Pourquoi l’autre nous fait-il peur ? Que craignons-nous ? Que cherchons-nous dans cette lutte sans merci contre nos semblables, contre nous-même ? Les relations humaines sont basées sur la différence et l’angoisse qu’elle engendre. Entre hommes et femmes, c’est une rivalité originelle, une crainte ancestrale.
Il suffit de regarder autour de nous, d’ouvrir les yeux sur le monde, pour constater que la peur régit les relations sexuées autant que les relations sexuelles. Le débat qui a secoué l’hexagone quant au port du voile en est un des multiples exemples. Les femmes font peur aux hommes, elles évoquent un insupportable lien avec la tentation, elles sont source du mal, alors cachons-les, voilons-les, taisons-les. Mais ne nous méprenons pas, le voile qu’on leur jette pudiquement est transparent et laisse justement entrevoir ce qu’il recouvre, avec toute l’indécence que certains hommes voudront bien y trouver.
La peur de la différence
Pourquoi les femmes et leurs enfants (car elles sont très souvent mères) devraient-elles souffrir plus d’être nées femmes dans ce monde intolérablement humain ? Pourquoi cette différence qui ne tient qu’au sexe dirige-t-elle notre monde, dans ses frayeurs, ses atrocités, ses culpabilités ?
Les hommes ont peur des femmes alors ils se défendent, se détournent et parent cette attaque imaginaire, inscrite dans
l’inconscient collectif, car on ne sait jamais ! Ainsi leur protection se révèle : infliger cette peur aux femmes, peur qui continue de s’insinuer sensiblement dans les rapports humains. Et pour toutes celles qui se disent libérées, pour toutes celles qui se croient émancipées dans notre société avant-gardiste, confortablement européenne, leur salaire se chargera de leur rappeler qu’elles n’ont pas ce qu’il faut entre les jambes et que la peur de l’autre les précède. Un héritage bien lourd à porter que ce manque, ce trou, cet indicible que l’on recouvre encore et encore...
Une rencontre impossible ?
La souffrance de l’autre conditionne la peur de soi-même :
Je me protège de cette jouissance absolue, inconnue qui m’effraye et je me conforte de ta différence dans ce que je te fais subir. Partout dans le monde les femmes attendent patiemment, paisiblement que l’autre comprenne... un jour. Mais comprenne quoi ? Puisqu’il n’y a rien à comprendre dans cette interprétation sexuelle que l’on érige en porte-drapeau de notre foi. Qu’entendre alors dans la résignation de ces femmes à un sort humiliant quand elle vient signer justement, à cet endroit, ce qu’elles n’ont pas comme une valorisation de ce qu’elles vivent ?
Cette perception du monde nous questionne sans cesse sur ce pacte entre la peur et le sexe, dont les enjeux sont étroitement imbriqués à la ligne que nous connaissons quant à la position sexuée du sujet. Partage qui pivote autour de cet axe sexuel, d’emblée structurant qu’est le face-à-face entre le même et l’autre, entre la femme et l’homme.
De ce schéma ébauché d’un territoire conquis sur la peur, une rencontre impossible, celle de l’Autre, inéluctablement absent là où les femmes s’engagent. Absent dans le langage, celui qui fonde l’être dans son existence, le repère comme unique, et donc l’affirme en tant que sujet.
La peur de l’autre sexe est un des fondements de l’humanité, on s’en sert, on s’en plaint, on en vit. Comment faire sans ? Gageons qu’un jour, entre homme et femme, ça se rencontrera... autrement.
Sandrine Dury