Freud utilisait souvent le terme « après-coup » ; il le mettait même en exergue en le soulignant ; cependant, le père de la psychanalyse n'a laissé aucune définition, ni aucun apport théorique quant à ce processus. Qu'en est-il donc de la conception psychanalytique de l'après-coup ?
« Le vocabulaire de la psychanalyse» de Laplanche et Pontalis précise que « Freud a remarqué que le sujet remanie après-coup les évènements passés et que c'est ce remaniement qui leur confère un sens et même une efficacité ou un pouvoir pathogène » ; dans sa correspondance à Fliess, il note : « ... Je travaille sur l'hypothèse que notre mécanisme psychique s'est établi par stratification : les matériaux présents sous forme de traces mnésiques subissent de temps en temps, en fonction de nouvelles conditions, une réorganisation, une réinscription ». Ainsi donc, tout traumatisme, évènement ou loi édictée dans notre cas, peut sceller un sens nouveau et déplaisant dans un temps postérieur aux effets rétroactifs... Le « Nom-du-Père » au banc des accusés, voilà un bien curieux paradoxe pour une avancée sociale... Du pacte civil de solidarité et du concubinage, la loi 99-944, du 15 novembre 1999 donne la définition suivante : « Un pacte civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune » ; cette loi a fait couler beaucoup d'encre et soulevé de nombreuses oppositions, la qualifiant même d'« OJNI », objet juridique non identifié !
Reconnaissance de la différence
Les discussions parlementaires ont réveillé les angoisses que suscite une légalisation des unions paradoxales. Cette loi, par le truchement « d'une avancée sociale », donne une base juridique aux unions hétérosexuelles et aux réfractaires du mariage civil. Alors, ceci n'implique-t-il pas deux nouvelles formes d'hymen, le grand et le petit mariage ? Mais la raison qui a déchaîné les conformistes, c'est la seconde partie de la définition de la loi : « de même sexe pour organiser la vie commune ». Au-delà de la tolérance et de tout jugement sur la vie affective et des choix d'un chacun, il y a surtout l'aspect positif de cette loi au niveau social. Quel que soit le mode de vie affective, l'homme ou la femme a droit au respect de sa nature. Il ne peut pas y avoir, dans une société, une hiérarchie et une discrimination des sexes qui conduisent à l'exclusion de la différence, mais seulement une reconnaissance de cette différence.
De difficiles interrogations…
Il existe cependant une réelle responsabilité à donner une légalité aux couples homosexuels. C'est sûrement ce lourd engagement qui pousse de nos jours encore certains à envisager l'homosexualité comme une pathologie, un péché condamnable par le bûcher inquisitorial et donc comme une perversion ? Le questionnement sur ce sujet sensible laisse place à de difficiles interrogations... Freud décrit dans « Trois essais de la théorie sexuelle » que l'enfant est un « pervers polymorphe ». Cependant, au vocable de perversion, on ne doit pas attacher de connotation péjorative ou de jugement méprisant, mais seulement y voir une fixation au désir de séduction du parent de même sexe à un âge précoce de la psychogenèse. L'homophobie contient en son symptôme le même noyau psychogène que l'homosexualité. La phobie, c'est-à-dire ce qui fait peur, dérange, est déjà en nous à l'état inconscient ; c'est l'étranger, au même titre que l'antisémitisme ou le racisme, qui nous renvoie au déni de l'homosexualité, principal agent de la paranoïa. L'amour impossible fait retour dans le réel sous sa forme inversée : la haine.
Prudence !
Au regard d'une telle situation, il faut une extrême prudence, d'autant que si toute loi tend à replacer l'individu dans un cadre normé et à l'intégrer socialement, elle peut contenir « après-coup » des effets pervers. L'homosexualité est de toute façon un déni du Nom-du-Père, soit un déni du symbolique, en tant que déni d'un certain ordre des choses. Paradoxalement, le Pacs est un déni de la loi universelle, une non-reconnaissance du symbolique, ce qui laisse la porte ouverte à la toute-puissance, à l'impossible désir de maternité chez l'homme, au conséquences non maîtrisables du droit pour un couple homosexuel d'élever un enfant... Alors, la nature perdrait-elle ses droits au profit d'un avenir virtuel et hallucinatoire, semblable aux manipulations génétiques, aux OGM, et clonages en tout genre ? Et à transgresser la loi universelle, à enfreindre la finalité de la nature, ne risque-t-on pas de s'exposer à de surprenantes rétorsions ?
Jean Meyer