La psycho
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      Interdits et abréaction

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      Sigmund Freud pose le principe d'une coupure du « moi » en deux parties : le « moi réalité » (Real-lch) et le « moi plaisir » (Lust-lch). La vignette clinique qui va suivre dépasse cet aspect pour illustrer la dissociation d'un patient en deux entités opposées, division que l'analyse a pu faire disparaître.

      C'est un jeune homme de 24 ans, d'apparence saine et avenante, apparemment très intégré à la vie sociale. Il travaille et est indépendant de ses parents. Il sort beaucoup. Il vient consulter sur les conseils appuyés de sa mère qui se désespère de savoir son fils « homosexuel ». Pour lui, ce n'est pas un problème. Il est content de son sort. Il vient pour faire plaisir à sa mère : au tout début, il est peu motivé.

      La première séance permet de situer le patient dans un contexte familial apparemment paisible, malgré la séparation des parents quand il avait quatre ans (c'est le père qui s'en va, la mère garde l'enfant ; elle n'a pas d'homme dans sa vie depuis la séparation). Le père s'est remarié et a conçu d'autres enfants.
      Lors des séances qui suivent, le patient me parle librement et spontanément de sa vie sexuelle, en donnant de plus en plus de détails (encouragé par mon silence ?) : il aime s'exhiber, ce qu'il avoue lui-même. Il a eu ses premières expériences sexuelles tôt (14 ans), toujours avec des personnes du même sexe que lui. Il dit n'avoir jamais été attiré par les femmes. Il vit en couple depuis quelques mois, avec un homme plus âgé que lui. Jusqu'alors il avait des aventures passagères (même d'un soir) et n'était jamais seul. Ses rapports sexuels sont quasi quotidiens avec son compagnon ou avec d'autres hommes car ils sont très « libres » et le fait de le tromper l'excite particulièrement. J'ai surtout écouté, jusqu'à ce stade, ne posant que de brèves questions.
      Lors d'une des dernières séances de sa première tranche d'analyse, le transfert est très érotisé : il cherche à me séduire et à me convaincre qu'il « s'éclate » vraiment. Il parle de lieux de rencontre : bars et vidéoclubs. Je suis pris par un très fort agacement à son égard, contrepartie de l'excitation ambiguë et racoleuse qu'il mêle, pour la première fois, à l'atmosphère jusqu'alors paisible de la relation analytique. Je lui demande s'il fréquente ces lieux. Il répond par l'affirmative. Je lui dis, un peu pour le provoquer, qu'il a tout vu, tout fait. Tout vu, oui, mais pas tout fait, me répond-il. Il m'explique qu'il n'a pas encore testé une pratique à la mode dans le milieu gay, qui consiste à se faire introduire le poing dans le rectum. Le mieux, c'est de le faire devant d'autres mecs qui peuvent « mater la scène ». « C'est plus excitant », précise-t-il. « Je vais bientôt essayer mais j'attends encore un peu parce que je sais que cela me plaira tellement que je ne pourrai plus m'en passer ! ».
      Je suis pris de vertige, tarabusté par un fort écœurement ; mon énergie transférentielle en retour, soudain réveillée d'une espèce de torpeur, bascule très rapidement dans un état de gêne, de crainte et même peu à peu d'angoisse, qui va me permettre de comprendre de quoi il en retourne. Je vois le patient tout petit et très fragile, subissant la séduction d'un père vicieux, devant lequel il se soumet, en ayant la certitude que c'est la seule issue pour survivre. J'ai l'intuition (confirmée plus tard) qu'il ne s'agit pas d'un traumatisme mais d'un fantasme enfantin.
      Le silence est long, chargé d'affects.
      Le patient parle de tout autre chose, de vacances au bord de mer avec ses copains. Je lui demande si son père lui a manqué après la séparation avec sa mère. Il me répond évasivement que non.
      Je crois sentir qu'en l'absence d'un père réel, il s'est créé un faux père castrateur et sadique, jouant de lui sexuellement. En réponse, il s'est aussi créé un faux soi imaginaire, latent durant l'enfance, puis manifeste dès ses premières expériences sexuelles, faux-soi qui puisse répondre à la demande fantasmée du « père » : un enfant masochiste, soumis à la jouissance de l'autre. Faux-soi, je m'en rendrai compte après, adapté aux référents et aux exigences du milieu gay ; tout milieu construit un surmoi et des contraintes sociales à intérioriser pour y être admis. D'après ce patient, et d'autres intégrés au réseau social parisien gay et lesbien, les exigences de ce groupe social apparaissent, au témoin auditif qu'est l'analyste, beaucoup plus fortes et prégnantes qu'il n'y paraîtrait de prime abord.
      Je lui demande s'il prend plaisir à se soumettre sexuellement à ses partenaires. Il répond que oui mais qu'il aime jouer les deux rôles. Dans ses pratiques sexuelles, il alterne ces deux pôles qui correspondent à l'Œdipe négatif érotisé : il est parfois le père sadisant, parfois l'enfant sadisé.
      Je lui dis qu'il aime aussi, peut-être, prendre la place du père « castrateur ».
