|
La psycho
dans Signes & sens
La psychanalyse
se porte bien !
|
La psychanalyse est née à la fin du XIXème siècle. Avec une telle découverte, Sigmund Freud, qui en est le précurseur, inaugure un nouveau discours qui vise à donner un statut scientifique à la psychologie.
Ainsi, tout au long du XXème siècle, la psychanalyse produit avec Freud une mutation sans précédent dans la conception de l’Homme. Il introduit une rupture radicale avec ce qui s’appellera plus tard les « sciences humaines », comme avec ce qui constituait jusque-là le centre de réflexion philosophique, c’est-à-dire le rapport de l’Homme au monde. En effet, la découverte freudienne suppose l’existence d’un psychisme inconscient qui nous détermine à notre insu, inconscient qui n’est pas une simple absence de conscience mais l’effet structurel d’un refoulement, d’où le terme employé par Freud de « métapsychologie ».
Un contexte sociétal
Même si, en ce début du XXIème siècle, la psychanalyse tend à entrer dans la vie de plus en plus d’individus, celle-ci reste pourtant une méthode et une discipline pas toujours connue et reconnue du grand public, voire des autorités pensantes ou non pensantes d’ailleurs. Il n’est donc pas étonnant qu’au cours de leurs recherches et investigations, les premiers disciples de la psychanalyse connurent un isolement et une incompréhension quasi totale.
La psychanalyse fait ses premiers pas dans une Europe en pleine expansion industrielle, démographique et urbaine. En effet, la fin du XIXème siècle marque une étape capitale dans le développement culturel, tant sur le plan scientifique que littéraire ou artistique. La psychanalyse apparaît donc dans un monde où les aspirations intellectuelles elles-mêmes peuvent trouver une certaine satisfaction.
Les prémisses
Freud, chercheur en neurophysiologie à Vienne, utilise dès 1882, à des fins thérapeutiques, de nouvelles méthodes telles que l’hypnose et la suggestion, même s’il en perçoit très vite les limites. Sa curiosité, qui visait plus les questions humaines que les choses de la nature, l’amène à cette époque à s’allier avec Josef Breuer, médecin viennois, à propos de la compréhension psychopathologique de l’hystérie. Ils anticipent déjà la méthode analytique sous le nom de méthode cathartique. Freud peu à peu affine ses dires sur l’hystérie et, en 1890, écrit un ouvrage à ce propos. Il abandonne également l’hypnose et la suggestion au profit des associations libres. Sa position doctrinale est alors centrée sur la théorie du noyau pathogène constitué dans l’enfance à l’occasion d’un trauma sexuel résultant de la séduction par un adulte.
Les premiers disciples
C’est après la mort de son père, en 1897, que Freud découvre – non pas par hasard – le complexe d’Œdipe. Dès 1900, il écrit « L’interprétation des rêves », postulat de départ de la psychanalyse moderne en rupture avec tous les discours antérieurs. À cette époque, nombre d’intellectuels viennois remettent en question la vie culturelle de la grande cité, parfois dans des termes très durs. Quant à Freud, il se plonge toujours un peu plus loin dans ses théories mais met beaucoup de temps à être reconnu dans sa propre ville. Cette même année 1900, il introduit la première topique constituée d’instances : l’inconscient, la perception-conscience et le préconscient. Suit en 1901 « Psychopathologie de la vie quotidienne » qui recense toute une série de petits accidents auxquels on ne prête guère d’attention d’ordinaire mais qui peuvent être considérés comme des manifestations de l’inconscient. Si la solitude de Freud a duré quelques années, celle-ci a cessé vers 1902, date à laquelle ses premiers disciples commencent à se réunir à Vienne. Des 1906, il fonde la Société du Mercredi qui, en grossissant, deviendra en 1908 la Société Psychanalytique de Vienne où des intellectuels, en plus de médecins, prennent place dans le débat.
Le développement de la psychanalyse
Sandor Ferenczi, disciple de Freud, contribue des 1906 au développement de la psychanalyse en dehors de l’Autriche. Le succès des idées freudiennes en Hongrie permet à Ferenczi d’ouvrir une clinique et d’enseigner à l’Université. Parallèlement, en 1910, Freud fonde la Société Internationale de Psychanalyse dont le premier Président est Carl Gustav Jung, considéré comme le dauphin de Freud. Ils se rendent d’ailleurs tous deux aux U.S.A en 1909.
C’est au cours de ces années, riches de l’expérience de Freud, que les membres du groupe deviennent de plus en plus actifs à propos de la théorie psychanalytique. Pendant cette période, en Europe, d’autres disciples commencent à adhérer aux thèses du maître viennois. Tel est le cas de Jung, bien que celui-ci adopte peu à peu un chemin différent, créant ses propres théories concernant la nature de la libido. De son côté, Karl Abraham, initié aux idées de Freud, fonde en 1910 l’Association Psychanalytique de Berlin. Il sera de ceux qui auront le plus contribué à la diffusion de la psychanalyse hors de Vienne. Il a par ailleurs introduit de nouvelles notions psychanalytiques. S’ajoutent à cela entre 1905 et 1918, un grand nombre de textes écrits par Freud concernant la technique d’une part et l’illustration de celle-ci par la présentation de cas cliniques d’autre part. Parallèlement, et parfaitement conscient que sa théorie ne constitue pas une doctrine close dont le sens serait défini une bonne fois pour toutes, Freud pousse ses disciples à discuter ses propres découvertes afin de trouver d’autres terrains d’investigation. En 1915, il met en place de façon systématique la notion de stade dans la troisième édition des « Trois essais sur la sexualité ». Il propose en 1920 la deuxième topique dont les instances sont le ça, le surmoi et le moi.
