La fonction parentale est essentielle au développement de l'enfant, pour sa séparation-individuation et son avenir de Sujet. Winnicott soulignait déjà l'importance de l'environnement : « J'ignore ce qu'est un bébé tout seul, on ne peut parler que d'un enfant et de sa mère. Et l'enfant, pour advenir au statut de Sujet, doit être considéré tel quel par son environnement dans sa réalité familiale, scolaire et sociale ».
Pour un développement harmonieux de l'enfant, le(s) parent(s) doit pouvoir lui présenter l'image d'un parent-Sujet :
> différencié dans l'ordre biologique et la chaîne générationnelle, libéré des scénarios transgénérationnels
> étayé suffisamment narcissiquement pour avoir une identité stable et sexuée de façon claire
> inscrit dans un cadre relationnel adapté socialement et sachant gérer ses pulsions dans sa relation aux limites.
Une nouvelle donne sociale
Cette image donnée à l'enfant lui permet de s'appuyer sur des objets externes suffisamment solides pour oser, sans angoisse ou culpabilité, différenciation et subjectivation. L'évolution de la société impose d'autant plus la référence, acceptée de façon individuelle chez le parent, à une Loi qui nous transcende. En effet, il est à noter d'emblée deux effets de l'évolution de la société ; d'une part, la possibilité de contrôle des naissances a fait émerger la possibilité de choisir son enfant, quand on veut, ce qui contribue à créer une situation de rapproché et de facilitations d'une utilisation à des fins narcissiques, soit un enfant en position d'objet de désir ; d'autre part, l'affaiblissement des processus différenciateurs et des limites dans une société à évolution libérale (règles et interdits moins structurés, moins permanents) sollicite massivement les narcissismes. Ainsi, l'affaiblissement des médiations sociales, comme le renforcement de la proximité narcissique, rendent compte de l'évolution de l'expression des difficultés psychiques, peut-être même davantage que l'affaiblissement du rôle du père souvent mis en avant - ce qui n'exclut cependant pas dans notre esprit la nécessité d'assurer une fonction paternelle. Par ailleurs, l'évolution de la société, avec une libération des mœurs, une atténuation des références culturelles à l'immuabilité du mariage, dans une société judéo-chrétienne, un allongement de la durée de vie, est telle que peut se constater la multiplicité des séparations/divorces et la constitution de plus en plus fréquentes de constellations familiales ou familles recomposées.
Penser en terme de pluri-parentalité
De cette constatation découlent deux faits qui me semblent particulièrement importants à souligner : en premier lieu, lors de toute séparation des protagonistes du couple conjugal, il convient que ceux-ci sachent se référer à l'immuabilité du couple parental, pour eux-mêmes et dans leurs dires aux enfants issus de leur union ; ils différencient ainsi le couple parental du couple conjugal, afin d'assurer la possible pérennité d'objets externes du désir de l'enfant comme imagos stables de référence, suffisamment sécurisants à ce titre pour permettre l'individuation de l'enfant, sans angoisse de séparation ou culpabilité. En second lieu, il convient, au mieux des intérêts de l'enfant, que parentalité biologique et parentalité domestique se distinguent, s'harmonisent et s'organisent, dépassant la clôture des narcissismes personnels des adultes qui font, dès lors, de l'enfant l'enjeu d'un exercice de pouvoir au détriment de son besoin sécuritaire ! En d'autres termes, plutôt qu'à s'attiser à savoir qui est le vrai parent, de celui qui a été géniteur ou qui assume le quotidien, ne faudrait-il pas commencer à penser en terme de pluri-parentalités plutôt qu'en terme d'alternance des parentalités ? Le débat est ouvert... Décrire un nouveau système familial possible n'est pas nécessairement l'endosser mais nous ne pouvons pas non plus dire que l'ordre ancien est inévitablement et invariablement le seul ou le meilleur.
Docteur Claudine Viala