La psycho
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      Comprendre les T.O.C
      pour en finir avec eux

      Comprendre les T.O.C pour en finir avec eux
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      Alors que la psychanalyse en était encore aux balbutiements de ses observations sur les compulsions de répétition humaines, Edward Thorndike, psychologue américain, s’est intéressé aux répercussions des conséquences de tout acte. Autrement dit, sa « loi de l’effet » s’étaye sur nos comportements mis en lumière à partir du résultat d’un passage à l’acte. Ainsi, selon le principe de ses travaux et pour exemple, si un écrivain enchaîne ses publications, c’est tout simplement parce que l’argent que son éditeur lui verse systématiquement a un effet sur lui et pas des moindres...

      Edward Lee Thorndike a fait école aux États-Unis, notamment en publiant des observations pertinentes destinées à l’amélioration de nos mécanismes d’apprentissage. Dès 1911, l’homme expérimente sa théorie en regardant des chats.

      Le chat de Thorndike


      Le psychologue fabrique alors un contenant-contenu en bois, qu’il nomme « boîte-problème ». Cette caisse à claires-voies possède une porte munie d’un dispositif de fermeture. Devant cet habitacle, il met une assiette remplie d’aliments qu’un chat affamé, enfermé à l’intérieur de la « boîte-problème », peut convoiter ! L’assiette est disposée à distance suffisante pour que l’animal ne puisse en aucun cas saisir la moindre parcelle de nourriture... Thorndike raisonne de la façon suivante : le chat, sous l’emprise de la faim, peut lui livrer des solutions intéressantes dès l’instant où il veut sortir coûte que coûte de cette prison, en sachant bien entendu que le chercheur ne l’y aidera pas. Celui-ci attendra donc le temps qu’il faudra. L’animal, comme tout félin mis dans cette situation, ne révèle rien de plus au départ de l’observation : il regarde longuement le plat, cherche à attraper la nourriture en mettant sa patte à l’extérieur, s’assoit sur son arrière-train, se relève, griffe les parois de la cage, tourne sur lui-même, miaule et s’agite, s’allonge, se relève et retend la patte en direction du plat en bougeant beaucoup... jusqu’au moment où la porte s’ouvre... L’agitation récurrente de l’animal, bien entendu, a fini par faire céder le loquet qui s’est soulevé comme par miracle ! On s’en doute : le chat se jette alors sur le festin. Curieusement, et à la différence de l’Homme qui aurait compris que le système de fermeture est le seul à considérer pour atteindre son objectif, le même « cobaye », une fois remis dans la boîte, dans les mêmes conditions, ne fera aucun lien entre le loquet et la liberté ! Thorndike va recommencer son observation, croyant avec certitude que sa persévérance va cependant le conduire à une démonstration pertinente. Le psychologue constate alors que le chat, selon les mêmes conditions maintenant répétitives, « soulève » le point de fermeture en bougeant bien davantage encore qu’au début de l’expérience et sort de la cage de plus en plus rapidement ! Thorndike en conclut que la vue des aliments (le but de la satisfaction) permet à l’animal comme une sorte d’apprentissage : il apprend à établir le lien (ou système) entre agir et réussir ; bouger revient dans cet exemple à se libérer.

      L’expérience de satisfaction


      L’expérience de satisfaction ainsi relatée n’est pas sans rappeler les travaux célèbres de Sigmund Freud qui précèdent de peu d’ailleurs ceux de Thorndike. Effectivement, Freud établit un lien entre le calme retrouvé chez le nourrisson et l’apport de nourriture donné par une personne extérieure à lui. Ici, la tension interne engendrée par le besoin (de se remplir) et apaisée par un agent autre que lui va mettre en place la notion de désir. Le maître de la psychanalyse postule de cette expérience de satisfaction comme étant en rapport étroit avec « l’état de détresse originel de l’être humain ». À partir de là, une mémoire singulière s’installe : la satisfaction devient indissociable de l’image enregistrée de l’objet qui a satisfait initialement le désir. Quand un état tensionnel, comme la faim par exemple, se reproduit, l’imaginaire se déclenche dans le sens d’une recherche de la satisfaction et de son moyen d’aboutissement.

      Les recherches compulsives de récompense


      Avec application, l’être humain se dirige sempiternellement vers tout ce qui peut le combler. Tout comme le chat de Thorndike a fini par obtenir sa récompense. Ces systèmes récurrents nous obligent cependant à répéter sans cesse les mêmes scenarii. En outre, si l’ensemble de nos habitudes utilise la persévérance qui, à son tour, fabrique du résultat le plus souvent flatteur, la limite entre pathologie (obsession) et application louable dans le respect de soi et d’autrui, reste mince. Ainsi le perfectionnisme peut-il comporter des pièges redoutables qu’il s’agit d’objectiver. Personne n’a oublié certaines superstitions enfantines qui pouvaient consister à jongler avec trois balles, tout en se disant que pour réussir l’ « interro » écrite du lendemain, il ne fallait surtout pas que le geste répétitif s’arrête avant le dixième lancer... Devenus adultes, nous ne sommes guère plus glorieux en imaginant que tel objet fétiche nous vaudra de ne pas nous faire spolier lors de l’achat d’un bien immobilier. Cette expression du doute ne doit cependant pas alarmer si l’individu n’invalide pas son existence à coups de superstitions et autres rites conjuratoires. Toute médiation, tout étayage aussi puérils soient-ils, offrent malgré tout aussi l’avantage de booster un narcissisme un peu défaillant, permettant alors d’obtenir un résultat souvent à la hauteur de ses propres espérances... Le risque réside dans le fait avéré d’une modification comportementale générant en particulier le constat inverse : une mésestime de soi ; ici, l’anxiété est au rendez-vous, le trouble s’associant dès lors à des vérifications ahurissantes.

