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La psycho
dans Signes & sens
Donner encore une chance
à son couple
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Notre époque fluctuante, faite de ruptures tous azimuts, qu’elles soient affectives, politiques, commerciales ou professionnelles, est loin d’avoir trouvé la recette du bonheur. Il est vrai que les « changements » promis ne sont pas toujours suivis des effets escomptés, effets sans cesse remis au lendemain dans un monde soi-disant meilleur. La théorie freudienne reste donc encore brûlante d’actualité, elle qui, justement, tente d’en finir avec les miroirs aux alouettes. Il s’agit, pour cette discipline, de remettre du lien là où, a priori, la schizure pose problème. Donner encore une chance à son couple consiste, dans cette optique, à retrouver le véritable fil d’Ariane. Encore faut-il accepter l’éventualité de poursuivre le chemin ensemble afin de sortir du labyrinthe des répétitions amoureuses malheureuses…
Le psychiatre et psychothérapeute Gérard Apfeldorfer, auteur de l’ouvrage « Les relations durables », publié chez Odile Jacob, fait la remarque suivante : Après avoir critiqué pendant près de vingt ans les relations durables au nom du culte de l’authenticité des sentiments, bien des personnes font aujourd’hui le constat des dégâts occasionnés… Comment, à partir de là, inverser la vapeur en ne tombant pas dans les travers d’un passé moralisateur ?
La véritable révolution du couple
Selon la psychanalyse, les difficultés de couple renvoient irrémédiablement au sentiment de trahison et d’exclusion lié au complexe d’Œdipe, que l’inconscient de tout être humain a traversé avec plus ou moins de résistances dans la prime enfance. Les premières idylles amoureuses de l’adolescence ont eu pour sens de dépasser cette histoire d’amour originelle. Mais lorsque rien ne va plus au niveau d’une union conjugale, c’est comme si les deux protagonistes étaient encore gênés à leur insu par ces vieilles histoires. Le psychanalyste Guy Corneau, auteur de l’ouvrage « N’y a-t-il pas d’amour heureux ? », publié aux Éditions Robert Laffont, lance d’ailleurs avec humour qu’un nombre incalculable de fantômes du passé peuplent nos chambres à coucher… Aussi, déplacer le fantasme en essayant de reformer un couple idéal, avec quelqu’un d’autre, revient à prendre à nouveau le risque d’inviter encore plus de monde dans la relation ! Le couple en révolution, explique Corneau, n’est pas celui où l’un des partenaires blâme l’autre, mais celui où l’on est conscient que l’autre n’est pas responsable de ce qu’il a provoqué en moi. Chacun de nous sait, au fond, qu’il a besoin de l’épreuve du couple pour se réaliser… Voilà une bonne nouvelle ! Après le mariage indissoluble et psychorigide de nos grands-parents, l’union pseudo-libre de nos parents, une troisième voie passionnante semble s’ouvrir au couple actuel, telle une aventure qui devient possible pour un nouveau départ. Mais, prévient Guy Corneau, tant que les deux partenaires restent accrochés à l’idée du couple pour le couple, ils n’arrivent nulle part. C’est là le grand paradoxe : plus je m’accroche à l’autre, plus j’y tiens, et moins la communion est possible. Plus j’y tiens légèrement, avec une certaine relativité, dans le lâcher-prise, et plus l’aventure devient possible…
La remise en question salvatrice
Selon l’INSERM, 17 % des femmes pensent que les infidélités passagères renforcent l’amour. Loin d’excuser passivement l’adultère perpétré par leur partenaire, la gent féminine, majoritairement, dit ne plus réagir à la trahison comme leur mère. Les scènes de ménage hystériques semblent révolues. Aujourd’hui, on dialogue. La psychanalyse, suivie par les courants psychothérapiques, a appris à utiliser le « Je » de la remise en question plutôt que le « Tu » accusateur qui renforce les mécanismes de défense peu objectifs. L’ensemble de ces méthodes psychologiques intégratives a largement contribué à faire comprendre aux deux membres des couples perdus que la vraie communication sédimente leur union. C’est ainsi que Françoise Dolto s’exprimait volontiers : « Nous n’existons que parce que nous sommes reliés aux autres par la parole », disait-elle. Cette prise de conscience effectuée, la bienveillance sera au rendez-vous, pour soi et pour le conjoint. Vous direz aisément vos sensations, vos sentiments, vos attentes, votre besoin de consolation… Autrement formulé, vous laisserez jaillir vos limites. Cette indulgence mutuelle ré-ouvrira les portes de la tendresse avec, pour bel horizon, le bonheur d’être toujours ensemble…
Géraldine Bouton
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