Le pardon,
c'est tendance !

Que la lumière, que toute la lumière soit faite sur le pardon ! Voilà un vœu pieux, tout à fait de circonstance en cette période de l'année et, bien sûr, tout au long de l'année... Mais pourquoi cela reste-t-il la plupart du temps un vœu pieux ? Pourquoi le pardon résiste-t-il à tous nos efforts sincères ? Mais... pour mieux pardonner, justement, car le pardon, ça ne s'explique pas ! Registre échappant à toutes les lois, toutes les considérations, cet élan que l'on sait salvateur et qu'on ne demande qu'à apprivoiser, peut nous échapper, faire carrément défaut et disparaître au moment où précisément nous en avons besoin ! Certes, pardonner quand tout va à peu près bien ne pose pas de réelles difficultés mais faire de ce désir un allié quotidien relève du défi...
Prenons l'exemple de la trahison ; comme celle-ci connaît des graduations subjectives, elle impose des latitudes floues et des limites variables d'une situation à une autre et, surtout, d'un individu à un autre. Pas de normes dans ce cas précis. Ceci revient à réfléchir sur le où, quand, comment, qui, pourquoi pardonner ? Sans jugement... Mais alors, ici, il n'est plus besoin de pardon...
Pour nous aider (et le ciel nous aidera...), resituons le pardon du côté de la santé. Véritable anti-stress, juste ce qu'il faut plutôt d'anti-stress, tout un chacun en connaît ses vertus puisque nous revendiquons tous en avoir fait l'expérience. Mais constatons encore une fois qu'il nous échappe lorsque nous jugeons (quelle limite !) la situation dramatique et injuste. Serait-il là alors le piège qui consisterait à nous empêcher de persévérer dans la démarche de pardon ?
D'évidence, différentes médiations dites de développement personnel ont pris le relais de la religion et de la spiritualité depuis maintenant longtemps pour proposer des techniques de pardon. Elles ne l'avouent pas toujours ouvertement mais qu'il s'agisse de yoga, de pensée positive, de zen, le but recherché est avant tout de se recentrer sur soi pour arrêter nos projections les plus redoutables. L'empathie est aussi à la mode, mise à toutes les sauces et par tous les courants, comme le concept de résilience qui démontre entre autres et à juste raison que « le pire n'est jamais décevant »... La relaxation se trouve même proposée par certains psychiatres. Toutes ces médiations ont en commun de nous faire lâcher prise, quelles que soient les douleurs que nous traversons. Quant aux publications littéraires et journalistiques, elles s'appliquent et s'attèlent de plus en plus à la même tâche... Quoi qu'il en soit, l'essentiel c'est que du pardon, on en parle ! Il peut d'ailleurs se montrer audacieux, secret, amoureux, victorieux, velléitaire, modélisant, confidentiel, cependant qu'il existe mille et une façons de le porter aux... nues ! Ainsi, reconnaissons — et tant mieux — que le pardon, c'est tendance!

Chantal Calatayud