Pour Françoise Dolto, la mère ne devrait jamais inviter l’enfant à satisfaire son désir à elle. D’ailleurs, certains enfants refusent parfois de se nourrir lorsque celle-ci désire qu’ils mangent…
Si la mère satisfait les besoins de son enfant, en revanche, elle ne doit pas systématiquement combler ses attentes. Lorsqu’un enfant convoite un objet inadapté à ce moment-là, il ne faut pas dévaloriser son envie mais le justifier ; la mère pourra dire alors à son chérubin : Ton envie n’est pas possible à réaliser tout de suite mais tu as tout à fait raison de le désirer... De cette manière, l’enfant apprend à attendre et de cette frustration pourra naître son désir vrai. Si celui-ci est juste, il se manifestera de manière insistante. Ainsi, il y a toujours eu des Hommes pour désirer ce que d’autres considéraient comme de la folie. Souvent, ils payaient cher leur envie de vouloir se mettre au service de la société. Françoise Dolto donne pour exemple celui de Pierre de Coubertin, créateur des Jeux Olympiques et de nombreux stades. Il permit que les individus qui travaillaient en ville bénéficient de l’exutoire du sport le dimanche car, à cette époque, on travaillait aussi le samedi. Elle raconte encore que la famille Coubertin, sa femme, ses enfants, avaient honte de lui, honte de ses dépenses financières destinées à vouloir mettre le sport en vedette. Si sa passion a fait réapparaître les Jeux Olympiques dans les pays d’Europe, il s’est ruiné tout en étant très mal jugé…
Écouter, comprendre, parler
Les désirs se distinguent des besoins en ce qu’ils peuvent se satisfaire de façon imaginaire. Il faut entrer en communication avec l’enfant à
propos et au sujet de son désir. Il s’agit-là d’ouvrir le monde au langage. Un désir peut toutefois être marqué par un interdit lorsqu’il correspond à un caprice:
Achète-moi quelque chose, prends-moi dans ton lit, donne-moi un bonbon… La véritable satisfaction reste de pouvoir en parler. Cette évidence faisait aussi dire à Françoise Dolto :
Je ne crois pas aux psychotiques, c’est-à-dire à la fatalité de ses états... Ces enfants, selon elle, sont des enfants précoces à qui on ne parle pas de ce qui les concerne. Cette attitude peut émerger dès les premiers jours, à la maternité même. L’enfant perçoit les dires des adultes autour de sa conception, de sa naissance et de leurs histoires, ce qui angoisse la mère et le père qui se sentent souvent dans une incapacité momentanée à assurer leur
être parent. On peut entendre encore de nos jours que les enfants sont inadaptés, bloqués parce qu’ils sont abandonnés ou rejetés : il n’en est rien ; c’est qu’il n’y a pas eu de paroles pour leur décrire les circonstances des difficultés au travers desquelles leur corps à survécu ; ils restent alors dans l’illusion que la mère les a rejetés. Seule le verbe, chez l’être humain, tisse un lien symbolique ; dans cette symbolisation, où la présence se fait absence et l’absence présence, l’enfant pourra trouver un lieu où penser et désirer ne seront plus un danger.
Dépasser la problématique du lien
Pour les enfants que l’on dit médicalement idiots, il est nécessaire de remonter dans leur histoire pour mettre en mots où s’ancre leur désir de leur ignorance à vouloir être. Chaque être humain est marqué par les communications entre inconscient et conscient des sujets qui l’entouraient enfant : en premier lieu la mère, le père, puis toutes les autres personnes remplaçant la mère en son absence. En psychanalyse, l’historique des stades d’organisation de la psychogenèse permet de comprendre non seulement les individus dit normaux mais encore ceux qui présentent des anomalies : simples bizarreries ou troubles graves de l’adaptation en société. Les capacités de sublimation intellectuelles doivent comporter un maximum d’adaptation corporelle et émotionnelle permettant et respectant l’épanouissement du sujet. L’intérêt intellectuel s’éveille aux stades successifs dit prégénitaux par adhésion affective à des substituts de parents ou à la distance, puis à la différence imposées par ceux-ci. Donc au fur et à mesure des frustrations apportées par l’extérieur et les différents éducateurs. C’est selon le degré de tolérance à la frustration que se jouera la possibilité de sublimation. L’apparition d’un « symptôme névrotique », chez l’individu d’un niveau intellectuel inférieur à la normale, exprime et donne à voir angoisse et souffrance. L’intelligence, qu’elle soit
débile, normale ou supérieure, comme le précise encore Françoise Dolto,
existe tout autant chez le sujet sain que chez le névrosé. Elle précisait que
tout un chacun a, en lui, les capacités et ce, de manière égale, d’accéder à la sublimation mais le sujet sain possède, quant à lui, des facultés intellectuelles mieux adaptées et plus fécondes. Ses intérêts visent non seulement sa satisfaction personnelle mais aussi son environnement social, conclut-elle. C’est ainsi qu’un heureux développement libidinal, dit génital, conduira peu à peu l’enfant à s’engager de façon affirmée sur le chemin de sa « vocation ». Il pourra de fait, à l’âge adulte, face à un choix de vie délibéré, s’épanouir sur les plans affectifs et sociaux et réaliser ce pour quoi il est né.
Caroline Mondon
La parole selon Françoise Dolto
Françoise Dolto s’occupait, entre autres, d’enfants anormaux, retardés et de ceux qui présentaient des troubles nerveux ou des troubles du caractère. Elle préconisait comme méthodes, auprès de ces enfants, le jeu, le dessin spontané, la « conversation » à entendre par la provocation des propos variés de l’enfant. C’est par l’utilisation du langage symbolique et affectif de l’enfant lui-même qu’elle lui permettait de penser et de vivre en imagination, afin de dire ce qu’il taisait et qui faisait blocage dans sa progression. Elle voulait démontrer ici l’intérêt thérapeutique de la psychanalyse dans son application aux difficultés de développement physiologique, caractériel et mental du petit d’Homme.
