Ce qui pousse à réaliser son arbre généalogique relève d’une véritable quête du Graal. Certains passionnés vont jusqu’à se rendre sur les lieux de leurs ancêtres, même éloignés, de manière à retrouver des racines mystérieuses. La discipline appelée « psychogénéalogie » n’en exige pas autant. Nul besoin ni intérêt de savoir si, dans la lignée, se situe un représentant de la noblesse ou une figure célèbre. Il s’agit plutôt d’intégrer son identité actuelle, au travers d’un héritage transgénérationnel qui a laissé des traces dans le psychisme. Elles se révèlent à la fois négatives et positives. Tout l’art du psychogénéalogiste consiste à séparer le bon grain de l’ivraie pour que le consultant s’inscrive le plus harmonieusement possible dans le présent.
Bien des évidences occultées jusque-là, ayant pourtant une relation de cause à effet, rejaillissent à l’issue d’une telle consultation. Travailler sur 4, voire 5 générations, en observant les prénoms qui compulsent, les noms de famille, les dates de naissance et de décès, les unions matrimoniales, les pathologies, les professions, permet de tisser des liens propices à une compréhension salvatrice du processus identificatoire. La psychogénéalogie découlant directement de la psychanalyse, il s’agit alors de conserver les bons repères, ceux qui favorisent les pulsions de vie, et de lâcher les mauvais qui retiennent l’inconscient dans une fidélité morbide.
Un inconscient ancestral
Sigmund Freud, dans son ouvrage « Totem et tabou », publié en 1913, évoque une âme collective. Plus tard, Carl Gustav Jung poursuit l’approche freudienne en parlant d’inconscient collectif. Mais c’est surtout grâce aux travaux concernant les névroses familiales du Français René Laforgue (analyste de Françoise Dolto) que la psychogénéalogie a pu se développer plus largement. Laforgue s’étaye sur la phrase du Père de la psychanalyse qui parle de « névrose de destinée » chez des individus qui donnent l’impression d’un destin qui les poursuit, d’une orientation démoniaque de leur existence. Plus récemment, Anne Ancelin Schützenberger, travaillant auprès de malades atteints d’un cancer, a vulgarisé cette discipline dans son livre « Aïe mes aïeux » en montrant la force des répétitions pathologiques.
Stop aux malédictions !
En montant une psychogénéalogie (ou génosociogramme), le consultant s’autorise à sortir d’une sorte de malédiction, d’un fatalisme paraissant incontournable. Marc Menant, journaliste-animateur chargé de l’émission « Le Secret », diffusée il y a quelques années sur RMC, fut frappé par des histoires comme celles du clan Kennedy. Une fatalité semble s’être abattue sur cette famille, alors que si l’on étudie les interactions transgénérationnelles, il semble que la source de ces drames répétitifs est à chercher ailleurs et, notamment, dans la personnalité ambivalente du patriarche Joseph Kennedy et de l’impact psychologique qu’il eût sur ses descendants. Ramené à une échelle moins médiatique, chaque arbre généalogique abrite la cause de petites malédictions familiales. Le simple fait d’en prendre conscience peut en stopper le processus.
Un axe de liberté
Le travail du psychogénéalogiste consiste essentiellement à aider son consultant à se libérer du cercle infernal des évènements dramatiques compulsifs sur plusieurs générations. Deux approches existent :
- L’approche psychanalytique : il s’agit, tout au long d’une séance individuelle, d’utiliser la méthode des associations libres, en appliquant une méthodologie très précise de manière à cerner, puis à dénouer les résistances. Une interprétation est donnée à la fin de l’entrevue, suivie elle-même d’une abréaction (libération d’affect). Le professionnel est ici tenu d’avoir suivi une formation psychanalytique complète.
- La méthode des constellations familiales : fondée par le psychothérapeute allemand Bert Hellinger, cette approche a recours à une forme de psychodrame et met en présence d’autres intervenants que le sujet lui-même, de manière à déconstruire un scénario fantasmatique polluant au profit d’une intégration plus évolutive du passé.
Lucien Bernard