La psycho
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      Prévenir le suicide

      Prévenir le suicide
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      Aimer et se sentir aimé est indissociable du sentiment de se sentir contenu et protégé par autrui (et réciproquement), et de ressentir que sa vie, et donc aussi son corps, sont précieux pour autrui. Une personne n'est pas réellement aimée si elle n'est pas protégée des dangers venant d'autrui ou même de ses propres désirs autodestructeurs.

      Dans ce sens, l'expression du désir de tentative de suicide, trop souvent considéré comme du chantage, est parfois une façon de tester la capacité d'aimer de l'autre par la protection. La tentative de suicide peut ainsi survenir pour évaluer ce qu'il peut rester de bribes d'amour de la part d'autrui et pour provoquer une sorte de révélation de ce qu'il reste du lien. Si ce geste d'appel débouche sur la terrible constatation qu'il n'y a pas de réponse, quand le doute s'est installé par rapport à autrui, la récidive est souvent fatale. Ce type de suicide est fréquemment présent dans les ruptures de couple.

      Le sentiment d’être aimé
      L'enfant perçoit très vite instinctivement si ses parents le protègent ou pas des agressions d'autrui. Sa confiance en eux, sa capacité à leur confier ses difficultés dans les situations d'agression qu'il peut vivre, s'établit en fonction de cette aptitude à contenir et à protéger. Un enfant qui constate que ses parents prennent systématiquement le parti d'autres adultes, ou qui diront à l'enfant de se défendre lui-même par rapport à ses camarades, ne se sentira pas aimé de ses géniteurs et n'aura plus confiance quand il sera dans une situation difficile ou de danger. Il se sentira aimé, parfois à tort, par ceux qui lui donneront la protection, même si cette protection dissimule une emprise très dangereuse, par exemple dans les groupes de délinquants, les toxicomanes, un abuseur sexuel ou les sectes. Le sentiment d'être aimé s'établit ainsi dans le fait de contenir aussi physiquement (en serrant dans ses bras), en tenant la main, quel que soit l'âge. L'amour a parfois besoin d'être tangible pour effacer les doutes. Cet étayage permet à autrui d'apprendre à contenir ses mouvements pulsionnels et le débordement des affects ; l'autre peut ainsi apprendre à se contenir.

      Un cercle vicieux
      Cette capacité à contenir se prolonge dans la mémoire : ne pas oublier autrui. On se sent aimé quand on sait que le lien ne se rompt pas dans l'intériorité psychique malgré la séparation. Pour les suicidants, la séparation est souvent angoissante car :
      - la séparation est vécue comme un risque de rupture et d'être oublié par autrui
      - la séparation même est devenue synonyme de mort
      - le lien ne peut persister que dans l'angoisse ou par l'angoisse ; ceci est un cercle vicieux induit par l'expression de l'idéation et du comportement suicidaire.
      Le lien d'angoisse peut être très largement renforcé par l'entourage quand le suicidant a exprimé clairement son désir de suicide ou a déjà fait une tentative. La famille engluée dans l'angoisse ne peut laisser le suicidant seul parce qu'elle a peur qu'il refasse une tentative de suicide en son absence. L'entourage risque de se priver de toute ouverture vitale, de tout loisir, voire de travail, de peur de se séparer du suicidant. Celui-ci, de son côté, ressent très vite la sensation d'étouffer dans cette sollicitude angoissée. Il ressent en conséquence davantage encore un désir accru de se couper de ce lien d'angoisse par la mort.

