Des contes pour bien dormir


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Le moment du coucher génère naturellement des inquiétudes chez les enfants. Peur du noir et angoisses irraisonnées viennent en effet ternir l’instant pourtant incontournable de se glisser sous la couette. Heureusement, les contes sont là pour venir au secours des adultes parfois démunis ! Dès l’âge de deux ans, un enfant est en effet capable de suivre une histoire complète. Mais il a été montré aussi qu’un conte lu à un bébé dès le sixième mois avait un effet relaxant…

Le contenu de ces histoires, savante alchimie entre imaginaire et symbolique, privilégie le merveilleux. Par identification aux héros, le bambin restaure son narcissisme et recharge ainsi ses réservoirs énergétiques. Le conte permet d’aborder le sommeil et d’accueillir le marchand de sable avec confiance et sérénité… Mais d’où vient l’origine de ce singulier pouvoir ?

Un rite archétypal

Wladimir Propp, folkloriste russe de l’école structuraliste, a mis en exergue le fait qu’un conte, non seulement n’est pas construit de manière hasardeuse, mais obéit au contraire à des règles précises. C’est dans son livre « Les racines historiques du conte merveilleux », son œuvre maîtresse publiée chez Gallimard, que l’auteur tente de répondre à des questions troublantes : Comment expliquer l’existence de contes semblables sur la princesse grenouille en Russie, en Allemagne, en France, chez les Indiens d’Amérique du Nord et en Nouvelle-Zélande, alors que l’on ne peut démontrer l’existence de relations entre tous ces peuples ? Il se trouve que les réflexions de Wladimir Propp rejoignent en tout point de vue la théorie des archétypes chère au psychologue Carl Gustav Jung, à savoir : Il existe dans la psyché un processus fondateur commun à toutes les cultures. L’une de ses disciples et continuatrices, Marie-Louise Von Franz, explique d’ailleurs dans « L’interprétation des contes de fées », publié aux Éditions Albin Michel, que les contes de fées expriment de façon extrêmement sobre et directe les processus psychiques de l’inconscient collectif… Ainsi, le conte s’adresse à l’enfant et parle à son inconscient, mettant au grand jour les ressources qu’il possède déjà. Le conte participe donc d’un rite d’initiation évolutif.

Quels contes choisir ?

Un récit de conte pour enfant ouvrant donc à un parcours initiatique, l’idéal est qu’il puisse identifier celui qui lui correspond le plus. Aussi est-il important que sa panière à albums offre un panel le plus large possible d’ouvrages parmi lesquels il choisira son histoire du soir. Les illustrations et leurs couleurs ont leur importance… Lui en offrir régulièrement de tous les formats et dans des éditions différentes enrichira sa bibliothèque et stimulera son goût pour les belles histoires. Quant au conte pour bien dormir, c’est en fait celui qui, tout en restant symbolique, ouvre les portes du rêve, du merveilleux, abolissant ainsi les limites limitatives d’une réalité pas toujours agréable pour que ce moment de l’endormissement soit vécu tel un doux lâcher prise. Le ressourcement nécessaire apporté par un sommeil de qualité est aussi important pour le corps que pour l’esprit. Or, un conte lu ou raconté juste avant y contribue largement. Aladin, le bon génie et sa lampe merveilleuse surmontent toujours les obstacles de manière magique. La fée clochette possède bien des clés pour réparer les dégâts causés par le vilain capitaine Crochet. Outre ces contes passés dans l’inconscient collectif, nombre d’auteurs et d’illustrateurs contemporains continuent à perpétuer la tradition en actualisant cet art. Les maisons d’éditions spécialisées en littérature de jeunesse utilisent d’ailleurs leurs compétences littéraires et pédagogiques pour réaliser et distribuer de véritables bijoux. Par ailleurs, la transmission orale reprenant ses lettres de noblesse, des ateliers de contes fleurissent ici ou là redonnant sens à la communication entre émetteur et récepteur… II est nécessaire que la présence rassurante du conteur donne vie à cette parole intemporelle…

Pour un accompagnement de qualité

Dans l’ouvrage collectif « Histoires du soir », publié au Courrier du Livre, les auteurs proposent une véritable pédagogie du conte. Cet ouvrage, élaboré de façon à ce que le parent ou la personne tutélaire installe une complicité verbale, propice au passage dans le monde de l’imagination positive, est un véritable outil didactique. Il faut savoir aussi que les enfants ont souvent des histoires fétiches qu’ils aiment qu’on leur raconte encore et encore… Si les adultes ont du mal à comprendre ce phénomène, il n’empêche qu’il s’agit d’un réel bonheur pour le bambin, rassuré du début à la fin parce qu’il peut simplement se laisser bercer par le son de la voix, aussi bien que par ce contenu qu’il connaît par cœur. Le conte agit là à la façon d’une comptine… D’ailleurs, pas question d’omettre un mot du texte ! Le conte devient ici un véritable « doudou » sonore, sorte d’objet transitionnel rassurant. Certains contes enregistrés sur un support audio présentent aussi l’avantage d’un support musical relaxant, utilisant les techniques de la sophrologie. Beaucoup d’enfants aiment se les repasser aussi en boucle…

Un conte pour les récalcitrants !

Raconter une histoire en fonction des résistances du tout-petit qui ne veut absolument pas dormir demande d’avoir en réserve un grand nombre de contes dans son sac… Mais certains sont plus efficaces que d’autres. L’un d’entre eux, jouant sur l’allégorie du soleil qui ne voulait pas dormir, est plein de sagesse. La mise en scène est simple : Un jour le soleil, croyant faire plaisir à tout le monde, décida de ne pas aller se coucher : résultat, sur Terre, les gens et les animaux ne comprenaient plus rien… Tout le monde était énervé et fatigué. Le soleil, épuisé par tout ce remue-ménage lui aussi, décida de calmer l'assistance en allant se coucher… Il s’agit bien sûr de broder autour du scénario et d’y croire ! Ainsi, si cet astre tout-puissant doit respecter l’ordre des choses afin que l’harmonie règne, l’adorable petit récalcitrant au sommeil ne résistera pas !

Cathy Gereste

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