Substance toujours illicite en France, la consommation de cannabis est souvent banalisée, en particulier par les ados. Selon les données de l’Inpes, depuis le début des années 1990, l’expérimentation du cannabis a connu une hausse très nette. Les études réalisées en 2005 le montrent : 28 % des jeunes ont fumé du cannabis au cours du dernier mois et 15 % des garçons et 6 % des filles en font un usage régulier. Ainsi, la notion de dépendance ou d’intoxication au cannabisme est une sévère réalité à prendre sérieusement en considération.
Le cannabis provient d’une plante, le chanvre. Utilisé à l’origine en Orient à visée thérapeutique comme antispasmodique pour apaiser la douleur, il l’était aussi pour réguler le sommeil. Rejeté par le catholicisme au XIIème siècle, surnommé l’herbe des sorcières, le cannabis est pourtant introduit en France au XIXème sous Napoléon. Contrairement à certains pays européens qui s’en servent, entre autres comme anti-nauséeux, analgésique et stimulant de l’appétit, son usage sur le plan médical n’est pas autorisé dans l’Hexagone. Son principe actif, le THC ou tétrahydrocannabinol, substance aux effets psychostimulants, l’inscrit au registre des stupéfiants et, selon la classification de 1991 des docteurs Pelissier et Thuillier, comme perturbateur du système nerveux central.
Différents modes de présentation
La concentration en THC varie selon la préparation. L’herbe, classiquement connue sous l’appellation Marijuana (ou ganja, beuh..), correspond à des feuilles, des tiges ou sommités fleuries. Elle se fume mélangée à du tabac. Le hashich est une résine vendue sous la forme de barrettes de couleur verte, brune ou jaune en fonction de sa provenance et obtenue à partir des sommités. Le shit se consomme mélangé à du tabac mais peut être couplé avec différents supports : henné, cirage, paraffine... L’huile, moins répandue mais plus concentrée et puissante, se consomme quant à elle avec une pipe.
La dépendance en question
Complexe, le fonctionnement du cerveau humain abrite encore de nombreuses inconnues. De fait, prétendre maîtriser le psychisme, à chaque instant de sa vie, reste utopique. C’est ainsi qu’un simple usage de Marijuana, festif et occasionnel entre amis, peut petit à petit évoluer vers une consommation quotidienne, régulière et importante. Si les notions d’enfance perturbée ou de troubles de la personnalité renforcent le risque d’addiction, l’installation d’une dépendance reste possible en l’absence de tout facteur favorisant. À la période initiale d’euphorie, de légèreté, d’hyperesthésie sensitive, de bien-être, se substitue le besoin d’augmenter les doses pour maintenir ou retrouver la sensation de plaisir du début, tout en échelonnant les prises dans la journée. S’ancre alors progressivement une dépendance psychologique, accompagnée de différentes manifestations somatiques. Des troubles de la mémoire apparaissent avec une altération des notions temporo-spatiales. La vigilance et l’attention se relâchent au profit d’un seul centre d’intérêt, la quête du produit. Insidieusement, le sujet se replie sur lui et se réfugie dans sa bulle. Cette attitude démotivée s’accompagne fréquemment d’échec scolaire ou professionnel et d’absentéisme répété. Ce désinvestissement de la vie active devient désocialisant. Parallèlement, la fumée de cannabis s’avère être plus nocive que le tabac seul et vecteur d’affections cardio-vasculaires et respiratoires graves, comme le cancer broncho-pulmonaire. Des dégradations gingivales sont fréquentes et le risque de cancer buccal augmente. Les réflexes sont altérés et les risques d’accident en voiture majorés.
Les décompensations psychologiques
Le
badtrip ou mauvais trip peut survenir dans certaines situations : concentration du produit élevée, de mauvaise qualité, consommé à fortes doses trop rapidement ou chez les sujets en période de mal-être, avec prise simultanée d’alcool. Sur le plan clinique, le
badtrip se traduit par un sentiment de malaise, de sueurs, de tachycardie, et s’accompagne de crises d’anxiété, de délire à tonalité paranoïaque, d’angoisses parfois extrêmement fortes, longues à se dissiper avec une mise en danger de l’individu, renforcé par un profil psychologique perturbé. Le risque de décompensation est plus marqué chez les schizophrènes. Nettement plus grave, la psychose cannabique se traduit par un épisode de bouffées délirantes associant hallucinations, syndrome confusionnel et syndrome de dépersonnalisation, pouvant justifier d’une hospitalisation de plusieurs semaines en unité psychiatrique.
Un sevrage nécessaire
Si le sevrage sur le plan physique n’est pas excessivement douloureux, il s’accompagne tout de même souvent de troubles du sommeil et d’anxiété. Mais il en est autrement du sevrage sur le plan psychologique. Facilement réalisable pour certains, il nécessite pour d’autres un accompagnement par un professionnel de la psyché. Selon le profil psychologique du sujet, son histoire familiale et son chemin de vie, une prise en charge psychanalytique lui permettra de prendre conscience de son fonctionnement – une dépendance souvent niée par le consommateur, spécialement chez les jeunes et justifiée par la recherche d’une certaine « sérénité idéalisée » – et de trouver en lui l’énergie nécessaire pour supporter et accepter l’existence telle qu’elle est réellement, et la sienne en particulier.
Laurent Comtat