      Réciprocité nécessaire
      Aimer se fonde par essence sur la capacité de la permanence du lien non destructeur, malgré les ravages de la haine, des colères, de l'ambivalence, des passages de vide affectif où les investissements d'énergie peuvent s'orienter vers des activités extérieures à la relation. L'autre reste présent. Aimer apparaît quand la passion amoureuse s'est éteinte. Aimer peut ressurgir après l'épreuve du feu de la glaciation affective. Dès la naissance, le lien se noue sur la possibilité d'interaction et de réciprocité. Le sentiment d'être aimé repose aussi sur le sentiment d'être protégé et soutenu. Mais ce sentiment est confirmé quand celui ou celle qui protège, dans ses moments de défaillance, par exemple dépressive, recherche et accepte la protection dans la réciprocité. On sous-estime trop la capacité d'étayage et de protection des enfants par rapport à leurs parents. Il n'est bien sûr pas souhaitable que ce renversement des rôles soit constant car l'enfant serait condamné très tôt au rôle de parent de ses parents et privé ainsi de son enfance ; il deviendrait un jeune adulte précoce. Mais un enfant ou un adolescent qui se sent parfois le droit d'aider, de protéger, de réconforter un parent, acquiert une estime de soi et le sentiment qu'il peut être l'égal, voire le supérieur de son parent, qu'il a le droit de grandir ; il se sent et il est capable d'apporter des bonnes choses à ses aînés. Cette possibilité d'être aimé et d'avoir le droit d'aimer dans la réciprocité se concrétise aussi dans les dons. Si autrui n'accepte pas de façon répétée ce qui lui est donné, ceci fait naître un sentiment de ne rien pouvoir offrir de bon, de n'être pas bon soi-même. Le refus ou l'absence d'intérêt porté à un cadeau marque l'absence de reconnaissance. L'absence et le refus de réciprocité dans le lien signent le désir d'emprise dans l'infantilisation d'autrui. Autrui est condamné à ne pas être reconnu comme alter ego, à ne pas pouvoir développer et atteindre l'état adulte.
      Ferenczi, dans L'analyse mutuelle (1908-1933), a saisi cette réciprocité nécessaire, victime lui-même d'une sorte d'infantilisation dans la relation maître-disciple avec Freud qui ne pouvait supporter de le considérer autrement que comme un disciple. Cependant, l'analyse mutuelle, dans l'exclusion, d'une triangulation ne pouvait guère déboucher que sur une relation narcissique de séduction décevante pour les deux protagonistes. L'adolescent, ou l'adulte, qui se sent prisonnier de cette infantilisation, peut avoir recours à un geste qui prend l'allure d'un acte adulte dans une soudaine précipitation vers la mort : être enfant puis faire le saut vers la mort propre au vieillard. Entre l'enfance et la vieillesse, l'état adulte interdit est évité et le geste suicidaire répond aux exigences de l'autre ou de l'entourage.

      Transmettre une capacité à l’enthousiasme
      J. Bégoin (1990) propose l'idée suivante : le sentiment de désespoir naît d'une impossibilité de croissance provoquée par l'attitude de l'objet aimé. Tout obstacle à une possibilité de maturation et d'évolution, quel que soit l'âge, gèle la pulsion de vie. Or, la mise en échec de la pulsion de vie induit un retour contre le sujet de l'énergie liée à cette pulsion. Ceci a pour conséquence l'émergence d'une destructivité dirigée contre le sujet dans l'autodestruction ou à l'extérieur dans l'hétérodestruction. Cette pulsion de vie peut être aussi contrecarrée par l'environnement, en incitant à la croissance et à l'évolution, mais en présentant de façon paradoxale l'avenir comme n'étant que sombre et négatif, sans issue possible. Ainsi, l'absence de transmission d'une confiance dans l'avenir, soutenue par l'enthousiasme, ne permet pas un étayage du désir de développement. L'avenir présenté comme catastrophique est une forme d'attaque d'investissement, une violence physique qui incite les adolescents soit à des comportements de révolte et de refus violents, soit au désespoir dans un abandon de l'effort, jusqu'au comportement suicidaire. Le comportement de révolte correspond dans ce cas au refus de la vision proposée par l'adulte, alors que le suicide confirme l'écrasement par cette vision. Transmettre une capacité à l'enthousiasme représente un étayage fondamental qui incite à l'autonomie et à la croissance psychique.

