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La psycho
dans Signes & sens
C’est bien souvent de ces conceptions arithmétiques différentes que vont découler les difficultés au sein du couple ou, au contraire, l'épanouissement de deux êtres dans une relation privilégiée. « Toi et moi, nous ne faisons qu'un... ». Oui mais lequel ? « Je vous présente ma moitié. »...
Dans ces façons de présenter le couple, nous décelons des réductions saisissantes et aussi un idéal de fusion originelle. Eve n'est-elle pas née de tout un côté d'Adam et non d'une côte, comme souvent nous l'entendons dire ? Si le désir de fusion est bien légitime, et nous pouvons observer qu'il se concrétise tout particulièrement lors de la relation sexuelle, celui-ci est aussi porteur de risques d'étouffement, (« J'ai tout fait pour lui (elle) »...), de perte d'autonomie, de dépendance, d'aliénation de sa propre personnalité.
Sentiment et relation
Dans un couple, il est indispensable de définir les notions de territoires et notamment :
- Quel est le territoire commun ?
- Quels sont les territoires personnels de chacun ?
Effectivement, il est important de se retrouver dans un lieu de partage et aussi d'avoir un espace de liberté qui peut être une maison entière, ou seulement un bureau particulier, ou encore une armoire, voire simplement un tiroir rien qu'à soi, ou un sac à main. L'essentiel est d'avoir un espace personnel qui sera respecté par l'autre. De la même façon, il n'est pas utile de tout partager et bien des conflits pourraient trouver des solutions simples si chaque partenaire se responsabilisait quant au matériel qu'il utilise. Nous prendrons le simple exemple du tube de dentifrice que l'un respecte, l'autre non, oubliant de le refermer ou le tordant n'importe comment. Pourquoi ne pas avoir chacun son tube ? L'intimité aussi réclame d'être diversifiée.
- Une intimité commune, partagée, avec des projets communs, des temps ensemble, des réalisations à deux.
- Et aussi une intimité personnelle, avec des temps pour soi, des projets ou des loisirs individuels. Et là encore, le partenaire aura à respecter mon intimité. Le 1 + 1 = 1 conduit très souvent à un processus dominant/dominé qui ne nous semble pas épanouissant. Si nous considérons à présent une vision : 1 + 1 = 2, nous pouvons nous demander à quoi sert le couple ? Par contre, il est aussi possible d'envisager la relation entre deux partenaires comme une sorte d'entité à part entière et considérer que 1 partenaire + 1 partenaire = 3 éléments à prendre en compte. Former un couple, c'est précisément construire à deux une relation dans la durée. De l'attirance réciproque au désir de vie partagée, chacun va s'acheminer, de la fugacité du ressenti vers la longévité du sentiment ; d'ailleurs, comment envisager un couple sans parler d'amour ? Beaucoup d'histoires de couples démarrent avec le choc amoureux, pour citer Alberoni et continuent par l'envie d'aimer et de partager avec l'autre. Nous pensons que les sentiments sont essentiels à l'épanouissement de chacun des protagonistes ; nous pouvons les comparer à une flamme qui chauffe, éclaire, voire brûle à l'intérieur de chacun et va alimenter le feu, qui unit le couple mais, indépendamment, des sentiments naissent, vivent et aussi meurent ; leur durée de vie sera intimement liée à la santé des relations qui se tissent entre les partenaires. Il est bon de ne pas confondre sentiments et relations. Il est fréquent de constater que ce n'est pas l'absence de sentiments qui nuit gravement à la vie du couple mais que ce sont les maltraitances faites à la relation, par incapacité ou difficulté de communiquer sainement au sein du couple. Chaque partenaire pourrait se poser régulièrement les questions suivantes :
- Qu'est-ce que j'apporte à mon partenaire ?
- Qu'est-ce que j'attends de lui ?
- Quelles sont mes zones d'intolérance ?
L'intimité aussi réclame d'être diversifiée c'est-à-dire qu'est-ce que je ne supporterais pas de lui et qui mettrait fin à notre relation ?
