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La psycho
dans Signes & sens
Le bénévolat, c’est top ? |
La découverte freudienne de l'inconscient montre que l'être humain est mû, en grande partie, non pas par une réalité consciente et une prétendue maîtrise de ses actes mais par des expériences inconscientes, qu'il ne peut connaître que partiellement car refoulées et qu'il veut ignorer. L'inconscient n'étant, par ailleurs, pas philanthrope, il paraît intéressant, voire nécessaire, de s'interroger sur les bénéfices fantasmatiques que celui-ci cherche à retirer de toute situation ; qu'en est-il alors du fait de s'engager dans une entreprise à but non lucratif, comme le bénévolat par exemple ? C. Derouesne de dire : « L'inconscient n'est sensible à aucune influence de la réalité, il ne connaît pas le temps social et, conscient (même s'il a sa propre logique temporelle), il ne connaît ni doute, ni négation. Les représentations inconscientes sont agencées en fantasmes ou autres scenarii imaginaires, les formations de l'inconscient signifiant tout autre chose que ce qu'elles signifient immédiatement... L'inconscient est donc caractérisé non pas par une absence de sens, mais par un glissement incessant de celui-ci »…
Le latin benevolus signifiant bienveillant, et sur lequel s'est construit le mot bénévolat, appelle le terme malevolus dont la traduction est mal disposé, envieux, malveillant. La tentation est grande, à ce stade, d'affirmer que tout ce qui n'est pas effectué gratuitement vient du malin. Il est vrai que la culture chrétienne n'est pas étrangère au fait qu'il est bon pour le salut de l'âme de se donner sans compter, en imitation à Celui qui a souffert pour nos péchés. Il s'agit donc de faire le distinguo entre ce qui relève réellement du don et ce qui relève du masochisme, en tant que perversion inconsciente telle que l'a définie Sigmund Freud. En couple d'opposés, le masochiste va être associé au sadique, tout comme le bourreau à sa victime.
La jouissance
Qu'il soit bien entendu que nous traitons ici de l'inconscient comme l’a postulé l'auteur de « Trois essais sur la théorie de la sexualité » et qu'il n'est donc pas question de quelque jugement que ce soit mais, plutôt, d'une tentative d'interrogation sur nos comportements pseudo-altruistes, sachant que nous sommes tous plus ou moins soumis à nos fixations infantiles. Ceci étant, le bénévole, chargé de sa dette inconsciente, va donc se mettre en devoir de servir son maître en la personne du plus défavorisé ; la déviation que cette pratique peut engendrer, tant que l'autre est envisagé comme objet a, selon Jacques Lacan, renvoie au profil de ces dames patronnesses avec leurs bien chers pauvres qu'elles aident, pour la plupart, à coup d'hystérie de séduction et de médiatisation, sans réaliser, par ailleurs, que la pulsion névrotique peut se retourner contre elles-mêmes. Ne peut-on pas ici, d'ailleurs, faire allusion à la dramatique mort de Lady Di ? Mais alors, comment sortir de cette jouissance qui peut aussi finir par aboutir à une forme de mépris ? Cette question, inhérente à tout projet associatif voulant aider son prochain, devrait rester omniprésente car charité bien ordonnée commence par soi-même dit l'adage. Avant de savoir ce qui est bon pour l'autre, il serait logique de sortir de la confusion plaisir-besoin en ce qui nous concerne, afin de pouvoir aller à l'essentiel.
Un réel don de soi
Le petit d'Homme a, effectivement, la nécessité de se nourrir pour vivre ; or Freud de postuler que l'enfant ne s'en arrête pas là et qu'il va associer son besoin au plaisir, mettant en œuvre un processus d'étayage dont il va falloir qu'il se détache s'il veut accéder à son autonomie. Se libérer peu à peu de ses parents fantasmatiques, soit de ses objets d'amour et de haine, pour les reconnaître en tant que sujets, est bien le sens à trouver. Imaginez donc une mère qui ait du mal à considérer son enfant comme indépendant d'elle, même s'il s'agit de la chair de sa chair, et vous verrez s'installer insidieusement une position masochiste sous des dehors de Sainte-Vierge, à coups de avec tout ce que j'ai fait pour toi... Le rapport dominant/dominé s’installe avec son cortège de culpabilité, d'agressivité et, plus souvent qu'il n'y paraît, d'autodestruction.
Donner à manger à quelqu'un qui a faim, c'est bien, dit le proverbe, mais lui apprendre à pêcher, c'est mieux, surenchérit-il.
Le danger du bénévolat qui en resterait à la première proposition peut entraîner une situation quasi pathologique où une forme de toute-puissance prendrait, in fine, le pas sur le complexe de cet autre démuni. Alors comment sortir de l'impasse ?
Simplement en s'autofrustrant des bénéfices inconscients que nous fantasmons retirer de nos actes gratuits. Paradoxalement, il va falloir œuvrer pour que l'autre n'ait plus besoin de nous. Autrement dit, il s'agit d'un réel don de soi. On aura compris que la tâche est ardue et que si tout le monde est appelé, peu sont élus, non par manque de place au paradis des bénévoles mais parce que, comme aimait à le rappeler le plus aimé de nos bénévoles, l'Abbé Pierre, l'Amour n'est pas aimé, phrase attribuée à Saint François d'Assise...
Gilbert Roux
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