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La psycho
dans Signes & sens
Ces mères
qui accouchent sous « X »
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Belle journée que celle du 7 avril 2006, marquée à la fois par une victoire conjointe du droit des enfants et du droit des pères, et par l’émergence d’une figure masculine exemplaire. Ce jour-là, la Cour de Cassation a donné à Philippe Peter le droit d’exercer pleinement la paternité de Benjamin, son fils, reconnu dès avant sa naissance, en mars 2000, mais enlevé à lui par sa mère, partie accoucher sous X sans l’en avertir.
La procédure dite d’« accouchement sous X », mise en place en 1941, a souvent et justement été critiquée du point de vue des droits de l’enfant. Forme d’abandon légal, elle garantit à la mère l’anonymat, et à l’enfant devenu adulte, toutes les angoisses et les souffrances liées à l’incertitude de ses origines. Et ce, malgré les possibilités de réversibilité du secret instituées par la loi de 2002. Mais sa dimension sexiste a moins souvent été dénoncée.
Le déni du père
La mère a le pouvoir de décider seule de l’abandon et prive, du même coup, le père de toute possibilité d’exercice de sa paternité, l’enfant devenant automatiquement pupille de l’État. « Trop tard » : c’est ce qu’en 2001 s’est entendu répondre Philippe, par le Conseil général de son département auquel il demandait la restitution de Benjamin, malgré l’argument de sa reconnaissance prénatale. Contraste saisissant avec la possibilité qui est donnée à chaque mère, en toutes circonstances, de procéder à la recherche du père à coups de tests ADN ! Durant les soixante dernières années, de nombreux pères se sont vus ainsi interdits d’enfant, en toute légalité, et en dépit de toutes les procédures engagées. La décision de la Cour de cassation est une première qui, faisant jurisprudence, sonne enfin le glas de cette iniquité.
L’accouchement sous X en question
Depuis longtemps pourtant les mouvements paternels dénoncent le sous X. Ils en demandent soit la suppression pure et simple, comme SOS Papa, soit l’aménagement. Ainsi, L’enfant et son droit suggère que soit instaurée, avant toute prise de décision, l’obligation pour la mère de désigner l’identité du père, afin que celui-ci soit consulté sur ses intentions par rapport à l’enfant : un minimum, semble-t-il ! C’est l’opiniâtreté de Philippe qui a permis cette victoire. On imagine le courage qu’il a déployé pour mener ce combat de cinq années. Il lui a fallu sept mois pour retrouver la trace de l’enfant, entre temps adopté. En janvier 2001, il essuie le refus du Conseil général. En juillet 2001, il saisit le Tribunal de Grande Instance qui décide de lui restituer Benjamin. Mais cette décision est annulée en février 2004 par la Cour d’appel. Il lui faudra attendre encore deux ans pour faire casser cette annulation, opiniâtre mais aussi lucide et généreux. Certes, la procédure d’adoption devrait être annulée mais il a déjà annoncé qu’il n’arracherait pas son fils à une famille où des liens forts sont déjà tissés et se contenterait d’une formule partagée. Dans une société où l’image de la masculinité est chaque jour dévalorisée, l’exemple de Philippe Peter est précieux. Il est de ces hommes qui, depuis quatre décennies, victimes de procédures iniques, crient haut et fort que le lien avec leurs enfants est ce qu’ils placent au-dessus de tout. Et qui se montrent capables des plus hautes actions pour le préserver. Il entre dans la lignée de ces héros modernes, à la suite de David Chick, ce père britannique qui, en 2003, au centre de Londres, est resté six jours au sommet d’une grue de trente-sept mètres, déguisé en Spiderman, pour protester contre des décisions de « justice », l’éloignant interminablement de sa fille de quatre ans…
Patrick Guillot
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