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La psycho
dans Signes & sens
Mieux communiquer
avec son enfant
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“ L'injustice appelle l'injustice, la violence engendre la violence ” disait Lacordaire dans ses Pensées qui sont toujours d'actualité. Ainsi, le thème de la violence sensibilise-t-il, d'autant plus qu'elle devient quotidienne et omniprésente pour peu que l'on s'informe ou que l'on ait un enfant (ou plusieurs) scolarisé(s). Cette violence est partout mais nous posons-nous les bonnes questions à son sujet ?
Pour Jacques Salomé, l'accélération de la violence est due au fait que les enfants, aujourd'hui, ont un seuil de frustration tellement bas que toute rencontre avec la réalité est vécue par eux comme une violence. Cette parole peut se vérifier partout : dans la rue, les supermarchés, les cercles d'amis, etc. En effet, certains parents ont tendance à tout céder à leurs enfants, sous prétexte de ne pas les rendre malheureux car ils ont le temps de l'être ou encore parce qu'ils ne peuvent supporter la tristesse ou les pleurs de leur progéniture face à un refus ou une frustration ; c'est ainsi que peut s'immiscer la violence !
Des limites nécessaires
Cette violence, sournoise et insidieuse, passe à travers des actes quotidiens, parfois anodins, dans le non-établissement de limites ; celles-ci, cependant, sont constructives et aident l'enfant à évoluer dans le respect des autres mais aussi de soi ; se respecter est la base de l'identité. Cependant, il faut s'attendre – et cela est nécessaire – à ce que le petit d'Homme mette ces limites toujours à l'épreuve afin de les tester, pour sans cesse vérifier qu'elles sont présentes et bien solides, un peu comme un élastique : l'enfant va le tendre et le tendre maintes fois pour voir quand il cassera. Ce mécanisme de défense le rassurera. D'ailleurs, bien des enfants issus de parents laxistes, une fois plus âgés, leur reprochent vivement ce manque de limites ! Mais, encore une fois, existe la difficulté de certains parents de supporter cris et larmes, soit parce que cela les peine, soit parce qu'ils n'ont pas envie, après une journée de travail, d'affronter leurs enfants. Et pourtant, c'est dans ces limites que le terme éducation prend tout son sens... Un enfant sans limite est un enfant qu'on propulse dans un monde illusoirement idéal ; il s'agit, là, de l'enfant roi exerçant un certain pouvoir sur les adultes et dont tous les désirs sont réalisés, sans véritablement qu'il ait quelques notions de valeurs ou de repères. Imaginez un peu que vous soyez cet enfant... Que feriez-vous ? Vous goûteriez tous les plaisirs faciles et accessibles puis, à la longue, commenceraient à se faire sentir l'ennui, la lassitude et, de fil en aiguille, la déprime s'installerait, jusqu'à en être finalement malade ! Mais cette maladie-là, contrairement aux autres, est surtout nuisible au psychisme ; c'est la maladie du désir. Nous ne serions plus alors animés de ce désir, si cher à Lacan, qui évoquait que le manque crée le désir. Il faut donc créer ce manque afin que l'enfant puisse continuer à désirer ; c'est aussi ce que Freud appelait libido ou pulsions sexuelles mais ce processus reste surtout le moteur de la vie. Attendre quelque chose, c'est déjà le désirer !
Désir et parole
Ainsi, l'enfant ayant tout n'est donc plus en manque ; s'il n'est plus en manque, il ne désire plus ; s'il ne désire plus, c'est la violence qui s'installe. Rappelons que Freud distinguait deux pulsions : Eros ou la pulsion de vie et Thanatos ou la pulsion de mort. Si le désir, qui alimente la source de la pulsion de vie, n'existe plus, la pulsion de mort va la remplacer, avec tout ce qu'elle peut constituer de destructeur lorsqu'elle domine. Mais, malgré ce, ces deux pulsions sont faites pour coexister ensemble et nous avons besoin de l'une comme de l'autre, à chacun de trouver un juste équilibre. De fait, l'état de violence qui fait suite à l'absence de désir se manifestera souvent, plus facilement, sur autrui, par mécanisme de projection car, fantasmatiquement, projeter sur l'autre ses propres émotions revient à se protéger soi et, plus exactement d'ailleurs, à se défendre. Bien évidemment, il existe aussi des cas d'auto-agression mais ceci est une autre histoire. C'est en cela que le laxisme engendre une certaine forme de violence. Un autre facteur joue un rôle important sans cette triade – limites/désir/communication – c'est celui de la parole, c'est-à-dire la communication. Je ne parle pas de la communication fonctionnelle (On va prendre le bain, Que veux-tu manger ?), mais de la communication relationnelle (Qu'est-ce qui ne va pas : tu es triste, as-tu du chagrin ? Qu'éprouves-tu ? Que ressens-tu ?). Ainsi le langage se révèle-t-il être un outil thérapeutique exceptionnel. Cependant est-il nécessaire de faire la distinction entre dire et dire. L'enfant ne doit savoir que ce qui le concerne, lui, sa vie et son histoire familiale. La vie de ses parents ou ce qu'ils font, a priori, ne le concerne pas, sauf s'il y joue un rôle. Un exemple anodin : le plus simple et le plus raisonnable est de tenter de se mettre à la place de l'enfant. Imaginez-vous, enfant, avec vos parents, en voiture, qui vous amènent vous ne savez où, ni pour combien de temps et ni si vous allez revenir. Comment vous sentez-vous ? Normalement paniqué ! Alors que si l'on vous a tenu au courant de toutes les informations nécessaires, vous serez détendu et vivrez mieux ce voyage. Alors imaginons un petit ! Quand l'enfant sait ce qu'il a à savoir, il est rassuré – tout comme nous d'ailleurs ! – et cela ne crée pas d'angoisse. Voilà encore un facteur à prendre en compte. Le non-savoir – ou le non-dit – entraîne souvent une réaction d'angoisse qui essaie d'être palliée par une construction fantasmatique, laquelle peut être plus terrifiante, pour l'enfant, que ce que n'est la réalité. La relation parents-enfant doit donc bien s'établir sur la triangulation limites/désir/communication qui constitue les facteurs importants et structurants de l'éducation et donc de la relation ; après... laissons faire l'intuition de chacun !
Christel Rousseau
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