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La psycho
dans Signes & sens
Projets démesurés :
comment déjouer les risques ? |
Manquer ses objectifs ou s’en arrêter à la représentation idéale inscrit, en règle générale, dans une impression de ratage, renforcée d’un sentiment vaguement conscient de culpabilité. Le vide peut alors vite prendre le pas, accompagné d’une sensation de ne pas « pouvoir vouloir ».
Le but n’est, de son côté, pas toujours remis en question. De la représentation à l’action et de l’action à l’accomplissement, les chemins semblent donc plus complexes qu’il n’y paraît ; ils mettent au premier plan nos résistances. Bien que le schéma pensée/action/accomplissement puisse être considéré comme l’idéal d’une volonté sans faille, nous devons néanmoins admettre que c’est grâce à ces ratés de l’existence qu’un questionnement peut advenir. Ces manquements ne sont-ils pas alors, comme tout acte manqué, un discours réussi ?
La qualité des objectifs
Il existe une relation ambiguë qui lie l’individu à son moyen d’atteindre ses objectifs. Se garder d’arriver à ses fins est potentiellement, sur le plan inconscient, un moyen d’entretenir la flamme de la persévérance. En effet, la réalité prouve bien souvent à l’Homme que le but atteint présente aussi ses contraintes et ses difficultés. Entretenir l’insatisfaction est alors parfois un moyen judicieux d’éviter d’entrevoir les maillons faibles de nos projets. Sur le plan de la réalité, la situation rêvée, soit la perception d’un désir déformé, peut être de plus tellement interdite qu’elle s’avère irréalisable. Se pose la question de la qualité des objectifs fixés. C’est-à-dire de leur valeur réelle en terme d’équilibre de vie et d’accomplissement de soi. Le fonctionnement psychique est de toute manière soumis à jeux de forces et d’énergies. Toute perspective de projet, pharaonique ou pas, appelle ainsi à la prudence.
Action et réaction
L’impulsion première, qui motive toute ambition, s’associe parfois à un élément peu agréable : le « j’aimerais » ; celui-ci peut en effet être compris comme le surgissement d’un signal entraînant finalement plutôt du déplaisir. Nos complexes ne sont là jamais très loin. Ce que démontrent, pour exemple, les régimes minceur savamment vendus à foison, en période clef, engageant le « désir » de maigrir. Ainsi, la réaction provoquée n’est pas toujours indemne d’un sentiment de mal-être ou de malaise. Du fantasme de l’action au temps et aux difficultés nécessaires au passage à l’acte, se situe déjà un hiatus qui risque de provoquer de la rancœur vis-à-vis de soi... et des autres ! Il s’avère alors utile de s’interroger sur ce qui motive notre belle ambition : est-ce vraiment pour notre propre bien-être que notre volonté se mobilise ou pour le regard de tel ou tel autre ? Ici se situe la valeur de la sagesse développée par certains philosophes classiques : ils véhiculent une éthique fondée sur une grande vigilance quant à des souhaits toujours à même de provoquer le trouble. S’il n'est pas question bien sûr de ne pas agir, un minimum d’interrogation s’impose face à nos réactions immédiates. Du plaisir factice à l’obligation punitive, les motivations du projet ne sont pas exemptes d’erreur. S’y intéresser peut éviter des dépenses d’énergie inutiles en vue d’un objectif qui, en dernier ressort, ne nous intéresse pas. La volonté ne vaut, en ce sens, qu’accordée à notre véritable plaisir. C’est-à-dire en vue d’objectifs ayant valeur pour nous-même. Mieux vaut céder sur une ambition qui ne nous concerne pas que sur notre désir.
Les étapes de la transformation
Il convient donc d’éviter certains pièges pour mener à bien une réalisation, tout aussi légitime soit-elle. Pour envisager prudemment la mise en œuvre d’un tel chantier, le rêve est nécessaire : première grande étape, celle-ci reste néanmoins indispensable. Car, curieusement, le rêve éveillé, propre au genre humain, favorise nos ardeurs les plus folles ! Mais de façon saine et sereine. Demi Moore déclarait récemment que rien ne la destinait, en apparence, à devenir une star mondialement connue et reconnue. Mais lorsqu’elle a un désir en tête, disait-elle, elle y pense sans discontinuer jusqu’à ce qu’il se réalise ! On retrouve dans cette attitude, bien sûr, le rêve américain. Ou encore le thème ultra positif du film Pretty woman...