      Une culpabilité primaire
      Le suicidant est une personne qui désinvestit progressivement la vie, puis transfère ses investissements vers la mort en fonction de ses identifications et de ses liens avec les morts. Une mère en deuil est dans un processus de désinvestissement qui, s'il n'est pas endigué par l'entourage, s'étend progressivement et enraye la possibilité d'attachement à son nouveau-né. L'enfant, pour pouvoir être aimé, va devoir s'identifier et rivaliser avec la personne morte : l'objet mort de la psyché maternelle, voire familiale (Green, 1983). Il lui faudra être aussi bien que l'objet idéalisé, sinon mieux. Il devra répondre aux besoins narcissiques des parents. Parallèlement, la personne endeuillée peut désinvestir la vie et surinvestir le mort et parfois la mort, ce qui est fréquent quand la personne perdue est un enfant. Sa perte de la capacité de lien avec ce qui est vivant induit chez son enfant une identification à la personne morte et une perte de la capacité d'investissement. Une culpabilité primaire, narcissique, émerge face au désir de ne pas assumer la place du mort idéalisé et adulé. Cette culpabilité, diffuse et prégnante, correspond au désir, le plus souvent inconscient, de sortir de cette position de mort-vivant. Ce sentiment d'être coupable de vouloir vivre, d'avoir envie de vivre, peut s'associer à un sentiment profond d'impuissance et d'impasse ; il en résulte les réactions suivantes :
      - se retourner vers une position violente et exigeante par rapport à la génération suivante
      - revivre par la création tant que cela demeure possible
      - s'actualiser dans le geste suicidaire, soit dans une tentative de suicide qui peut avoir une dimension symbolique, soit réalisée dans la résignation et l'acceptation de cette place de mort.

      Créer des liens
      Le suicidant espère par l'acte suicidaire échapper à la douleur. Dans le désespoir, l'espoir même dans la mort et dans le geste suicidaire disparaît. Le désinvestissement peut être total. Le vrai désespéré verse dans une position mélancolique dans un suicide social et psychique ; il va devenir SDF et très souvent le seul investissement possible s'inscrit dans la toxicomanie. Il meurt de froid affectif et parfois physique. Il n'a souvent pas conscience de son état ; il n'a plus conscience du manque de l'autre, de l'objet, sauf parfois de toxique. Sa situation est sans doute plus dramatique que celle du psychotique qui a su se retirer dans un univers personnel comme dans une coquille. Nous sommes là non dans le narcissisme primaire (du psychotique), mais dans l'anté-narcissisme décrit par F. Pasche. Le désespéré n'est pas vraiment clivé car il est précisément dans l'entre-deux du clivage, dans la faille, dans le gouffre même. Le désespoir s'apparente au néant ; le désespéré vit la mort. La détresse correspond plus à une impression d'écrasement subi sous le poids des traumatismes. Elle est, dans la plupart des cas, proche d'un sentiment aigu de danger et de souffrance. Le suicidant en détresse vit une impression de noyade mais il essaie souvent de s'accrocher au bord du gouffre. Il risque de se laisser aspirer dans le désespoir mais il attend plus ou moins secrètement du secours, ce qu'il peut exprimer souvent dans sa tentative de suicide. Il se trouve donc dans une position limite et se retrouve forcé de régresser dans un état limite quand le danger perdure sans secours proposé. Cette régression peut se produire quand la personne est projetée dans une situation de danger psychique imposée par autrui. Cette position a alors une fonction de survie. L'espoir reste présent mais il risque de s'anéantir si aucun secours ne survient ; cet espoir peut aussi s'épuiser. La douleur psychique s'associe à une impression de tension intolérable. Le suicidant vit le clivage en pleine conscience, contrairement au pervers qui impose son clivage intrapsychique à autrui et évacue sa propre douleur psychique. La conscience du clivage s'associe au portage de la dépression d'autrui. Si ce mouvement est nié par la personne qui induit le clivage, le sujet condamné à porter la douleur est considéré comme fou, ce qui provoque la détresse. L'idéation suicidaire existe aussi dans la douleur psychique du névrotique. Elle peut se révéler dangereuse et à l'origine d'un passage à l'acte structuré, réfléchi, déterminé. Ce passage à l'acte risque donc d'être létal, surtout si le suicidant névrotique a déjà effectué, dans un premier temps, un geste symbolique de sacrifice. Paradoxalement, quand la douleur psychique est partagée avec d'autres personnes qui vivent cette même détresse, cela ne conduit pas forcément au passage à l'acte suicidaire mais au contraire, cela peut induire une solidarité des liens même là où il n'en existait pas. C'est ainsi que la guerre, l'horreur des camps de concentration, des deuils familiaux peuvent créer des liens. Ces liens peuvent tisser un réseau relationnel où le suicidant qui partagea sa douleur psychique ne va plus être seul. Dans des associations, cela peut permettre au suicidant de sortir de sa dynamique suicidaire.

       

      Marguerite Charazac-Brunel


       

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