Tous les parents angoissés par ce type d’échec pensent en connaître les causes : «Moi-même j’étais nul en langues», «Personne ne peut l’aider à la maison», «L’enseignant de l’année précédente était souvent absent», ou encore «Il n’aimait pas du tout son prof en sixième»… Nous savons bien, au fond, que l’explication ne suffit pas, qu’il y a autre chose… Mais quoi ?
L’angoisse va grandissant car le discours ambiant met une pression supplémentaire : aujourd’hui, nous dit-on, sans les langues étrangères, on n’arrive à rien… Pourtant un adulte motivé par un enjeu professionnel apprend l’anglais, pour ne citer que cette langue, en quelques mois. Donc pas de panique. Bien sûr, cela ne signifie pas qu’il faille se désintéresser du problème puisqu’un enfant en échec, c’est un enfant en souffrance. Et l’angoisse parentale rajoute une couche dont il se passerait volontiers ! La priorité est de cesser de s’énerver et de confondre l’enfant avec son échec. Se rassurer et le rassurer.
Que peut-on faire pour aider son enfant ?
En outre, il faut savoir qu’apprendre et parler une langue étrangère, c’est, pour un inconscient, « trahir » ses parents. On se trouve, entre autres, à devoir prononcer des sons que nous n’avons jamais entendus de la bouche de notre mère. Pour certains enfants, c’est une expérience très troublante. Alors, rassurer l’enfant passe ici par un comportement d’émerveillement devant le moindre de ses petits progrès. Cela vous sera d’autant plus facile que vous n’aurez pas appris vous-même la langue : encouragez-le alors à vous montrer, à devenir en quelque sorte un peu votre professeur, essayez de prendre plaisir à partager avec lui ce qu’il vous rapportera de l’extérieur afin que vous le fassiez vôtre et que, peu à peu, la « trahison » s’estompe et se transforme en connivence. Vous pouvez, par exemple, lui demander de vous lire quelques lignes de sa leçon, puis répéter après lui. Inutile d’en faire un pensum, cela ne doit prendre que quelques minutes. S’il hésite ou a oublié « comment ça se prononce », dites-lui que ce n’est pas bien grave, que le professeur va répéter plusieurs fois et qu’il aura tout le temps d’enregistrer correctement pour vous montrer ensuite comment faire. Si, au contraire, vous étiez un bon élève en langues, réjouissez-vous ostensiblement de son moindre progrès. Mais soyez aussi patient que lorsqu’il apprenait à marcher : attendez-le, au lieu de vous impatienter. Acceptez ses erreurs et ses hésitations, ayez du tact, ne l’écrasez pas de connaissances. Demandez-lui s’il veut bien que vous lui montriez et, s’il proteste en disant « Mon prof ne dit pas comme ça ! », acceptez en lui rappelant que vos années de collège sont loin et que c’est le prof qui a raison, même si vous n’êtes pas tout à fait d’accord…
Ne pas oublier
Vous avez peut-être oublié qu’apprendre une langue étrangère est une expérience extrêmement frustrante, tout au moins dans les débuts car il faut consentir à redevenir… muet ! C’est, encore une fois, une expérience qui ébranle certains de nos fondements inconscients. Nous devons accepter cette régression et pour certains inconscients, c’est effrayant. Ayez cela en tête et souvenez-vous de vos émerveillements lorsqu’il répétait ses premiers mots en langue maternelle, lorsqu’il formait ses premières phrases. Vous vous exclamiez de plaisir, n’est-ce pas ? Vous rapportiez à l’entourage qu’aujourd’hui, il avait dit « veux gâteau ! ». Ses erreurs de prononciation, ses hésitations vous attendrissaient. Ses progrès vous éblouissaient, vous rendaient fiers. Tentez de retrouver cet état et, peu à peu, vous verrez le petit apprenant se rassurer et construire la performance, comme il l’a construite lors de l’apprentissage de sa propre langue, auquel ce nouvel apprentissage fait écho. Enfin, si l’enseignant de votre enfant est impatient devant sa lenteur ou ses échecs, blindez-vous. Vous ne changerez pas l’adulte qu’il est, inutile de perdre votre énergie. Si vous réussissez à adopter l’attitude intérieure décrite plus haut, vous surmonterez avec votre enfant ce lourd handicap. N’oubliez pas que c’est vous, le parent, qui comptez pour lui, plus que l’enseignant. Mais vous pouvez toujours expliquer au professeur ce que vous faites avec l’enfant : petites lectures, répétitions… Montrez que vous ne prenez pas sa place mais qu’au contraire, vous vous positionnez comme un élève avec l’enfant. Cela assouplira l’attitude du prof et le rendra à son tour plus patient. Enfin, accompagner l’enfant dans un apprentissage, que l’on soit enseignant ou parent, c’est d’abord se souvenir qu’il est un sujet, à part entière. C’est accepter son rythme, comme on accepte sa croissance en taille. En somme, c’est le respecter. Quelle que soit la méthode pédagogique, quel que soit l’enseignant, quelle que soit notre propre histoire de parent « ancien élève », ce respect est le plus merveilleux, le plus performant des outils. Essayons de ne pas l’oublier.
Dominique Charnaise