      À ce mot, il reste silencieux. L'excitation tombe net. Je sens à côté de moi l'enfant apeuré que j'avais entrevu dans l'inter-transfert. Le « vrai soi » transparaît alors, arrêté dans son développement à un stade pré-phallique (anal principalement mais pas seulement), avant le deuil de l'androgynie.
      La castration est entrée dans le réel de la séance.
      De quelle castration s'agit-il ?
      Angoisse enfantine érotisée pour pouvoir être supportée à défaut d'être symbolisée. Je ressens la très grande solitude de son enfance, l'isolement silencieux dans lequel l'a laissé la séparation sans heurt de ses parents et le départ sans mot de son père. Dans sa pratique avec ses partenaires, inconsciemment, il castre (fantasme agit) ou se fait castrer à chaque rapport, pour ne plus vivre (momentanément) l'angoisse innommable d'être détruit par l'éclatement du couple parental et châtré par le père terrible de ses fantasmes. Il jouit de ce qu'il craint le plus, pour s'en défendre et le nier.
      Je lui dis qu'il a dû parfois être très seul quand il était petit, surtout après le départ de son père.
      Une émotion monte en lui, il pleure, sans répondre.
      Suis-je allé trop loin, trop vite ? Toutefois, le clivage père réel/père imaginaire va pouvoir se lever, grâce à l'émotion des retrouvailles avec les sentiments du fils esseulé attendant son père absent.
      Le patient me parle alors de son père pendant un long moment. Je l'écoute en silence : j'ai assez parlé. La séance se termine dans un profond calme, à l'opposé de l'excitation maniaque du départ.
      Je ne vois pas ce patient pendant un certain temps. Il n'avait pas pris d'autre rendez-vous malgré mon insistance et ne m'a rappelé que beaucoup plus tard. Seule une lettre après cette séance, pour me remercier et me dire qu'il « se sentait beaucoup mieux ». Ce que je ne lui ai pas dit et qui s'est éclairci durant cette séance et dans l'après-coup, c'est que le besoin de la pénétration par la main, en présence de témoin(s), m'avait fait penser à un accouchement (celui de sa naissance ?).
      Dans sa théorie sexuelle infantile, la sadisation faisait écran à la scène primitive fondamentale pour l'économie imaginaire et libidinale du sujet : l'accouchement de la mère (et donc la naissance de l'enfant) se fait par voie arrière, par l'anus.
      La nécessité de retourner à cette scène pour en savoir ou en dire quelque chose, à défaut d'en démentir la fausseté, pousse le sujet à vouloir découvrir l'ouverture et la béance anale dans le réel, par le biais de la main d'un homme (peut-être la main bienveillante du gynécologue), devant le père témoin, pour combler le manque symbolique au niveau de sa naissance, par la mise en acte d'un imaginaire apparemment pervers. Il sait, par avance, que cette découverte le mènera à une pratique compulsive et addictive car non symboligène, donc non résolutive.
      Nous sommes là en présence de ce que Joyce Mc Dougall nomme justement une néo-sexualité, créée pour permettre à la personne humaine de survivre psychiquement à l'angoisse d'abandon, puis seulement à l'angoisse de castration, castration infligée par le mauvais père, imaginé pour combler l'absence du père réel mais, surtout, castration signifiée par la mère dans son refus de l'homme comme partenaire.
      Après la phase d'impossible sur-adaptation à une réalité trop psychogène, l'enfant a laissé de côté son vrai soi encore asexué pour un faux-soi, faussement unisexué (apparence d'un homme très masculin) mais manifestement sexualisé à l'extrême pour occulter le réel trop angoissant de son histoire. Le fait de le désigner, lui, dans l'espace psychique de la cure (recommencée quelques mois plus tard) comme le père castrateur, a pu faire tomber une partie de sa construction imaginaire existentielle et sexuelle. D'où ma réticence à parler ici de perversion, au sens strict. Ce que confirmera la fin de la cure et la transformation de sa vie (notamment affective et sexuelle) vers un type de relation à l'autre, ni addictif, ni compulsif, ni utilisateur (séducteur-manipulateur). Il lui sera alors possible de vivre une relation « heureuse et épanouissante » (ce sont ses mots) avec un homme du même âge que lui, sans le recours (il ne s'agit pas de morale mais du souhait même de l'analysant) à des pratiques sexuelles extrêmes qui « ne lui auraient rien apporté ».
      Le point fondamental et structurant dans l'histoire de cet homme, lorsqu'il a été mis à jour et symbolisé, lui a rendu une grande joie, une légèreté qui a rejailli sur tous les aspects intimes et relationnels de sa vie : il a pu contacter, traverser et élaborer l'attente désespérée de l'amour du père, de sa présence, de son attention, de son écoute, de son intérêt, de ses encouragements et de son soutien. C'est ainsi qu'un deuil rendu possible permet de sortir du mécanisme mortifère de l'incorporation pour que les processus d'introjection (ici de la figure paternelle et virile) puissent avoir lieu.

       

      Saverio Tomasella

       

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