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La psycho
dans Signes & sens
Les conflits génèrent toujours une dépense d’énergie considérable. Pendant que les protagonistes sont occupés à ruminer leurs colères, aussi justifiées soient-elles, les réservoirs libidinaux s’épuisent tant qu’une solution acceptable de part et d’autre n’est pas envisagée, puis acceptée. Dénouer les désaccords devient donc une exigence thérapeutique !
Une simple opposition ou divergence de pensée se transforme rapidement en affrontement lorsque derrière l’échange se profile, consciemment ou inconsciemment, une relation perçue comme étant de l’ordre du dominant/dominé. L’angoisse de perdre le contrôle sur un objet, qu’il soit réel ou fantasmatique, déclenche toujours une réaction émotionnelle négative qui renvoie à ce que la psychanalyse nomme processus de projection.
L’agressivité projective
La psychanalyste Virginie Megglé, dans son ouvrage « La projection, à chacun son film… », publié aux Éditions Eyrolles, rappelle les effets nocifs consécutifs à l’emprise d’une agressivité projective : Elle incite à l’esprit belliqueux, souligne-t-elle. Certains, sous l’emprise de leurs projections inconscientes, vont jusqu’à penser que c’est en supprimant l’autre – qu’ils rendent responsables de leurs maux – qu’ils supprimeront leur souffrance… L’auteur du crime ou de l’agression belliqueuse ne se porte pas mieux après l’avoir commis qu’avant… D’autant que s’ajoute à ce type de réaction négative une culpabilité démoniaque qui persécute l’agresseur intérieurement. Pourtant, dans toutes les cours d’école, l’enseignant se trouve déjà confronté au fameux C’est pas moi, c’est lui ! Il est intéressant de constater, quelle que soit la « raison » du passage à l’acte, que deux petits d’Homme en conflit restent chacun persuadé de leur bon droit afin de rationaliser leur bagarre. Dans ce cas précis, le mécanisme projectif – imagé et renforcé par la phrase C’est celui qui dit qui l’est – bat son plein ! L’enseignant va devoir, dans un premier temps, poser les limites en séparant les forces en présence. Tout conflit s’étaye en effet sur une confusion entre soi et autrui, entre intérieur et extérieur. Cette épreuve de réalité est d’ailleurs une dynamique conflictuelle retrouvée fréquemment aussi chez l’adolescent déchiré entre son besoin de sécurité et sa soif d’aventure. Le conflit est de fait, dans son essence, inhérent au développement de chaque individu. Il ne sert à rien de penser qu’il existerait un monde idyllique dans lequel tout affrontement aurait disparu. D’où l’importance, non pas de nier un désaccord, mais d’apprendre à le gérer.
Une loi juste
Chacun des opposants possède donc ses propres justifications. S’il est nécessaire de les entendre, il ne s’agit que d’un premier apaisement possible pour que la situation évolue. Pour exemple, les conflits de couple perdurent tant que l’un des deux conjoints éprouve des difficultés à mettre en mots ses griefs. Les litiges peuvent effectivement se verbaliser à condition que chaque partenaire accepte de parler de soi, c’est-à-dire employer le je plutôt que le tu qui tue. Lorsque cette parole centrée se révèle impossible à mettre en place, il devient indispensable de s’adresser à un tiers extérieur en position de neutralité : un psychanalyste, un psychothérapeute ou encore un spécialiste en gestion de conflits dans le cadre de l’entreprise. Ainsi le couple d’opposés accord/désaccord pourra-t-il être géré au nom d’une forme de loi juste.
Le dénouement
Une résolution de conflit trouve souvent la voie de la réconciliation objective mais pas nécessairement, l’essentiel reposant sur le fait que chacune des parties ne ressente plus ce sentiment de rancœur insupportable qui empoisonne le quotidien. Le dénouement consiste également à défaire, terme à envisager aussi en tant que des faires, c’est-à-dire des passages à l’acte salvateurs : un changement de comportement au sein du couple, du travail ou carrément une séparation si la situation est extrême, voire dangereuse. L’issue ne doit pas laisser un goût amer mais, au contraire, la sensation d’avoir progressé, un conflit bien géré résolvant – en prime – tout échec…
Patricia Augier
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