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La psycho
dans Signes & sens
Œdipe et la question
de la filiation
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Le mythe de Gaïa est un des récits fondateurs de la mythologie grecque. Gaïa est née de l’Abîme. Elle enfanta un être qui la féconda. Cet être, « Ouranos, le Ciel étoilé », fut son premier enfant et son époux. Ouranos eut peur de ses descendants et les enferma dans le Tartare. Gaïa encouragea Cronos, un de ses fils, à émasculer son père, puis à le chasser pour occuper son trône. Quand il fut au pouvoir, Cronos répéta le même schéma, tant il craignait la malédiction selon laquelle un de ses fils l’émasculerait à son tour. Il dévora l’un après l’autre tous les enfants que Rhéa, son épouse, mettait au monde. Gaïa et Héra protégèrent Zeus de l’appétit infanticide de son père divin. Grâce à un subterfuge, elles mirent l’enfant à l’abri. En âge de combattre, Zeus, à son tour, chassa son père du pouvoir…
Ces mythes nous plongent d’emblée dans le thème du meurtre du père. Meurtre symbolique que la psychanalyse a décrit pour expliquer le processus d’émergence identitaire chez l’enfant.
Le mythe d’Œdipe
Laïos, roi de Thèbes, apprend de l’oracle de Delphes qu’il mourra de la main de son fils. Terrorisé, il fait tout pour empêcher la Reine Jocaste de tomber enceinte, mais un enfant viendra au monde. Laïos se débarrasse de ce fils dès sa naissance en l’abandonnant sur le Mont Cithéron. Là, l’enfant est attaché par les pieds à un arbre (d’où son nom Œdipe signifiant pieds gonflés.) Un berger le recueille et le vend au roi et à la reine de Corinthe. Un soir, au cours d’une dispute avec de jeunes aristocrates, il se fait traiter de bâtard. Bouleversé, il se rend à Delphes pour interroger l’oracle sur ses vrais parents. Mais à peine a-t-il franchi le seuil du sanctuaire sacré que la Pythie pousse un hurlement : Hors d’ici, misérable, tu es maudit, tu tueras ton père et tu épouseras ta mère… Œdipe quitte le sanctuaire et décide de ne pas rentrer chez lui. Ainsi, pense-t-il, la prophétie ne pourra s’accomplir. Il emprunte le chemin de Thèbes, rencontrant, dans un étroit défilé, Laïos qui refuse de le laisser passer. Après une brève dispute, il jette son char sur lui, écrasant ses pieds. Fou de rage, Œdipe sort son épée, tue Laïos et son escorte. Poursuivant sa route, il parvient à Thèbes où il accomplit un acte de bravoure en débarrassant la cité de la Sphinge. Accueilli comme un héros, il est rapidement introduit à la cour et les Thébains lui confient le pouvoir suprême en le proclamant roi à la place de Laïos, dont on pense qu’il a été assassiné par des bandits. Œdipe épouse alors la reine Jocaste sans se douter qu’il s’agit de sa mère. Mais les malheurs des Thébains ne sont pas achevés. La Peste s’abat sur la Cité et l’Oracle de Delphes répond que ce fléau cessera lorsqu’on aura retrouvé le meurtrier de Laïos. Œdipe, qui ignorait que l’homme tué dans le défilé était Laïos (et encore moins qu’il s’agissait de son père), maudit le meurtrier de Laïos et diligente une enquête en jurant que lorsqu’il aura trouvé le coupable, il lui crèvera les yeux de ses propres mains. Au cours de l’enquête, le devin Tirésias (« l’Aveugle voyant ») révèle à Jocaste que son propre mari Œdipe est responsable de tout ce malheur. Si au début personne ne le croit, l’atroce vérité se dévoile peu à peu. Pétrie de honte, Jocaste se pend et Œdipe se crève les yeux avec une broche arrachée à la tunique de sa mère-épouse. Ce mythe s’inscrit lui-même dans un récit beaucoup plus large et on sait l’importance que Sigmund Freud lui a accordé pour rendre compte de l’élaboration de la vie psychique de l’enfant. Mais ce n’est pas tout. Les mythes, en général, illustrent les processus psychiques inconscients qui s’élaborent progressivement dans la psyché humaine. Le complexe d’Héraclès, par exemple, prenant le relais du complexe d’Œdipe à partir de 6 ans, rend compte des combats qu’un enfant se livre à lui-même pour obtenir la reconnaissance de sa mère ; le complexe de Persée, quant à lui, illustre les mécanismes psychiques inconscients en jeu chez le jeune adolescent, sans parler du complexe d’Electre, cher aux Jungiens des premières heures, ainsi que les complexes de Zeus, de Tirésias, de Déméter. Dans pratiquement tous ces mythes, un héros doit accomplir une quête ou plutôt achever une mission transgénérationnelle sans le savoir... Tout comme les Hommes règlent dans leur existence des dettes contractées plusieurs générations plus tôt…
Le schéma répétitif dans la filiation d’Œdipe
Gaïa est l’aïeule d’Œdipe. Celui-ci est en effet héritier de Cadmos, fils d’Agénor, fils de Lybie qui descend d’Io, qui descend de Sisyphe, qui descend de Prométhée, fils du Titan Japet, fils d’Ouranos et de Gaïa… Ouranos, le fondateur de la lignée, a épousé sa mère et a été tué par son fils ! Ça ne s’invente pas, Œdipe ne fait que reproduire le schéma familial originel. Le modèle est donné dès le départ. C’est inscrit dans le disque dur de la mythologie grecque. Aux premiers matins de l’Univers, le fils tue le père, le fils épouse la mère ! La direction est indiquée… Le mythe d’Œdipe, et les mythes grecs en général, montrent à quel point l’Homme est prisonnier de schémas parentaux qu’il répète inconsciemment de génération en génération, pour son propre malheur…
Georges Colleuil
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