      Du perfectionnisme aux T.O.C


      S’il est logique de relire en s’appliquant un courrier important, l’est déjà beaucoup moins le fait de le refaire une vingtaine de fois ! C’est une lapalissade : occupé que se trouve le sujet à réécrire la même chose, il ne fait rien d’autre pendant ce temps-là... Les troubles obsessionnels compulsifs, qui répondent maintenant au sigle peu élégant et discutable de T.O.C., concernent des individus soumis en permanence à des idées obsessionnelles ; celles-ci les mettent systématiquement en situation de mal faire, ce leurre se développant sur fond de culpabilité démoniaque et d’angoisse de rétorsion. Ce négativisme ambiant enferme la victime dans une anxiété permanente d’avoir causé ou de pouvoir causer une catastrophe. Le panel de possibles est large et ces comportements obsessionnels envahissent toutes les situations de la vie quotidienne. Si le fait de vérifier dix fois de suite que la porte d’entrée et le gaz sont bien fermés s’avère un schéma pathologique classique, la propreté obsessionnelle ne se trouve pas en reste. Ce type de malade croule souvent sous la honte, sachant pertinemment que ses mécanismes de défense sont disproportionnés par rapport à la réalité. Le sujet peut aussi répéter des prières à longueur de journée ou des dictons bienpensants afin de diminuer ou d’annuler la peur. On se doute cependant des conséquences dramatiques que peuvent entraîner les T.O.C. Difficile de mener une existence cohérente, si envahissement il y a, difficile aussi de vivre normalement avec les autres. Un fort sentiment d’abandon, d’exclusion, s’empare alors du trouble anxieux pouvant même entraîner des états mélancoliques ou autrement dépressifs.

      « Boîte-problème » et libération


      On peut considérer ici que Thorndike, avec ses observations, a inventé de quoi sortir de cette forme d’enfermement. Son raisonnement conduit une fois encore aux portes de la psychanalyse qui, tout comme les psychothérapies analytiques, obtient d’excellents résultats dans la prise en charge de patients soumis aux T.O.C. Thorndike propose que l’appât de nourriture met en place une sorte d’apprentissage pour le chat : le rapport qui existe entre le premier passage à l’acte (bouger pour permettre l’ouverture du loquet) et le second (sortir de la cage). Belle leçon, joli héritage, si l’on considère que sortir du trouble obsessionnel compulsif (la cage) s’appuie sur la nécessité de comprendre qu’il faut changer (bouger pour que le loquet se soulève). Autrement formulé, vouloir comprendre ses T.O.C., pour en finir avec eux, requiert dans un premier temps de déplacer ses pensées anxieuses sur un autre objet. Nous l’avons vu, l’objet utilisé dans le cas de ce type d’anxiété a toujours pour but de « protéger » en quelque sorte l’humanité ou, plus modestement, la mieux servir. Tout cela inconsciemment bien sûr. Une des meilleures façons de contribuer à guérir de ce qui se traduit par une forme du complexe du Sauveur, épuisant le malade in fine, nécessite de mettre en place une gestuelle ou des attitudes qui ne puissent satisfaire que soi. Ainsi, au lieu de vérifier dix fois si le gaz est bien fermé, il devient intéressant d’établir un lien entre la gazinière et la nourriture. Saisir un fruit et le manger à ce moment-là va juguler le phénomène compulsif et apaiser la tension interne. L’obsession d’écraser quelqu’un en voiture peut diminuer lorsque le sujet accepte, à chaque déclenchement de pensée angoissante et morbide de cet ordre-là, de mettre de la musique dans sa voiture ou de changer l’émission en cours. Ces attitudes simples peuvent soulager rapidement l’inconscient qui, cette fois-ci, n’aura qu’une envie... celle de recommencer à se centrer sur soi pour progressivement aller mieux et se diriger vers la guérison. Il est à noter, et cela va de soi, que si ces recentrages répétés ne suffisent pas à éradiquer la problématique, le traitement du trouble anxieux (alors plus enraciné) doit passer par un travail analytique, d’autant qu’on enregistre actuellement des dérives particulièrement régressives chez certains malades : au fil des années, n’arrivant pas à régler leur problématique, 13 % environ d’entre eux seraient devenus alcooliques, l’alcool les aidant à réduire davantage leur anxiété. Voilà ici encore une raison sérieuse de vouloir comprendre et enrayer le processus.

       

      Chantal Calatayud

       

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