Le mot anglais « stress », signifiant « tension mécanique », fut imposé par un endocrinologue canadien du nom de Hans Selye pour définir tout d’abord un « syndrome général d’adaptation ». Plus tard, les spécialistes firent la distinction entre « eustress » (bon stress) et « distress » (mauvais stress), très proche phonétiquement du terme français « détresse ». À noter encore que le stress est qualifié d’endogène lorsqu’il est en corrélation avec des symptômes internes à l’organisme, comme un déficit immunitaire ou des problèmes métaboliques (diabète, hypertension), et exogène quand sa cause est identifiée en tant que facteur externe (surmenage, harcèlement, et.)…
Comme indiqué par le qualificatif qui lui est associé, le bon stress est protecteur. Il s’agit d’une tension psychique qui fournit au sujet juste assez d’énergie pour se mettre en mouvement. Le bon stress ne concerne généralement qu’une relation de soi à soi. Autrement dit, il n’est pas exclusivement déclenché par la crainte d’un agent extérieur (sanction professionnelle, peur de l’autorité). Un professionnel animé par un bon stress aime son travail et désire progresser. La traduction tension mécanique prend ici tout son sens puisqu’elle constitue un moteur à l’action. L’individu qui n’en serait pas pourvu ferait preuve d’une nonchalance préjudiciable à l’aboutissement de ses projets. On peut comparer le bon stress au léger trac que tout comédien expérimente avant d’entrer sur scène et qui lui permet de parfaire sa prestation. La particularité de ce type de désagrément : il reste ponctuel et n’invalide pas le passage à l’acte. Quant au mauvais stress, il est beaucoup plus préoccupant…
Des chiffres alarmants
Certains commentateurs médicaux placent le mauvais stress en 3ème position des problèmes de santé au travail, après les douleurs de dos et les troubles musculo-squelettiques. Lors d’un sondage effectué il y a déjà quelques années, un actif sur trois déclarait que son sommeil était perturbé à cause de sa profession. 30 % des personnes interrogées disaient que leur santé se dégradait pour la même raison et 35 % d’entre elles avouaient être épuisées psychologiquement. À l’inverse du bon stress, le mauvais stress reste le plus souvent lié à une raison extérieure que le sujet est capable d’identifier. Ainsi peut-on parler d’une représentation consciente ou inconsciente que se fait l’individu d’un élément vécu (à juste titre ou de façon imaginaire) comme persécuteur. Cet élément peut tout aussi bien prendre la forme d’une situation de précarité que d’une hyper activité professionnelle. Au niveau de l’entreprise, cette problématique peut se manifester, par exemple, par une propension à vouloir séduire, jusqu’au surmenage, sa hiérarchie par crainte d’une sanction réelle ou fantasmée. En outre, ce comportement peut s’expliquer de façon objective par une position économique où la menace du chômage reste omniprésente. La psychanalyse, quant à elle, évoque un conflit inconscient, dévoreur d’énergie psychique, entre l’affectif (le Ça) et le social (le Surmoi) qui peut s’avérer, in fine, très lourd de conséquences. L’actualité de ces dernières années est venue malheureusement confirmer ces risques potentiels. Sachant que la France est, en outre, championne du monde en prescription d’anxiolytiques, il est grand temps de prévenir de toutes les manières possibles ce qui peut devenir un véritable fléau. D’ailleurs, le stress au travail est une préoccupation majeure des Pouvoirs publics, la société toute entière n’ayant rien à gagner à le laisser perdurer. Cependant, ce constat ne doit en aucun cas faire oublier que des solutions de prévention existent, applicables par tout un chacun.
Non au sentiment de toute-puissance !
La meilleure des préventions consiste à rester à l’écoute des moindres changements psychosomatiques. Ainsi, plusieurs symptômes sont à identifier comme autant d’appels à s’occuper sérieusement de soi : état général de fatigue lié à une humeur maussade, crises de larmes soudaines, tendance récurrente à l’inquiétude, baisse de la libido, indécision, chute de productivité au travail. N’oublions pas aussi que le mauvais stress provoque des troubles objectivables comme la constipation, les spasmes, et se transforme, si l’on n’y prend garde, en véritable affection physiologique. Pas question pour autant de céder à la panique ! Ces clignotants indiquent seulement qu’il est temps de lever le pied de l’accélérateur et de relativiser ses priorités. Dites-vous que, comparées à votre santé, les inquiétudes sociétales que vous vous imposez n’ont que peu de valeur. Octroyez-vous le droit au plaisir, aussi simple soit-il : une séance au cinéma avec votre conjoint, un repas au restaurant. Il s’agit de rompre petit à petit le cercle infernal. Osez parler de vos soucis avec un tiers, un ami. Ne laissez pas les non-dits vous empoisonner l’existence. Vous avez le droit d’être fragilisé. Aucun être au monde ne peut vous demander l’impossible car, comme dit le proverbe, nul n’y est tenu. Les psychologues et les psychanalystes parlent de la nécessité d’établir une distance avec la difficulté. Rien de mieux que la verbalisation pour y parvenir. Cette application vous permettra de trouver des ouvertures : un entretien avec un chef de service ou un collaborateur, en explicitant calmement que vous avez atteint vos limites, aura beaucoup plus d’effet que n’importe quel antidépresseur. Vous serez même surpris par des capacités d’écoute que vous ne soupçonniez pas de la part de l’entourage que vous côtoyez sans vraiment communiquer. En résumé, prévenir le mauvais stress consiste à réaliser, pour son plus grand bonheur, qu’une lutte extrême n’est jamais qu’un leurre destructeur.
Lilian Petit