J'ai envie de vous parler du chemin que j'ai emprunté et qui a pris tout son sens avec l'analyse...
On peut dire que j'ai choisi une incarnation difficile : à la naissance, nous étions deux, ma sœur jumelle et moi-même ! Outre « le traumatisme de la naissance », cher à Otto Rank, s'est très vite posé un problème d'identité (entre autres...).
Des débuts uniformes…
Il est vrai qu'une naissance gémellaire étonne et attire toujours les regards. Deux petits êtres qui se ressemblent, parés de surcroît des mêmes vêtements, que c'est mignon ! Nos parents, certainement très fiers de leur progéniture, ont dû dépenser des sommes folles pour nous vêtir pareillement l'une et l'autre... avec toutefois une différence, celle de la couleur ; le rose ou le rouge était presque toujours réservé à ma sœur, quant à la mienne... devinez... c'était le bleu, la couleur que l'on attribue habituellement au garçon ! C'est justement cette différence, qui m'animait et m'anime encore, qui est devenue mon alliée. Pourtant, cette différence a été pendant très longtemps mon mécanisme de défense favori, ma façon à moi de revendiquer que j'existais... Comble du comble, nous nous sommes retrouvées, ma sœur et moi, dans un établissement scolaire religieux où, là encore, l'uniforme était de mise...
Une individualité réelle
Mais soudain, le déclic... J'ai annoncé à la Directrice de cette école mon désir de dessiner la mode, non sans difficultés, et c'est à Lyon que je fis mes études pour devenir styliste. Après l'obtention de mon beau diplôme, des troubles psychiques sont venus noircir le tableau de ma passion pour le vêtement, à tel point que je n'arrivais pas à trouver ma place dans ce métier. Effectivement, dans les rares postes que j'occupais dans des bureaux de style, il fallait que je produise des créations commerciales et c'était, en quelque sorte, à moi de décider de ce que les autres allaient vouloir porter ! Narcissiquement, c'était tout-puissamment valorisant car j'avais le suprême pouvoir de décider pour les autres... mais en apparence seulement car, très vite, la décompensation se fit sentir. J'étais de plus en plus mal, collectionnant les tentatives de suicide sur fond d'oralité débridée... jusqu'au jour où j'ai rencontré en chemin... la psychanalyse... et là, tout a changé, non pas par miracle, non pas sans efforts mais j'ai pu reconnaître enfin mon véritable désir, celui d'une réelle individualité, individualité que j'allais chercher à transmettre aux autres par le vêtement. C'était en quelque sorte la sublimation de ce qui, enfant, fut un frein. Actuellement, je crée des vêtements, pour moi-même, mais surtout pour des personnes en quête d'un bien-être (bien naître), au nom justement de la différence. Et c'est d'ailleurs ce qui m'a amenée à ne réaliser que des pièces uniques...
Solange Mayet