Je pourrais aussi jouer à imaginer être à sa place et me demander :
- Que pense-t-il que je lui apporte ?
- Qu'attend-il de moi ?
- Qu'est-ce qu'il ne supporterait pas de moi ?
Si chacun répond à ces questions et si les partenaires communiquent et discutent ensuite de leurs réponses, ils pourront mieux ajuster leurs comportements. Le dicton dit que l'amour est aveugle, or beaucoup se comportent comme si, au contraire, il rendait extra-lucide : S'il m'aimait, il devrait le savoir... Elle aurait pu se rendre compte que j'avais besoin de... C'est pourtant évident... Nous rappelons que les évidences ne sont évidentes que pour celui ou celle pour qui c'est évident ! Beaucoup d'incompréhensions mutuelles circulent dans les couples, faute de peu de communication. Si je dis seulement : J'ai soif, mon partenaire, par amour pour moi, peut décider de m'offrir le meilleur vin qui soit. Touchée de cette attention, je vais peut-être le boire et très vite répéter : J'ai soif. Mon partenaire pourra m'abreuver du même nectar ; un jour peut-être le quitterai-je brutalement en l'accusant : Avec toi, je mourrais de soif ! et lui pourra me trouver ingrate après tout ce qu'il a fait pour moi !... Si j'ai soif, je peux préciser que ce que j'attends, c'est de l'eau. Beaucoup de personnes aimantes pensent combler leur partenaire par leurs apports, sans vraiment savoir quelles sont les attentes de celui-ci. Un feu s'entretient et c'est chaque jour qu'il faut remettre du bois pour l'alimenter mais il faut aussi veiller à ne pas l'étouffer ; il a besoin d'oxygène. Quand le couple souffre, ce sont deux personnes qui vont mal et la relation malade est l'occasion de raviver les blessures de l'ex-petit garçon et de l'ex-petite fille. A ce moment-là, il faut soigner les 3 éléments : lui, elle, la relation.
Cultiver l’estime de soi
Pour avancer avec le plus de chances de succès dans l'aventure du couple, comme dans celle de la vie, il faut se respecter d'abord soi-même, pour être ensuite capable de respecter l'autre. Beaucoup d'accusations, de reproches faits à l'autre sont l'expression de mon incapacité à me respecter. Le petit garçon ou la petite fille, qui a souffert de ne pas se sentir suffisamment aimé(e), peut fonctionner dans le couple dans un amour de besoin : besoin de réparation que j'attends de l'autre et qui va se manifester par un besoin d'aimer, de faire plaisir, qui cache en fait un besoin d'être aimé(e). Ce fonctionnement est source de bien des déceptions car il fait fuir les personnes honnêtes, qui voient bien le prix à payer pour recevoir cet amour et ont peur de ne pas être à la hauteur de la demande cachée. Il fait également partir celles qui ne sont pas aussi honnêtes et qui prennent sans avoir le moindre désir de donner. S'aimer soi-même, cultiver l'estime de soi, sans tomber dans le nombrilisme, c'est se donner les moyens de fonctionner dans l'amour du don et du partage où j'offre à l'autre ce que j'ai en abondance, sans créer chez l'autre un sentiment de dette. Pouvoir dire à l'autre chaque jour : Je te prête ma liberté vaut mieux que l'aliénation de cette liberté. Chacun, chacune produit ses sentiments, ses émotions. Il est impossible de produire les sentiments ou les émotions de quelqu'un d'autre. Il faut donc ne pas accuser l'autre de produire mes sentiments : Tu m'énerves... Tu me fais souffrir. En retrouver la responsabilité et l'exprimer en se positionnant clairement par un je, comme pour dire : Je suis heureux(se) avec toi, nous semble bien préférable. Mais encore, pour vous qui êtes seul(e) aujourd'hui, face à une annonce du style : En manque d'amour et de tendresse, cherche à rencontrer... fuyez ! Que puis-je offrir si je suis déjà en manque ? Pourquoi pas : En trop plein de tendresse et d'amour, cherche à partager... ?
Noëlle Barbot
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