella, son épouse, décède en 1944. L’année 1950 lui permet de redécouvrir le sol français et il décide de vivre désormais à Vence. La région et les artistes qui la fréquentent le poussent à s’intéresser à la céramique, sans pour autant qu’il abandonne la peinture. Il enchaîne alors un travail considérable à la suite de commandes prestigieuses : vitraux, décors, costumes, mosaïques, lithos, eaux-fortes… La consécration est là, au point que la ville de Nice ouvre un musée Chagall en 1973. Dans toute l’œuvre de l’artiste, on retrouve un éclectisme solide qui transmet la force de ses maîtres : Chagall est adaptable, n’oubliant jamais la littérature – et notamment les fables – dont il s’inspire (ses coqs et chèvres font fréquemment partie de ses toiles). Il allie facilement le monde inconscient et l’univers de la conscience, en exprimant un tout indissociable. Chez Chagall, la réalité n’exclut en aucun cas le rêve, pour le plus grand bonheur du chaland…
Ivan Calatayud