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La psycho
dans Signes & sens
La tradition judéo-chrétienne véhicule, Bible à l’appui, que nos parents Adam et Ève ont connu la honte avant d’être chassés du paradis originel par leur Créateur…
Dans son ouvrage « Trois essais sur la théorie sexuelle », Sigmund Freud fait scandale en balayant la pensée rousseauiste qui considère que l’enfant est pur par nature et que c’est la société qui le pervertit. En effet, les travaux du psychanalyste, étayés par sa pratique, montrent que le sentiment de honte, qui se transformera en pudeur, fait partie d’une évolution normale pour l’équilibre de l’individu. Ce sentiment découle des punitions ou remontrances justes qui sont adressées au petit d’Homme dès lors qu’il sort d’un cadre normatif. Que deviendrait alors un enfant à qui tout serait permis, qui n’aurait aucune limite ? La folie est d’ailleurs dénuée de honte et les passages à l’acte meurtriers ont toujours, à leur origine, un dysfonctionnement à cet endroit. Toutefois, en la matière, le discernement est de mise. Il ne s’agit pas de tomber dans l’excès inverse…
L’utilisation de la soumission
Rudolf Hess, haut dignitaire nazi, est l’exemple même de la négation du sentiment de honte. Il ne regretta rien lors de son procès et se réfugia au contraire dans une rationalisation effrayante, considérant qu’il n’avait fait qu’obéir à l’autorité ! Voici ce qu’il déclara : Je considérais comme mon premier devoir de porter secours en cas de besoin et de me soumettre à tous les ordres, à tous les désirs de mes parents, de mes instituteurs, de tous les adultes. À mes yeux, ils avaient toujours raison, quoi qu’ils disent. Ces principes de mon éducation ont pénétré tout mon être… On voit bien les effets pervers d’une éducation psycho-rigide qui déresponsabilise l’individu. Le sentiment de honte, sous couvert de soumission, n’existe plus. L’actualité nous montre aussi parfois comment quelqu’un de bien sous tout rapport peut brusquement sombrer dans un comportement pervers.
Séparer le bon grain de l’ivraie
Il y a donc une bonne honte et une mauvaise honte. Comme tout ce qui existe ici-bas, chaque chose possède son contraire. Ainsi, comment interpréter l’expression : «Il n’a pas honte !»? Elle peut être péjorative, signifiant que l’individu dont on parle dépasse les limites de façon discutable quant à une éthique. Elle peut être admirative, louant le courage de quelqu’un qui a son franc-parler. La honte peut donc être saine ou pathologique. Elle peut enfermer ou libérer. Ainsi, Laure Charpentier dans son ouvrage « Toute honte bue », paru aux Éditions Grancher, dit toute la souffrance liée à cet état. Elle relate notamment le courrier d’une petite fille de dix ans : Je n’ose inviter personne à la maison. Maman boit, j’ai honte. Je vous en prie, faites des émissions à la télé pour que maman comprenne et guérisse... La pire des hontes, et cela rejoint la problématique du poids de notre tradition, est de porter une honte qui ne nous appartient pas. Avoir honte de ses parents est pour un enfant quelque chose de très douloureux. C’est bien pour cette raison que toute thérapie analytique met l’accent sur la réhabilitation des parents, support narcissique obligatoire pour évoluer dans la vie. Nos parents, dans bien des cas, ont fait ce qu’ils ont pu, même si leurs aptitudes nous ont paru insuffisantes. Ils ont été soumis eux aussi à leurs propres parents. L’essentiel est que nous ne prenions pas en charge leurs erreurs sous peine d’inverser névrotiquement les rôles. Nous ne sommes pas Dieu mais nous ne sommes pas plus responsables du péché d’Adam et Ève. Le mythe est seulement là pour nous signifier que nous sommes libres de nos actes mais que nous ne pouvons pas revenir en arrière. Notre destinée est d’avancer quoi qu’il en coûte car il y aura toujours une terre promise quelque part…
Donner et transmettre
Le sentiment de honte est soumis à l’importance que nous accordons au regard d’autrui. Il arrive parfois que nous durcissions ce regard au point d’en être invalidé. Jean-Louis, directeur de société, est resté en jogging ce samedi matin, bien décidé à s’accorder une journée relâche. Géraldine, une de ses relations, vient lui rendre visite à midi. Jean-Louis se rend compte que le frigo est vide mais qu’il aimerait bien inviter son amie à déjeuner. Il lui propose de patienter, le temps d’aller acheter de quoi grignoter, au supermarché. Il enfile ses baskets. La remarque de Géraldine fuse : Mais tu vas sortir dans cet état ? Jean-Louis, qui n’est pas du genre à se laisser déstabiliser, ironise : Absolument ! Et puis si ça dérange quelqu’un, ce n’est quand même pas mon problème... Cette anecdote montre que nous pouvons nous débarrasser d’une cuirasse, liée à un conditionnement pas toujours justifié. Il s’agit donc d’identifier ces parasitages déplacés, relevant en fait d’un sentiment de honte et qui empêchent toute spontanéité. Comment une maîtresse de maison peut-elle recevoir convenablement ses hôtes si elle est constamment obnubilée par ce qu’ils vont dire lorsqu’ils seront partis ? Comment préparer une intervention professionnelle en toute sérénité si l’imaginaire se déclenche déjà, ressentant – sans aucun fondement raisonnable – le regard réducteur et réprobateur de l’assistance ? Ce sont ces procès d’intention qu’il faut stopper net ! Comment ? En s’interrogeant afin de vérifier que ce que nos passages à l’acte, tout aussi redoutés soient-ils, sont bien mus par le désir de donner et de transmettre. Là s’arrêtent les limites de la honte…
Norbert Corail
Aider nos enfants à affronter la vie
64 % des enfants de 6 à 12 ans, sur une population de 156 enfants, disent avoir facilement honte dès que la situation requiert une notion inhabituelle. C’est-à-dire face aux parents de la copine chez qui on va dormir une nuit, devant un membre de la famille rencontré occasionnellement ou en croisant le directeur ou la directrice de l’école primaire… Pourquoi cette forme d’intimidation soudaine ? Nos chérubins répondent à l’identique : une peur qu’ils ne s’expliquent pas ! Pour les aider à liquider ce qui s’apparente déjà à un complexe chez eux, il suffit de parler positivement des « grandes personnes » qu’ils sont amenés à affronter au cours de la journée. Cette sorte d’apprivoisement obtient d’excellents résultats qui facilitent les bons réflexes en matière de communication.
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