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La psycho
dans Signes & sens
S'exprimer en public :
halte aux bégaiements !
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1 % de la population semble être affectée du trouble de prononciation représenté par le bégaiement. De nombreuses personnalités, parmi lesquelles Louis XIII dit le Juste, Marilyn Monroe, Winston Churchill, Lewis Caroll, ont souffert de ce mal, touchant une fonction primordiale de l'être humain : la parole.
Les répercussions personnelles et sociales sont souvent ignorées et mal estimées. Le bégaiement peut aussi être l'occasion d'une dérision tragi-comique des situations ; il prête certains à sourire, voire à rire, sans que ceux-ci soupçonnent un seul instant les tourments qu'il recouvre et déclenche. Les personnes bègues s'emmurent elles-mêmes parfois dans un silence proche du mutisme ; celui-ci n'a d'autre fonction que de circonscrire une communicabilité vécue comme dévalorisante. Malheureusement donc, la perception générale de ce handicap se réduit à des aspects le plus souvent caricaturaux. Par ailleurs, l'origine du bégaiement n'est pas formellement identifiée. L'hypothèse anatomique, longtemps soulevée, n'a toujours pas pu être à ce jour vérifiée. Le processus héréditaire, donc familial, est davantage connu. Cela signifie que l'on transmet des modes de caractères et que leurs expressions se révèlent d'autant plus qu'ils sont déjà présents dans la lignée parentale. On ne naît pas bègue et la réponse proposée par la psychanalyse est encore à ce jour de loin la plus satisfaisante. Si le bégaiement est un phénomène complexe, il n'est pas pour autant mystérieux. La théorie des Malfaçons du Docteur Le Huche, jamais démentie par les bègues eux-mêmes, l'explique de manière précise, concrète et concise : On construit son bégaiement. Le bégaiement naît des efforts qu'on fait ou qu'on a faits pour éviter les bégayages en se battant et en poussant les mots qui ne veulent pas passer. Ces efforts deviennent une habitude puis un réflexe. De facto, cette habitude nécessite et mobilise beaucoup d'énergie. Plus la lutte pour échapper aux bégayages s'intensifie, plus le bégaiement augmente.
Bégayages et bégaiement
Ce qu'il convient de nommer bégayage consiste en un accroc fugace de la parole (un arrêt, une répétition, un blocage), face auquel le sujet se détend et se distrait. Ce moment, devenu réflexe, est présent dans toute parole. Il est en revanche absent lors du bégaiement lui-même puisque s'y substitue une tension importante avec poussée sur les mots. C'est précisément l'activité à l'encontre des bégayages qui origine le bégaiement. L'attention du sujet va dès lors se détourner vers cette difficile mission de contrôle d'exécution de la parole qui, peu à peu, met de côté son interlocuteur et sa propre idée ou son propre sentiment. Le sujet bègue oriente sa parole vers quelque chose de plus facile à dire, quitte à réduire – ou carrément trahir – le sens de sa pensée originelle. Ce détournement du rôle et de la fonction de la parole est responsable de l'a-normalité en terme de communication du sujet bègue. La réalisation langagière impeccable devient un but permanent, tandis que la parole pour tout un chacun reste un instrument au service de la langue en tant que facultés.
Accueillir les tourments du sujet bègue
Il n'est aucune raison qui vaille d'éprouver de la honte à être bègue. Ni même quelconque sentiment pénible lié à une faute commise ou par crainte du déshonneur, de l'humiliation… Il faut néanmoins dans un premier temps, a fortiori en tant que thérapeute, savoir reconnaître, identifier et accueillir les tourments caractéristiques des sujets bègues :
• Ne pas pouvoir communiquer ses manières de penser et d'apprécier
• S'interroger sur le comment la parole va surgir
• Se sentir autre et différent
• Taire ses difficultés
Aucun interlocuteur averti ne posera de regard péjoratif à l'endroit d'un sujet en proie aux difficultés d'élocution. Le symptôme du bégaiement révèle sa nature de conflit entre des tendances ennemies. Le sujet signifie son désir de dire quelque chose mais il y oppose de façon concomitante un désir contraire, à savoir celui de se taire. Puisque le sujet, au conscient, tente de s'exprimer, il doit inconsciemment également produire une censure. Le résultat de cette contradiction psychique est une expression orale réduite et saccadée. Un peu à l'identique, lorsqu'une personne commet un lapsus linguae, elle témoigne de sa résistance inconsciente à ce qu'elle a consciemment l'intention de dire. L'analyse même de ce lapsus révèlera quel motif a troublé l'intention primitive de parler. Mais, si au lieu de faire un lapsus, le sujet bafouille, il est autrement difficile d'en circonscrire la raison inconsciente.
Stop aux bégaiements
Les troubles psychoaffectifs aggravent les difficultés du langage. Deux grandes catégories de bégaiements donnent des indications précieuses pour objectiver la nature de ce trouble invalidant. En premier lieu, le bégaiement tonique est identifiable par un blocage soudain au début de la phrase ou au milieu, faisant césure. En second lieu, le bégaiement clonique entraîne une buttée compulsive sur un phonème. Chaque fois que le sujet bègue est en proie à une angoisse, une déception, un état émotif fragilisé, un stress ou une peur, on constate une recrudescence de la perturbation du flux verbal.
Si le recours à un orthophoniste peut être logique, cette solution reste toutefois insuffisante. Elle doit s'accompagner d'une prise en charge psychothérapeutique. Tant que la racine du problème n'est pas dégagée, les bégaiements séviront. Ceci dit, il n'y a pas une obligation absolue à se limiter au champ psychanalytique. Des techniques comportementales ont le vent en poupe, à juste titre. Notamment pour de jeunes sujets. Les jeux de rôle donnent, en règle générale, d'excellents résultats. La relaxation, quant à elle, doit venir en complément de séances psy. Jenny Bréat, psychothérapeute canadienne, préconise des ateliers d'écriture destinés en particulier aux personnes qui doivent s'exprimer en public : Le fait d'écrire plusieurs fois le discours que l'on doit prononcer lors d'un séminaire, par exemple, permet d'obtenir une fluidité de la parole le moment venu. Cependant, ce discours devra être rédigé au passé, au présent et au futur. L'explication en est simple. Imaginez un homme politique qui doive évoquer devant 1000 personnes la nécessité de créer une salle polyvalente. Toutes les couches de la population pourront, avec cette technique, se sentir concernées par ce projet. Les plus âgées, les actifs et même les ados. L'inconscient de l'orateur va alors se sentir entouré potentiellement par le plus grand nombre. Rassuré de façon anticipatoire, le jour de la manifestation, une belle confiance sera au rendez-vous… Jenny Bréat précise que cette méthode est, de fait, adaptable à tous : écoliers, étudiants, coachs, dirigeants… Il est encourageant de savoir qu'il existe des pratiques pour éviter les crises d'anxiété à l'idée d'avoir à se produire devant une assistance.
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