Une implantation aux États-Unis
Ce début de XXème siècle marque un renouveau culturel bien réel. Pourtant, les lendemains de la Grande Guerre n’ont, sur le plan spirituel, rien de rassurant pour la population. L’époque est plutôt à l’inquiétude, inquiétude quant aux limites de la civilisation. De plus, en raison de la montée du nazisme, une grande partie des psychanalystes émigre aux États-Unis tout au long des années 30. Franz Alexander est l’un des pionniers de la discipline aux U.S.A, même s’il a étudié celle-ci à Berlin. Professeur de psychanalyse à l’Université de Chicago, il fonde en 1931 un Institut dans le cadre duquel sont mis au point les principes de la «psychothérapie analytique brève». Cette technique active ne cessera d’être confortée par le contexte analytique américain, avant tout soucieux de favoriser l’adaptation et l’intégration sociale du patient. Il est donc clair que c’est aux États-Unis, auxquels on dit que Freud croyait apporter la peste, que la psychanalyse se laissera le plus aisément apprivoisée. C’est dans ce même pays qu’en 1943, le Général Eisenhower donne à lire à tous les officiers de son armée un rapport du psychanalyste Bruno Bettelheim sur le comportement de masse et individuel dans les situations extrêmes. Et, dès 1944, Bettelheim fonde à Chicago un Institut destiné aux enfants en difficulté et étudie de très près les cause de l’autisme.
Dans les autres pays…
Ainsi, si la psychanalyse a su prendre une place importante aux États-Unis, il en va différemment pour les pays socialistes. En effet, malgré une implantation dans les débuts de la révolution socialiste, la psychanalyse est, dès les années 20, totalement exclue, perçue comme science bourgeoise et réactionnaire. Cette situation demeure inchangée jusque dans les années 1990 au cours desquelles, de souterraine, clandestine, la psychanalyse fait de plus en plus d’apparitions dans le monde des écrivains et chez une certaine intelligentsia. Cependant, en Grande Bretagne, elle connaît un regain théorique important grâce à l’exil de Freud à Londres en 1938 et à Melanie Klein à propos de l’analyse des enfants. Quant à la France, elle bénéficie dès 1923 des ouvrages traduits de Freud. Le mouvement psychanalytique français s’accélère en 1926 avec la création de la Société Psychanalytique de Paris, rejointe par Jacques Lacan en 1934. Lacan reprend plusieurs questions essentielles et délicates au point où Freud les avaient laissées. En découlent de nouveaux concepts. Alors que Freud insistait sur l’histoire individuelle du sujet dans sa dimension événementielle, Jacques Lacan cherche à retrouver le Verbe qui était au commencement. Son rapport tenu sur la « fonction et le champ de la parole et du langage en psychanalyse » sert de boussole à tous ses disciples. C’est dans les années 50 que son enseignement, qui insiste donc notamment sur la place de la parole et du langage dans la psychanalyse, prendra une importance de premier plan. Quelques années avant, Françoise Dolto, qui avait pour vocation de devenir « médecin d’éducation », se voue entièrement au domaine de l’enfance où elle défriche alors un territoire qu’elle féconde avec sa personnalité. Elle se forge peu à peu une méthode, à partir d’une générosité et d’une confiance inébranlables envers les enfants. Elle y allie une intuition et une connaissance intuitive de l’enfance. Elle consacre ainsi toute son œuvre à ce qu’elle appelle « la cause des enfants ». Personnalité médiatique, elle fonde en 1953 avec Jacques Lacan, Daniel Lagache et Favez Boutonier, la Société Française de Psychanalyse qui attire, en raison de leur popularité, un grand nombre d’étudiants. Enfin, elle utilise les concepts freudiens et lacaniens et en forge elle-même de nouveaux. La psychanalyse se popularise véritablement en France dans le milieu des années 80 grâce à une émission télévisée – « Psy show » – qui constitue une tentative pour répondre en direct aux souffrances privées. On ne compte plus aujourd’hui les émissions à succès, radio ou télévisées, qui ont adopté ce concept…
Séverine et Alexandre Natoli
La psychanalyse s’adapte
Le vieux continent a été le berceau de la psychanalyse, discipline inséparable d’une culture européenne, même si celle-ci fut essentiellement « exportée » vers les États-Unis en raison d’un contexte européen peu favorable. Néanmoins, la psychanalyse a su ne pas subir une histoire mouvementée. Elle s’est adaptée à une société toujours en évolution dans laquelle elle a pris et continue à prendre tout son sens. Elle s’est mise à son service, ayant auparavant bénéficié de l’expérience des sujets la constituant.
|