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La psycho
dans Signes & sens
Guérir de sa phobie vocale
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Françoise Laborde, conseillère au Conseil supérieur d’audio-visuel, témoigne, dans un livre intitulé « Muette, quand ma mère me rendait folle », de la souffrance qu’elle a traversée lorsque, devant présenter un JT, elle sentit sa voix s’enfuir peu à peu. Quant à l’acteur Jacques Weber, à l’instar de beaucoup de professionnels de la parole comme les professeurs, il connut, en 1983, une période de blocage phonatoire invalidant. Ce type de désagrément est appelé phobie vocale ou dysphonie spasmodique. Comme la majorité des phobies, elle est toujours liée à une difficulté émotionnelle. Vécue souvent comme une maladie honteuse, le premier pas pour en guérir consiste à en parler…
La phobie vocale se manifeste en général entre 30 et 50 ans, touchant plus couramment les femmes. Il s’agit, selon la définition officielle de la dysphonie, d’une altération objective et/ou subjective du support sonore de la parole, se traduisant par l’atteinte isolée ou combinée de paramètres acoustiques de la voix : la hauteur, l’intensité, le timbre. Ainsi, la voix devient rauque et vacille, générant par la suite un stress anticipatoire à chaque prise de parole. Le rythme respiratoire peut en être affecté (sensation de souffle coupé). Chaque cas étant unique, certains remarquent que le symptôme disparaît lorsqu’ils rient, changent la tessiture (voix plus haut perchée), chantent ou crient. Des tensions dans d’autres parties du corps, comme la crampe de l’écrivain, sont objectivables. Après avoir effectué les consultations médicales d’usage pour vérifier si aucune lésion organique n’est en cause, envisager une solution sous l’angle psychologique constitue une voie de guérison très efficace. Les techniques d’art-thérapie en font partie.
Le non-dit en question
D’un point de vue psychologique, l’atteinte de la fonction de la parole montre bien que quelque chose est impossible à dire. La notion de phobie est à relier à un processus d’évitement. Françoise Laborde, en écrivant son histoire, a pu mettre en lien le fait que sa phobie vocale correspondait à un non-dit sur la maladie d’Alzheimer de sa mère, ses troubles ayant démarré au moment même où les symptômes de démence commençaient. Elle confie que ce livre l’a aidée à guérir. L’art-thérapie utilise justement l’écriture pour oser exprimer des émotions que le thérapeute pourra interpréter. Mais le non-dit peut aussi transparaître au travers d’un tableau peint, voire d’une écoute ou d’une pratique musicale, d’une séance de théâtro-thérapie ou encore de clown-thérapie. Le panel en art-thérapie est suffisamment vaste pour que chacun puisse trouver la médiation correspondant à sa sensibilité. L’essentiel revient à se donner l’opportunité d’exprimer autrement des affects qu’il est manifestement impossible de libérer directement.
Le chant-thérapie
Comme pour les bègues, il est intéressant de constater que pour beaucoup de sujets atteints de phobie vocale, le travail en chant-thérapie présente un indéniable pouvoir désinhibiteur. Tout simplement parce qu’aucun jugement n’y est porté et que seul le contenant, c’est-à-dire le son, est important. Jacques Weber, lors d’une interview donnée en 2013 à l’occasion de « La semaine du son », vante l’efficacité du chant quant au traitement de sa phobie vocale. Par ailleurs, des exercices de relaxation visent à apaiser l’ensemble du corps, notamment à détendre les muscles afférant à la phonation et à la respiration. Le chant-thérapeute a recours aussi à des méthodes de gymnastique faciale, faites d’exercices préventifs efficaces à pratiquer avant chaque prise de parole en public mais aussi de façon quotidienne. Travailler sa voix, sans obligation d’articuler des mots précis, libère paradoxalement tout le système phonatoire. Il s’agit d’utiliser dans un premier temps les phonèmes constitués essentiellement de voyelles et de les sentir vibrer dans tout le corps. Une verbalisation et une interprétation du chant-thérapeute ont parfois lieu à la fin de la séance.
Bernard Vaucroze
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