Wols (dit) / Alfred Otto Wolfgang Schulze
(1913-1951)
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Ce peintre allemand, né à Berlin, se destine à une carrière artistique certes mais qui passe dans un premier temps par le violon, puis par la photographie… En 1931, Wols s’installe à Paris, attiré par le mouvement surréaliste. Il se met alors au dessin et ensuite à l’aquarelle. La seconde guerre mondiale gronde et sa nationalité complique la vie de l’artiste. Il déménage souvent, s’installe d’abord à Cassis puis à Dieulefit. Si la lumière du sud le satisfait, il regagne Paris dès la Libération, sentant que le haut-lieu de l’art est la capitale française. D’ailleurs, progressivement, Wols se met à la peinture, même si l’aquarelle lui convient toujours. René Dronin, ayant eu écho de son travail, lui propose de l’exposer en 1947, ce qui donne une première véritable assurance à cet homme déraciné qui reste profondément marqué par le conflit franco-allemand. Ceci dit, il se sert de cette souffrance interne - qu’il ne peut pas foncièrement exprimer par respect pour les Français qui l’ont accueilli et protégé - pour la sublimer : l’Abstraction lyrique en Europe naît en quelque sorte des profondeurs de l’âme déchirée de Wols, même si ce mouvement avait été initié par Jackson Pollock. Le travail de Wols s’affiche de plus en plus comme un exutoire, travail - de fait - qu’il a du mal à communiquer et à commercialiser. Pourtant, de superbes influences, bien remaniées, solidement appropriées, sont là, tangibles - comme celle de Klee (Sorcière en marche, 1945 – Autoportrait). Malgré une brève destinée, Wols restitue ses angoisses et autres déceptions existentielles avec un talent démoniaque qui se veut témoin des incohérences de l’Homme, voire de l’Univers. L’artiste continue à travailler inlassablement. Sartre l’admire au point de lui permettre d’illustrer quelques-unes de ses œuvres. En revanche, Wols sait que l’humanité abrite un potentiel exceptionnel, Wols devine qu’elle pourrait s’en servir positivement, Wols sait cependant que ce n’est pas son sens. Pourtant, il s’acharne : la matière est confuse quand soudainement, elle connaît une percée où l’espoir est permis, pour mieux retomber dans l’incompréhensible. Pour Wols, l’avant-guerre, la guerre, l’après-guerre ne connaissent ni différence, ni changement. Du pareil au même ! Un expressionnisme sur-réaliste explose des œuvres de l’artiste, de ses compulsions de répétition dont émerge une redondance qui laisse - in fine - le regard interrogatif investir le support, comme si la mission de tout peintre se résumait finalement à avoir raison de la déraison. Trente-huit années ont suffi à Wols pour attester que demain sera comme hier, sempiternellement, à l’image de la rondeur de la planète. Jean-Paul Sartre a magnifiquement restitué les messages désespérés de Wols en écrivant : Un seul sujet traité mille fois, le miroitement fixe de l’insaisissable, manifeste et caché dans l’incertain rapport de la partie au tout, du tout à la partie, dans l’inachèvement double de l’Un et de la multiplicité… Quel vibrant hommage à un grand artiste qui n’a jamais pu se faire à la folie d’un système ! Ainsi le trait de Wols sur la toile n’apparaît-il en aucun cas complaisant…
Ivan Calatayud