Au-delà d’un savoir purement encyclopédique, la culture constitue avant tout un garde-fou contre la pensée unique, protection à ne pas occulter…
Avec Internet, nous vivons une époque où la culture devient virtuellement – dans le noble sens du terme – accessible à tout un chacun. Elle n’est plus, comme jadis, réservée à une élite dite intellectuelle. Ainsi pouvons-nous, si nous le désirons, exercer un regard critique et nous situer de façon évolutivement réflexive face au monde qui nous entoure. Il est aujourd’hui possible d’élaborer une authentique pensée individuée, nourrie de la diversité que fournissent les lectures d’œuvres littéraires ou philosophiques, la connaissance des sciences humaines, l’écoute musicale éclectique, ainsi que l’observation des œuvres picturales et architecturales les plus diverses.
Cheminer vers la connaissance
Depuis que l’Homme est Homme – et c’est ce qui le différencie de l’animal –, il n’a cessé d’essayer de donner du sens à sa vie au travers de ses créations culturelles. Or, nous sommes, qu’on le veuille ou non, un des maillons de cette chaîne humaine et nous avons, individuellement, notre pierre à poser sur l’édifice. La culture a donc à voir avec l’identité dans la mesure où nous sommes imprégnés au quotidien de la pensée de ceux qui nous ont précédés. Que l’on soit croyant ou athée, la culture judéo-chrétienne fait partie de notre patrimoine. Or, nous fêtons Noël et Pâques sans toujours savoir culturellement à quoi ces dates renvoient. Comprendre également la richesse d’une période comme « Le Siècle des Lumières », grâce à la lecture d’auteurs comme Diderot ou Voltaire, permet de se faire une opinion personnelle sur les vérités et les inévitables erreurs et tâtonnements de la pensée humaine. Il s’agit donc moins d’accumuler des savoirs que de prendre conscience du passé, tel un tremplin pour cheminer vers la connaissance.
Une nécessité sociétale
À en croire les statistiques des ventes d’ouvrages concernant la psychologie, la psychanalyse, l’ésotérisme, la sociologie, la philosophie, l’anthropologie, l’éthologie, les sciences cognitives, l’Histoire, le public demeure un gros consommateur d’ouvrages de sciences humaines. Rien d’étonnant dans une société en perte de repères, qui va très vite et ne prend pas toujours le temps de s’interroger. Les romanciers du social tel Honoré de Balzac et sa
Comédie humaine, Gustave Flaubert, Émile Zola, Marcel Proust, semblent d’actualité et ne sont plus réservés aux seules obligations de lecture scolaire. Quant aux romans de la vie intérieure, comme ceux d’un Maupassant, qui fréquentait – comme Sigmund Freud – les
Leçons du mardi de Jean-Martin Charcot, ils anticipent déjà la littérature psychanalytique et la découverte de l’inconscient. Le besoin de culture actuel est motivé par la nécessité sociétale de se reconnecter à ses racines humanistes. C’est comme si un large public prenait conscience de l’importance de « faire ses Humanités », formule que le philologue Michel Zink, secrétaire perpétuel de l’Académie Française, définit fort justement en tant que
formation de l’esprit par les lettres, fondée sur la conviction que l’on devient soi-même et que l’on s’arme pour la vie par une confrontation personnelle, en les lisant, en les traduisant, en les comprenant, en les commentant…
Gilbert Roussin