Elisabeth, enfant, s’imaginait toujours en marquise. Dès qu’elle en avait l’occasion. Aux bals costumés, elle revêtait – sans aucune exception – ce même habit. Actuellement, elle est une grande antiquaire de New York. Le lien est facile à établir. Une marquise est aussi un abri en verre, situé au-dessus d’une porte d’entrée pour la protéger des intempéries. Mais c’est encore un petit canapé à deux places, privilégié au XVIIIème siècle. Elisabeth a, par ailleurs, épousé un baron anglais qui lui a offert pour ses fiançailles une… marquise ! Bague oblongue recouvrant en partie la première phalange de la main...
En fait, ce genre d’obstination, incompréhensible au départ, permet d’anticiper toutes les résistances probables. Et, ainsi, de les dépasser virtuellement. C’est pour cette raison que toute perception devient réalisable. En revanche, cette détermination exclut impérativement, une logique de raisonnement. Pour aboutir, le rêve éveillé ne doit en aucun cas se préoccuper de la faisabilité du projet. Notamment, pour ne pas permettre aux obstacles potentiels de s’immiscer dans les perspectives de réussite. Enfin, il est fortement déconseillé de confier (y compris à des proches) l’idée même du souhait.
Une réflexion appropriée
Pour la plupart, nos échecs sont dus à un besoin impérieux de brûler les étapes. A l’inverse, nous avons pu le constater pour Elisabeth, sa réussite a commencé à s’ancrer dans la petite enfance. Sans même qu’elle en ait eu conscience. « Patience et longueur de temps »... Monsieur de La Fontaine savait ce qu’il disait. La morale de l’histoire est toujours d’actualité. Les Pyramides d’Egypte ne se sont pas faites en un jour. Le temps devient l’allié de toute perspective, aussi immense soit-elle. À condition donc d’avoir la certitude qu’un tas de pierres n’est rien tant que celles-ci ne sont pas superposées. C’est-à-dire qu’il convient de les arranger avec soin. Une réflexion appropriée n’est possible qu’ainsi. Autrement formulé, aller trop vite rend l’entreprise irréalisable. Seul un solide appui réflexif favorise l’action. Sans lui, il y a désactivation du système de créativité. Tout basiquement parce que la vie psychique abrite aussi des sécurités : un projet égoïste ne verra pas le jour ou disparaîtra rapidement. Tristement. Un projet altruiste amène non seulement son édification mais sa longévité... Une idée, quelle qu’elle soit, doit toujours se mettre au service du plus grand nombre.
Anatole Geydan
Exploitez votre créativité !
Bien des publications sérieuses invitent à développer nos réservoirs créatifs. Cependant, une difficulté peut être occultée dans ce type de propositions : comment aller jusqu’au bout de notre créativité ?
Catherine Amblard, sociologue, spécialisée dans la psychologie du changement, donne des explications pertinentes : Les gens ne sont pas idiots. Ils savent de quoi ils sont capables en matière d’émergence de leur capital créativité. En revanche, s’ils sentent bien ce qui les cheville positivement au corps, ils butent sur des interdits ridicules. Même de nos jours, être peintre ou sculpteur ou chanteur ne fait pas sérieux dans les familles ! D’autant que tous ces artistes ne gagnent pas vraiment leur vie au départ. Charles Aznavour a pourtant chanté : « Je m’voyais déjà en haut de l’affiche »... Cela ne suffit pas à rassurer les parents qui rêvent à la place de leurs enfants. Mais, ce qui est curieux, c’est que ces mêmes parents achètent volontiers les CD de Johnny Hallyday ou autre Céline Dion... Alors, cherchons l’erreur ! S’ils étaient sûrs que leur progéniture puisse gagner des millions d’euro, tout irait bien... Mais, malheureusement, ils n’en ont aucune certitude. Pour tenir bon face aux empêcheurs de tourner en rond, le plus sage est encore de choisir de faire des petits boulots qui ne prennent pas trop de temps ni d’énergie. Pour deux raisons : tout d’abord à partir de là, il n’y a plus de comptes à rendre à qui que ce soit. Ensuite, le temps laissé libre permet de s’entraîner à sa passion favorite. Il n’existe pas d’exception pour confirmer la règle : ces deux grandes décisions ne peuvent qu’aboutir à des résultats plus qu’honorables...
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