Et si nos enfants oubliaient tout en quelques semaines, alors qu'il nous a fallu de longs mois pour leur apprendre les tables de huit et de neuf dans les deux sens, le conditionnel présent et la différence entre un complément d'objet direct et un complément circonstanciel ! Pas question de prendre ce risque...
Les devoirs de vacances ont fait partie de nos étés, ils seront présents pour ceux de nos enfants. Ainsi, même si rien ne prouve que faire réviser le programme de l'année aide un enfant à réussir, nous nous précipitons au plus tôt, pleins de bonne volonté, pour acheter ces précieux manuels en plus ou moins grosses quantités.
Une possible confusion
En effet, ce mode de révisions fait l'unanimité... chez les adultes ! Pour beaucoup d'entre eux, ces cahiers élargissent les connaissances de l'enfant, les préparent à la rentrée et évitent surtout LA coupure des vacances si redoutée. Car il s'agit bien là d'une coupure avec angoisse qu'un lien pourrait se rompre plus facilement en cette période où les pulsions de l'enfant ne sont plus essentiellement investies dans le travail scolaire mais davantage dirigées vers des envies affectives. L'angoisse prend alors tout son sens avec le réveil œdipien et les désirs qu'il procure (bon nombre des premières histoires d'amour naissent au cours de l'été !). Et si les parents n'ont pas véritablement leur mot à dire quant aux désirs de leurs plus grands enfants, ils vont chercher à canaliser les plus jeunes en instaurant un lien artificiellement alimenté par l'école en tant qu'il est de leur
devoir de suivre la scolarité et la socialisation de leur progéniture. Ces cahiers vont ainsi être le parfait alibi pour contrôler, en toute inconscience, l'évolution pulsionnelle de l'enfant :
Tu dois réviser afin d'être prêt pour la rentrée ! Ainsi tout est concentré sur la scolarité de l'écolier en vacances et c'est justement là que la confusion se met en place : l'enfant fait généralement ses devoirs sous l'œil attentif de ses parents ce qui crée un amalgame entre humanisation et affectif ; il n'apprend plus pour améliorer ses connaissances mais pour satisfaire ses géniteurs.
Laisser le choix…
L'objectif est donc complètement faussé et la réussite scolaire lourdement chargée d'affects. Que d'enfants ne terminent généralement jamais leurs cahiers d'été ! Quant aux parents, ils baissent eux aussi les bras après quelques jours d'insistance. Car ces enfants sont tout de même en vacances, alors pourquoi leur imposer un tel jeu, énergétiquement épuisant ? Cependant, tout est fait pour que ce soit un jeu facilement instauré dans la famille : les cahiers sont devenus ludiques, colorés. Finies les histoires de robinets qui fuient, d'ampérage d'un circuit électrique... Mais qu'en est-il des résistances ? D'autant qu'il ne faut pas oublier que nous naissons avec toute la Connaissance et qu'il n'est pas nécessaire de rabâcher sans cesse les mêmes théories pour réussir. D'ailleurs, à qui appartient alors la réussite ? Et si, en cette période estivale, nous restions à notre place de parent, sans chercher à prendre le relais des enseignants. Pourquoi ne pas tenir notre rôle d'accompagnateur, privilégiant sans détours le contact véritable où l'imaginaire pourrait s'exprimer. Certes, le cahier de vacances s'avère un bon moyen de révisions mais il paraît nécessaire aussi de respecter parallèlement le rôle du contexte familial, c'est-à-dire de guider l'enfant dans ses découvertes, être à son écoute pour qu'il investisse la scolarité en termes d'enrichissement, d'ouverture d'esprit ; ainsi, le petit d'homme sera considéré en tant que sujet à part entière, ce qui lui permettra, en toute sécurité, de devenir l'actant de son existence. Alors cet été, pourquoi ne pas laisser tout simplement le choix à nos enfants ?
Séverine Natoli
Quelques précisions...
- Un écolier sur deux fait des devoirs de vacances.
- 80 % des parents sont favorables aux cahiers de vacances.
- Les premiers devoirs de vacances datent du XVIIIème siècle, instaurés par les Jésuites.
- Le premier cahier de vacances a été conçu en 1933 pour occuper les enfants de l'époque.
- 6 millions de cahiers de vacances sont vendus chaque été.
