L’école, très tôt, donne l’impression assez juste à l’élève qu’en s’appliquant, il fait de moins en moins mal. Cependant, cette application résulte des interventions et de la surveillance du maître ou de la maîtresse, termes ô combien ambivalents !
L’erreur a longtemps consisté à envisager l’enfant comme un adulte miniaturisé. Jean-Jacques Rousseau, en son temps, dénonça cette mauvaise analyse : L’enfant a des manières de voir, de penser, de sentir, qui lui sont propres ; rien n’est moins sensé que d’y vouloir substituer les nôtres. Bonne approche des prémices de la psychologie de l’enfant, soutenue plus tard par Alfred Binet, Jean Piaget et Henri Wallon, entre autres. Ainsi, faire peur à l’enfant traduit un sadisme barbare dans la mesure où l’enfant attend de tout adulte des sécurités et non pas des menaces. L’étude du développement psychologique du petit d’Homme permet de comprendre pourquoi toute forme de chantage le perturbe et le déséquilibre.
Une difficile adaptation
L’enfant qui s’adapte normalement donne à voir comme une logique, avec une assez bonne continuité du développement psychologique (même si ce n’est pas toujours aussi précis !). Très tôt, vers l’âge d’un an et demi environ, le stade
émotif est facilement objectivable. Il est suivi d’un stade
impulsif, projectif, agressif, oppositionnel, vers trois ans, même si l’élaboration de ces deux réactions psychologiques se met en place plus silencieusement très précocement. Durant ces longs mois d’apprentissage, il faut accepter de sourire (eh oui !), de s’asseoir, de se relever, de se tenir debout, de marcher, puis de parler de mieux en mieux afin de se faire comprendre (et non plus entendre). Arrivent aussi les fameux
mots magiques (merci, s’il te plaît) qui conditionnent obtention ou refus de la part des
grands.
A partir de la maternelle, les autres et les choses peuvent passer avant
moi. Si l’enfant désire absolument prendre le camion de son copain, celui-ci peut le lui refuser catégoriquement en lui disant :
Non, il est à moi... La vie se complique tout d’un coup : il y a d’autres
moi que
moi !
Imaginons maintenant le nombre de fois où le mot
mal a dû être prononcé au cours de ces périodes... Le calcul est inutile tant il semble évident. Et de
mal à peur, il n’y a qu’un pas.
Exemples :
- “ C’est
mal ”, dit maman en voyant que Paul a barbouillé de chocolat le canapé en tissu :
peur d’être grondé.
- “ Tu vas te faire
mal ”, tempête la nounou lorsque la petite Emma cherche à escalader la chaise :
peur de tomber.
- “ Ne prends pas le chat de cette façon ”, soupire encore grand-papa, “
tu vas lui faire
mal ”
: peur d’être griffé (alors que sortir le chat de sa panière pouvait être une impulsion affectueuse).
La
maturation fonctionnelle ne résulte ainsi que d’une série d’interdits castrateurs pour l’inconscient, tout aussi justifiés soient-ils. Fausse adaptation à la réalité, l’éducation s’impose brutalement, engendrant une insatisfaction qui perdurera. Car l’enfant gardera l’impression que s’il fait de moins en moins mal, c’est à cause de la volonté d’un plus grand nombre que lui et non pas en raison de son désir propre.
La métamorphose
Rien n’est définitif, heureusement et rien ne nous empêche, sans avoir la peur au ventre, d’essayer de faire de mieux en mieux. Il s’agit alors d’opter pour la transformation. Ainsi et pour exemple, l’œuvre d’art, quelle qu’elle soit, symbolise l’idée de la métamorphose. Cette particularité rejoint l’essence du changement. Dans l’art primitif, l’ensemble des aléas de l’existence devient le vecteur de la création artistique. Plus que la tradition, cette manifestation ancestrale se veut le témoin des modifications comportementales de l’individu qui s’est vu obligé, contraint, au fur et à mesure que le temps s’égrenait, de chercher à s’adapter de son mieux. Cet art, inconsciemment, par masques naïfs, par maladresses puériles, met en miroir et en scène l’angoisse infantile des guerres, de l’occupation, de la famine, de la tyrannie, de la violence, des massacres, de la barbarie. L’art tente ici de devenir sublimation de la folie de l’Homme. La métamorphose consiste à réaliser que la peur vient d’autres que soi, de ces autres et de ces aïeux qui, en leur époque moins civilisée, se comportaient souvent comme des prédateurs. Aujourd’hui, les attitudes sadiques, immatures, relèvent d’un inconscient collectif plus que névrosé, qui a cristallisé une mauvaise mémoire. Celle-ci ne devrait pourtant transmettre que les jolis souvenirs. Chacun d’entre nous, de fait, se trouve face à une responsabilité énorme et à un rôle précieux qu’il peut endosser. Déjà dans sa propre famille, à titre individuel. La guerre commence d’ailleurs souvent à la maison !
Ainsi, optimiser sa vie requiert une déprogrammation de nos imaginations négatives et autres procès d’intention. Ce regard neuf engendrera toujours plus de paroles de paix qui, à leur tour, seront véhiculées par d’autres que soi. Il s’agit-là d’une force positive, super impulsion pour aller de l’avant ! Alors qu’amertume et rancœur constituent les fléaux de l’humanité. Quoi qu’il en soit, ce nouveau contrat que l’on passe avec soi-même empêche de redouter le présent et l’avenir. L’épanouissement sert la créativité car l’optimisme est créateur.
Chantal Calatayud*
*Pour en savoir plus, lire :
“ Vivre avec ses peurs ”,
paru aux éditions Jouvence
Un peu de psychologie
Quels sont les stades importants du développement psychique de l’humain ?
- 1) Au début de l’existence, le psychisme est égocentrique, centré sur lui-même, ne pouvant envisager l’altérité. Cette forme proche du processus autistique va durer quelques semaines.
- 2) L’imaginaire petit à petit s’enclenche et la pensée devient syncrétique, ignorant toute notion subjectale, le sujet subissant une confusion : le parent n’est, à ce stade, qu’un objet animé.
- 3) Pendant les dix-huit premiers mois de la vie, la pensée demeure artificielle. Le fantasme se renforce mais l’inconscient accole, juxtapose, ne déduit pas. La relation se limite au binôme mère-enfant.
- 4) Ensuite, l’intelligence passe par deux étapes distinctes : tout d’abord sensori-motrice, elle se majore à la faveur de la réussite (pour exemple, l’enfant peut fantasmer faire apparaître l’objet/maman si celle-ci répond tout de suite, à son réveil, à ses gazouillis). Puis, une fois la période verbale mise en place, l’intelligence devient conceptuelle, l’enfant pouvant commencer à assembler, à construire par imitation.
- 5) A la puberté, on assiste à l’intelligence réflexive et la recherche de cohésion apparaît évidente.
Chantal Calatayud*
*Pour en savoir plus, lire :
“ Vivre avec ses peurs ”,
paru aux éditions Jouvence