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La psycho
dans Signes & sens
La révolte est mauvaise conseillère
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Exprimer sa colère de façon juste est légitime. Se révolter de façon impulsive traduit toujours une angoisse. La révolte inconsidérée pousse de surcroît à la transgression et cause des dégâts le plus souvent irréparables. Aussi, avant de se laisser envahir par ces pulsions dévastatrices, mieux vaut se donner le temps de la réflexion…
Soumettre les instincts agressifs à l’épreuve de la raison a toujours constitué un pas vers plus d’humanité et de justice. Les penseurs, quelles que soient leurs orientations philosophiques ou politiques, ont su poser les bonnes questions. Quant aux spécialistes de la psyché, ils apportent également leur pierre à l’édifice.
L’interrogation réflexive
Albert Camus écrit en 1951 « L’Homme révolté ». Selon lui, L’Homme est la seule créature qui refuse d’être ce qu’elle est. Il poursuit de façon pertinente : La question est de savoir si ce refus ne peut l’amener qu’à la destruction des autres et de lui-même. Si toute révolte doit s’achever en justification du meurtre universel ou si, au contraire, sans prétention à une impossible innocence, il peut découvrir le principe d’une culpabilité raisonnable. L’écrivain énonce clairement les prémisses d’une interrogation réflexive : la notion de culpabilité raisonnable rejoint, non pas une morale, mais une loi intériorisée protectrice pour soi et pour autrui. Malheureusement, la révolte – trop souvent animée par des affects personnels – aboutit à la négation de la réalité.
L’identification à l’agresseur
La colère est une émotion pétrie d’angoisse, renvoyant à une frustration, un manque, voire une perte. Son droit de cité n’est bien sûr pas à mettre en cause lorsque des conditions de grande précarité touchent les besoins vitaux. Pourtant, essentiellement dirigée vers l’extérieur, elle laisse jaillir des forces privilégiant la vengeance. Les travaux de la psychanalyste Anna Freud concernant « L’identification à l’agresseur » ont d’ailleurs bien explicité l’impasse du « œil pour œil, dent pour dent ». Le sentiment de révolte s’inscrit, quoi qu’on en dise, dans une dynamique de haine destructrice. En effet, l’inconscient s’identifiant à cet « agresseur », perçu à juste titre ou fantasmatiquement comme étant responsable de tous les maux, prend le risque de s’autoriser un comportement qui, au final, est pire.
La solution anticipatoire
Le problème consiste à savoir comment traverser une situation de saturation et d’exaspération sans se résoudre à l’utilisation de la violence. Il est déjà essentiel de ne jamais laisser s’installer un climat conflictuel en pensant que le temps diluera les griefs. Une seule goutte d’eau suffit souvent à faire déborder le vase. N’attendez donc pas qu’il soit trop tard pour identifier, puis verbaliser ce qui vous gêne dans une relation, qu’elle soit affective ou professionnelle. Une petite mise au point au moment voulu, avant que les mots ne dépassent vos pensées, stoppera dans l’œuf une montée d’adrénaline aussi inutile que douloureuse pour les deux parties en présence. Pour y parvenir, prenez l’habitude de privilégier le je plutôt que le tu. Parlez essentiellement de vous. Préférez Je me sens blessé et je souffre de certaines remarques désobligeantes plutôt que Tu es blessant et je ne te supporte plus. Veillez aussi à ne pas employer de qualificatifs négatifs vis-à-vis de votre interlocuteur, ce qui aurait pour effet de déclencher ses mécanismes de défense virulents. Par contre, expliquez fermement que les choses ne peuvent rester en l’état et qu’un changement s’impose… pour vous en tout cas. Vous gardez ainsi la porte ouverte, tout en montrant votre détermination. Il s’agit ici d’objectiver un aspect de votre personnalité resté ignoré jusque-là et dont il va falloir tenir compte…
Gilles Romain
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