Le désir, comme le rire, est le propre de l'homme. En effet, les animaux peuvent convoiter leur proie ou encore manifester l'envie d'être nourri ou de sortir pour une promenade mais il s'agit, chez eux, de réactions instinctives liées à la satisfaction des besoins alimentaires. De même, les périodes de rut expriment-elles leur besoin de satisfaire à la reproduction de l'espèce. L'humain, dès son plus jeune âge, est un être de désir.
Dans la relation éducative, il est important, pour les parents notamment, de bien saisir la différence entre besoin et désir. L'enfant a besoin de manger, boire, dormir, évacuer... Il a aussi besoin de jouer, d'être aimé, reconnu, encouragé... Il est certes nécessaire de l'habiller, le scolariser, lui fournir un matériel adapté à son évolution. Par définition, un besoin a besoin d'être satisfait et c'est le rôle des parents que d'y veiller, jusqu'à ce que l'adolescent, puis l'adulte, puisse devenir autonome et gérer la satisfaction de ses besoins.
Prendre le temps du désir
L'enfant est aussi un être de désir et la frontière entre le besoin d'une paire de chaussures ou d'un vêtement et le désir de tel type ou telle marque ou telle couleur n'est pas toujours aisé à saisir, d'autant que les enfants et les adolescents se montrent très habiles à faire passer leurs désirs pour des besoins. Or, un désir a besoin d'être désiré !
Devenir adulte, c'est précisément apprendre qu'il faut laisser du temps entre la naissance d'un désir et sa satisfaction. Le désir doit se désirer un certain temps. Nombreux sont les parents qui croient
bien faire en exécutant tout de suite le désir de leur enfant. Faisant cela, ils tuent le désir et la satisfaction se révèle de courte durée car l'enfant doit produire un nouveau désir ; si celui-ci est lui aussi
exécuté rapidement, l'enfant n'en finit pas de devoir produire des désirs nouveaux. Lionel est, selon l'entourage,
gâté,
pourri mais aussi toujours insatisfait et de plus en plus exigeant... La rancœur peut même s'installer et, devenu plus grand, l'ex enfant peut claquer la porte en reprochant à ses parents de n'avoir jamais rien fait pour lui, à la grande incompréhension de ceux-ci ; il peut ainsi continuer à fonctionner dans l'illusion de la toute-puissance infantile qui consiste à croire qu'il suffit de désirer une chose pour voir sa réalisation immédiate.
L'adulte, lui, sait prendre soin de ses désirs. Là encore, selon l'éducation qu'il a reçue, il deviendra capable de proposer son désir à un(e) partenaire dans une relation harmonieuse de partage. Celui ou celle qui n'a pas appris à prendre soin de ses propres désirs risque fort de se comporter dans le relationnel de manière
terroriste, imposant à l'autre l'obligation de satisfaire ses désirs, au risque d'en être dépendant. Le besoin fondamental de chaque humain étant d'être aimé, celui ou celle qui a grandi en ayant le sentiment de ne pas l'avoir été suffisamment peut passer sa vie à quémander une réparation à tous ceux qu'il rencontre. S'il raisonne en terme de manque, le voilà plongé dans une soif insatiable car un manque est comme un tonneau sans fond ; il ne se comble jamais. C'est d'ailleurs bien souvent une cause des comportements de dépendance à l'alcool, à la drogue, au tabac, à l'argent... Positiver, en remplaçant la notion de manque par celle de besoin, offre une perspective plus réjouissante mais, là encore, fonctionner dans un amour de besoin, c'est s'en remettre à l'autre pour être plus ou moins comblé.
Oser exprimer ses désirs
Très souvent pour cacher (ou montrer) notre propre besoin d'être aimé(e), nous fonctionnons en proposant notre besoin d'aimer l'autre, de prendre soin de lui, de lui donner encore et encore. Or, celui qui donne trop se prive lui-même de recevoir. Ainsi, si je donne des coups de téléphone régulièrement à tous mes amis, qui m'appelle ?
Dans la relation sexuelle notamment, le partenaire qui propose (ou impose) trop souvent son désir à l'autre ne permet pas toujours à celui-ci d'avoir lui-même du désir. D'ailleurs, beaucoup de couples sont en difficulté dans leur vie sexuelle, affective, sentimentale ; ce qui fait le plus souvent défaut ce n'est pas le désir mais la communication. Il est important de se parler, de se dire les besoins et les désirs de chacun. Qu'est-ce qui m'empêche de m'exprimer ? Très souvent la peur... Or, toute peur cache un désir ! Si j'ai peur de mourir, c'est que j'ai le désir de vivre ; si j'ai peur d'échouer, c'est que j'ai le désir de réussir...
Cependant, les masques ne sont pas les mêmes. Le masque de la peur fait si peur qu'il fait fuir... Alors, bas les masques ! Osons, tout simplement, exprimer nos désirs.
Lucile Bertrand
