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La psycho
dans Signes & sens
Le lâcher-prise, un jeu d’enfant !
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S’éveiller le matin, frais et dispo, avec
le sentiment d’avoir “ dormi comme un
bébé ” tant notre sommeil nous a semblé
paisible, est certainement la preuve
que nous savons lâcher prise inconsciemment.
Et que c’est donc possible
consciemment !
Ainsi, retrouver le petit enfant à l’intérieur de nous,
celui qui jouait avec confiance, peut nous aider à passer
des obstacles qui nous paraissaient infranchissables.
C’est paradoxal et pourtant ! Les moyens de ces retrouvailles
sont multiples et variés. Cela peut aller d’un travail
sur soi à une toute autre pratique, qu’elle soit artistique, sportive,
professionnelle, à condition qu’elle corresponde vraiment à ce que nous désirons. Les fausses attitudes dictées par
la crainte sont évidemment à abandonner.
La peur de se lâcher
Combien de fois, raconte Nathalie, aurais-je voulu donner
mon point de vue, en réunion. Ou même taper du poing sur la
table pour dire ma désapprobation à mon supérieur hiérarchique
qui me semblait proférer des choses en contradiction
avec ce que je pensais profondément. Mais je n’ai jamais rien
lâché de peur d’être montrée du doigt… Il faut vraiment que
la coupe déborde pour que l’on s’autorise parfois à dépasser la
bienséance et se montrer tel que l’on est. Pourtant, le lâcher
prise est un acte libérateur.
Oserions nous encore, comme le petit enfant, faire des galipettes
sur le canapé sans nous soucier du qu’en dira-t-on ? Il
n’est pourtant qu’à observer nos comportements lors d’une
fête, d’un mariage. Nous redevenons de véritables bambins.
C’est la chenille qui redémarre ou bien la danse des canards !
Quel étonnement d’apprendre que tel invité s’adonnant au jeu de la chaise est avocat au barreau d’une grande ville. Il faut
bien que le corps exulte, chantait Jacques Brel. Ainsi, l’enfant
trop sage, celui qui ne bouge pas une oreille, est enchaîné dans
cette carapace épuisante qui consiste à faire plaisir à l’adulte,
de peur de ne plus être aimé. Et, in fine, de ne pas exister.
S’autonomiser constitue pour lui un obstacle difficilement
franchissable tant l’angoisse est forte.
Les blocages de l’enfance
Pour le docteur Alexander Lowen, psychanalyste, la joie est
un état d’être naturel mais beaucoup l’ont perdue à la suite de
traumatismes qu’ils ont subis dans leur enfance. Refaire le chemin pour retrouver le sillon de la vie est la proposition que les psychothérapies et la psychanalyse font à quiconque veut
ressentir cet état de confiance et de maturité qui va donner du
sens à sa vie. Après un travail en danse-thérapie, Guillaume,
40 ans, témoigne : J’ai eu une enfance sans souci majeur.
Pourtant, je sentais bien que quelque chose n’allait pas. J’étais incapable d’identifier ce mal-être qui m’empêchait d’avoir foi en moi. J’avais la sensation que quelqu’un me dictait mes conduites. Jusqu’au jour où j’ai réalisé, grâce à ma thérapie, que j’étais resté bloqué à un moment de mon passé que j’avais refoulé. Il s’agissait d’une nuit d’angoisse. J’avais neuf ans lorsque mes parents m’avait confié à une baby-sitter pour aller danser. Cette nuit-là, Nicole, cette baby-sitter, avait fait venir son petit ami à la maison. Je me souviens lui avoir crié : “ Je le dirai à papa ”. Elle, si douce jusqu’ici, m’a saisi aux épaules et secoué très fort. J’ai eu l’impression que tout s’écroulait à cette minute. Il a fallu l’aide de ma thérapeute, des années plus tard, pour me libérer des restrictions et des limitations qui découlaient de ce traumatisme...
S’abandonner pour mieux se retrouver
Le lâcher-prise n’est pas à considérer comme un état de passivité.
Maître Eckart, le grand mystique chrétien, disait que le
lâcher dont il s’agit est un “ se confier ”. Abandonner, ne
serait-ce qu’un court instant, une certaine rigidité, du corps ou
de l’esprit, apaise et remet en quelque sorte les pendules à
l’heure. Le mot juste que nous n’osions pas dire, le geste
approprié que nous n’osions pas faire, se sont imposés presque malgré nous. Il fallait que ça sorte. Il s’agit en fait de se séparer
d’une attitude identifiée comme fausse rencontre. Prendre
conscience de notre incapacité à tout contrôler permet d’ouvrir
une porte sur la confiance en la vie. Cette confiance, nous l’avons
expérimentée en tant que nouveau-né, lorsque nous nous
abandonnions à notre respiration naturelle. Ainsi, lâcher le
contrôle permet de souffler. Et le souffle, c’est bien la vie. Il
n’est pas étonnant que les techniques de relaxation (du latin
laxare : étendre, élargir) utilisent la conscience de la respiration
pour retrouver un état de bien-être, préalablement perturbé
par des tensions, afin de retrouver cet état de plénitude qui
est là, toujours disponible. C’est de cette manière que D. W.
Winnicott, pédiatre et psychanalyste britannique, s’adressant
aux futures mères, leur disait : Votre bébé ne dépend pas de
vous pour ce qui est de sa croissance et de son développement.
Un principe vital existe chez chaque bébé, une étincelle de vie.
Cette poussée vers la vie, vers la croissance et le développement,
fait partie du bébé. Il s’agit d’un élément avec lequel
l’enfant naît et cet élément évolue d’une manière que nous
n’avons pas à comprendre. Ce médecin nous éclaire aussi sur
ce processus humain singulier qui nous anime et se situe au-delà
de toute rationalisation. Alors, lâchons pour un temps
notre raison résonnante et laissons-nous porter, tout simplement,
par le flux de la vie…
Régis Garnier
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